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DISCOURS POLITIQUE

2.5 Le PCR et son inscription dans l'histoire de la Réunionl'histoire de la Réunion

2.5.1 Le PCR : de l'oppression à la résistance

Au dela des revendications ayant suscité des débats politiques houleux mais déterminants pour l'île de la Réunion (départementalisation, autonomie, autodétermination), l'histoire du Parti Communiste Réunionnais a fortement contribué a la construction de l''identité politique du territoire.

Ses membres dirigeants et militants ont contribué a renforcer l'image de Parti rebelle du PCR au fil des années. De nombreux militants ont été assassinés pour avoir milité pour le Parti Communiste. Ces militants, érigés en héros et martyres ont participé a la construction des représentations autour d'un parti qui lutte pour les opprimés. Un parti contre l'oppression capitaliste et colonialiste pour lequel les hommes sont présentés comme prêts a mourir. Parmi ces assassinats qui sont entrés dans l'histoire du Parti Communiste Réunionnais, l'assassinat d'Eliard Laude en 1959, dont le nom est devenu celui d'un cercle de résistants dix années plus tard. Le 10 décembre 1967, lors d'une élection municipale partielle a Saint-André, Monsieur Édouard Savigny, militant communiste est battu a mort par des nervis du camp adverse. En 1978, c'est l'assassinat de Rico Carpaye qui soulève l'indignation des foules. Ses obsèques qui ont eu lieu au Port le 16 mars 1978 ont mobilisé des milliers de personne. Les militants morts sur le terrain des campagnes politiques vont participer a la construction du parti révolutionnaire, comme Gilles Gauvin le rappelle : « De François Copou en 1958 a Maximim Desby en 1985, le PCR a fait de ses militants des « morts au service du peuple », de véritables martyrs 374».

Les spécificités du Parti Communiste Réunionnais sont son attachement a la cause ouvrière et prolétaire. Un parti avec une forte personnalité, qui a construit son discours politique pour le développement de l'île avec des prises de position sur l'identité et en pleine considération avec l'histoire des révoltes et la progression de la situation sociale de l'île.

374GAUVIN Gilles, « Le parti communiste de La Réunion (1946-2000) » (2000), op.cit., p. 89

« La popularité originelle du parti tient à ce qu'il a investi le champ de la défense des libertés, s'appropriant à la fois l'héritage des révoltes des noirs-marrons, des luttes abolitionnistes de 1848 et de la quête d'identité d'un « peuple banian ». 375».

L'identité politique pour porter la voix de l'opprimé a été formulé de manière spécifique par le Parti qui a su utiliser les symboles de l'oppression et de la révolte pour convaincre les travailleurs pauvres, les chômeurs et autres personnes animés par le sentiment d'injustice, de rejoindre la lutte contre le colonialisme et l'impérialisme. Le maloya anime les meetings du PCR et démontre que le parti brave les interdits en se mettant du côté du peuple réunionnais. Le PCR affiche son soutien au maloya, symbole de l'insurrection de l'esclave. Un soutien qui va se concrétiser en 1974 :

« Après son IVe Congrès en 1974, le PCR parraine la sortie de deux disques de maloya de Firmin Viry afin d’apporter à cette tradition orale une reconnaissance officielle 376».

Un soutien affirmé a la culture réunionnaise qui va participer a l’émergence de cette dernière. Gilles Gauvin qui analyse la portée culturelle des revendications du Parti estime que le PCR a réussi a faire émerger l'expression culturelle créole et lui donner la force de résister.

« Le parti communiste réunionnais ayant fait de la lutte pour la dignité des Réunionnais une de ses raisons d'être, il est naturel qu'il fut à l'avant garde du combat culturel. Il est juste de souligner ici le rôle qu'ont pu jouer de nombreux intellectuels proches du parti communiste réunionnais, la place occupée par le journal « témoignages » et la contribution de la « fête de Témoignages » qui a souvent crée l’événement culturel.

