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L’organisation du mouvement communiste dans les années 1940 : le CRADS et la fédération locale du PCF1940 : le CRADS et la fédération locale du PCF

DISCOURS POLITIQUE

2.3 Le Parti Communiste Réunionnais

2.3.1 L’organisation du mouvement communiste dans les années 1940 : le CRADS et la fédération locale du PCF1940 : le CRADS et la fédération locale du PCF

Pour comprendre la formation du PCR en 1959 et la force du mouvement communiste, il nous faut revenir a l'existence du CRADS et comprendre les enjeux de sa formation a l'époque, ainsi que la plateforme de résistance que ce comité a constituée pour les travailleurs réunionnais. Avant la création du PCR en 1959, les communistes se constituent déja comme une force dans les mouvements syndicaux dès les années 1940. Présents auprès des travailleurs et forts de leurs idéaux anti-capitalistes, les communistes étendent leur influence auprès du prolétariat.

Paul Vergès, en grand témoin des décennies que couvre la période politique allant de 1946 a 1958, dans l'ouvrage d'Yvan Combeau,L'ile de la réunion sous la quatrième république 1946-1958, entre colonie et département, rappelle qu'a cette époque les forces communistes, déja fortement présentes auprès des travailleurs, ont subi une forte répression de 1940 a 1942 suite a l'application du régime de Vichy a la Réunion. Une application que Paul Vergès qualifie de « stupide et assez exotique182 », tout en rappelant que ces deux années de répression n'ont pas empêché les mouvements syndicaux de se maintenir. Le résultat de la répression est que « (...) de novembre 1942, date de ralliement de La Réunion a la France Libre de de Gaulle jusqu'en 1945, il y a eu reconstruction du mouvement syndical a la Réunion, qui s'est avéré extrêmement puissant183 ». Comme Paul Vergès l'indique, ce mouvement syndical a construit sa force sur le rassemblement des forces de gauche et des forces progressistes. Il a été animé par des cadres de la fonction publique, des chemins de fer, de la chambre de commerce et des intellectuels. En 1945, cette force syndicale devient une force de rassemblement politique : le CRADS.

«En 1945, lorsqu' arrivèrent les échéances électorales (les élections municipales et les élections cantonales), on ne pouvait pas se présenter au nom d'un syndicat. S'opère alors la rencontre des dirigeants syndicaux, et, à l'image du mouvement politique anglais ( avec le rôle des trade-unions dans le parti travailliste), c'est le mouvement syndical qui décide de créer un 182VERGÈS Paul, « Grand Témoin », L'ile de la réunion sous la quatrième république 1946-1958, entre colonie et département, sous la dir De M. Combeau, Océans Édition, 2006. p.60

183Ibid., p.60

rassemblement politique appelé le Comité Républicain d'Action Démocratique et Sociale (C.R.A.D.S)184. »

Le CRADS obtient la majorité au Conseil Général avec vingt-six sièges sur les trente-six. En 1946, Léon de Lepervanche prend la tête du Conseil général. La victoire du CRADS aux législatives est décisive pour l'histoire de l'île, comme pour l'histoire du communisme réunionnais. Les deux députés élus le 21 octobre 1945 porteront la voix des partisans de la départementalisation auprès des partis communistes et groupes progressistes de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane. Une commune alliance qui scellera la cause commune a tous les partis communistes des DOM pendant des décennies, a savoir la revendication d'égalité puis celle de l'autonomie.

Gilles Gauvin, qui a travaillé sur l'histoire du PCR dès sa formation situe la date de la structuration du PCR « durant l'entre-deux-guerres ». La force communiste émerge véritablement « en 1946 a l'occasion du combat pour la départementalisation de l'île » et grâce aux forces syndicales qui ont porté les grands mouvements sociaux dans l'île depuis le milieu des années 30. Puis, « En 1947, le docteur Raymond Vergès crée une fédération communiste qui s’affirme rapidement comme le premier mouvement politique insulaire véritablement organisé185 ». L'histoire du CRADS est indéniablement liée a celle de cette fédération et par la suite a celle du PCR. Les idées reprises par Raymond Vergès du mouvement syndical vers le Parti, ainsi que le grand nombre de militants qui transitent du CRADS au PCR, construisent la force de la fédération communiste. Le PCR est marqué dès sa naissance par son attachement aux résistances et aux révoltes syndicales. Ces liens construisent l'image d'un Parti aux côtés de la population et des travailleurs, jusqu'a devenir « Le Parti des opprimés ». Gilles Gauvin invite a considérer la continuité entre les sphères syndicale et politique, dans la formation politique des dirigeants et des députés élus sous l'étiquette du CRADS :

« Le docteur Raymond Vergès et le syndicaliste Léon de Lepervanche imposent dans ce contexte social un front de rassemblement, le Comité Républicain d'Action Démocratique et Sociale, qui aspire à mettre fin à la misère par la départementalisation. Él u s députés à l'assemblée constituante, ils s'inscrivent au groupe communiste : dans les années 1930, Lepervanche avait clairement choisi la cause des « combats prolétariens » tandis que Vergès est secrétaire général de l'Union réunionnaise des syndicats CGT et même selon certains, représentant local du PCF depuis 1932 186».

Nous retiendrons donc le fort attachement des groupes syndicaux et des formations politiques dont les dialogues réguliers ont permis d'alimenter un programme commun et également de maintenir le lien précieux entre travailleurs sur le terrain et la formation et théorisation des idées politiques. L'influence des revendications des travailleurs au sein de la

184Ibid., p.61

185GAUVIN Gilles, « Le parti communiste de La Réunion (1946-2000) » (2000), op.cit., p.73 186Ibid., p.74

construction idéologique du parti communiste sur l'île a été très forte et c'est cette proximité avec le prolétariat qui a, non seulement, construit la force politique du PCR, mais a également participé a son influence considérable pendant des décennies. Cette influence a été indéniablement parachevée par le contact permanent avec des associations partenaires.

« Dans la colonie, le Comité Républicain d'Action Démocratique et Sociale (CRADS) créé le 11 mars 1945, regroupe les forces politiques à l'initiative du Comité d'Action Démocrate et Sociale, né en juin 1932