Depuis une dizaine d'années, il semble que les premiers fruits de ce combat soient enfin recueillis: la culture réunionnaise sort enfin du « fénoir », la littérature, la musique, les secteurs artistiques trouvent des possibilités d'expression 377».

Au dela de l'expression créole dans ses meetings ou événements organisés sur la place publique, le PCR a construit un discours de défense autour des plus démunis. Le Parti a porté un message d'espoir pour les catégories populaires, avec une promesse de changement.

L'autonomie se présentait comme un moyen de mettre fin a la crise et de rééquilibrer le partage des richesses. Une rébellion s'organise a l’encontre du système en place. Le pouvoir politique de l'époque a organisé la riposte envers ce parti qui gagnait du terrain et savait convaincre le peuple de rejoindre leur rang. Il y a eu en effet une répression très forte a l’encontre des communistes. Une répression qui a pris la forme de censures diverses, dans les médias et sur le terrain des campagnes où ceux qui participaient a la propagande communiste faisaient l'objet de menaces diverses.

375Ibid., p. 89

376GAUVIN Gilles, « Créolisation linguistique et créolisation politique a la Réunion », (2002), op.cit., p 80 377PARTI COMMUNISTE REUNIONNAIS, La Réunion, égalité et développement, Propositions pour un

débat, Ile de la Réunion : PCR, 1990. p.125

Ces mouvements de répressions a l’encontre du parti ont participé a construire l'image de résistance du PCR. La répression anti-communiste a également renforcé l'image de résistant du chef du parti, Paul Vergès. Son principal opposant politique, Michel Debré, a dès les années 60 construit une forte riposte anti-communiste, allant jusqu’a interdire a Paul Vergès de bénéficier d'une tribune médiatique sur les télévisions et radios de l'île, où il ne peut ni apparaitre, ni témoigner, ni diffuser d'idées. Ces freins a sa communication rendent plus remarquables les victoires du PCR, que ce soit aux yeux de l'opinion publique ou a ceux du gouvernement, comme André Oraison le souligne dans son travail :

« Le PCR est souvent présent dans les campagnes électorales pour les élections municipales, cantonales ou législatives qui sont les plus importantes sur le plan local. A chaque consultation, il fait des scores honorables variant en moyenne entre 15 et 25% des inscrits et 25 et 35 % des suffrages exprimés. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que le Parti de M.Paul Verges a toujours été interdit d'antenne à la radio comme à la télévision378 ».

La censure médiatique, le PCR la contourne par le biais de son journal. Chaque jour, Témoignages s’évertue a dresser des bilans sur la situation économique, culturelle et sociale de l'île. Le journal permet au parti d'avoir une tribune quotidienne dans laquelle s'exprimer.

Créé en 1944 par Raymond Vergès, le premier numéro paraît le 5 mai 1944 avec un soutien affiché aux forces de libération nationale et au Général de Gaulle. Deux mois auparavant, c'est Léon de Lepervanche et Gaston Roufli qui participent au lancement d'un nouveau journal dans la ville du Port. Un journal au nom évocateur :Le Communiste. Une volonté marquée du parti de diffuser son idéologie par le biais de la presse écrite. Un journal qui fera, lui aussi, l'objet de censures.

Le journalTémoignages fera l'objet de plusieurs saisies. Il est accusé de reproduire des articles de médias nationaux, notamment ceux duMonde et de l'Humanité, et il est également accusé de faire l'apologie de l'autonomie dans ses articles. Le journal et son directeur Paul Vergès seront inquiétés par la justice a plusieurs reprises. Ces tentatives de censure vont marquer l'histoire du parti, dont le journal est devenu un symbole d'émancipation et de lutte pour la liberté d'expression.

« Pour faire connaître son programme de l'autonomie démocratique et populaire, le PCR dispose d'un organe de presse Témoignages dont les articles sont rédigés en Français et exceptionnellement en créole. C'est un moyen fondamental d'expression pour le Parti qui n'a pas à sa disposition les techniques audio-visuelles confisquées par les partisans de la départementalisation. Tiré à plus de 5000 exemplaires, Témoignages fait partie intégrante de la presse réunionnaise. C'est un journal dont la mission est de défendre les intérêts de la classe ouvrière. En ce sens il reste fidèle aux principes de son fondateur, le docteur Raymond

378ORAISON André, op.cit., p.63

Verges qui avait voulu en faire, en le créant le 5 mai 1944, le Journal de défense des sans-défenses379 ».

Le PCR dénonce le monopole des bourgeois locaux et des départementalistes sur l’ensemble des médias de l'île. Seul le journalTémoignages offre la liberté d'expression au parti, quand sa distribution n'est pas gênée. Le PCR est interdit d'antenne et de droit de réponses aux attaques des départementalistes qui, eux peuvent utiliser la radio et de la télévision a des fins de propagande politique.

« L'un des problèmes majeurs, c'est celui de l'accès aux services publics d'information de la radio-télévision. La deuxième conférence extraordinaire du PC a dénoncé le 29 janvier 1978 le blocus dont est victime l'opposition de la part de FR3-Réunion. Elle affirme que loin d'être un service public utilisé dans l’intérêt général, la station locale répond essentiellement aux aspirations de la classe dirigeante : métropolitains et bourgeois locaux. Elle serait ainsi un organe de combat à disposition du gouvernement, de l'Administration, des partis conservateurs et de la départementalisation380 ».

Ce blocage médiatique va construire la figure tutélaire de la contestation et de la résistance. Le gouvernement a voulu empêcher que les idées autonomistes du PCR gagnent du terrain dans l'île et a nommé des hommes chargés de maintenir l'ordre comme le préfet Perreau Pradier ou encore Michel Debré. La répression anti-PCR a marqué l'histoire politique par de violents affrontements, des dénigrements et accidents en tout genre pendant les campagnes. La fraude électorale généralisée, le bourrage d'urnes et la forte présence des nervis sont mentionnés dans l'histoire politique comme des conséquences de la répression anti-PCR organisée a grande échelle dans toutes les communes de l'île. Parmi les formes de répression a l’encontre du PCR, nous pouvons également évoquer la très controversée ordonnance Debré de 1961, qui était une solution adoptée pour contrôler la diffusion des idées communistes, jugées dangereuses pour le bon fonctionnement de la République.

L’ordonnance de Debré a été dénoncée comme une véritable atteinte a la démocratie et a la liberté d'opinion. Des intellectuels ont fait l'objet d'expulsions, d'exils forcés du territoire, quand leurs idées venaient a gêner le pouvoir en place :

« Restés fidèles à leur idéal de solidarité avec la classe ouvrière, une dizaine de fonctionnaires en poste à la Réunion, pour la plupart militants syndicaux ou politiques , de surcroit membres du PCR, furent affectés en Métropole en application de cette ordonnance, dont 8 le 5 septembre 1961 au temps du préfet Jean Perreau-Pradier : Jean Baptiste Ponama , Pierre Rossolin, Jean Le Toulec, Max Rivière, Gervais et Nelly Barret, Roland Robert, Boris et Clélie Gamaleya 381».

379Ibid., p.89 380Ibid., p.67 381Ibid., p.66

Dans ce contexte, Paul Vergès, dirigeant emblématique va tenir un discours qui va fortement marquer l'histoire de l'île et ouvrir les consciences face aux oppressions et abus de la classe dirigeante. Les Réunionnais prennent alors conscience des conséquences graves du maintien des structures coloniales. Pour autant, et même si les aspirations sont profondes, le PCR n'obtiendra pas gain de cause pour sa demande d'autonomie. En revanche, fort de ses échecs et de ses victoires, le PCR inscrit ses traces dans la formation de l'identité politique de l'individu.

Cette identité politique construite dans la résistance est représentée par Paul Vergès, dont la vie et l'engagement ont été marqués par les censures, répressions et nombreuses difficultés. Le courage et la détermination dont il a fait preuve dans ce contexte a construit cette ligne de résistance entre le passé révolté de la colonisation et l'engagement politique comme force de protestation.

2.5.2 Paul Vergès, figure emblématique de la politique

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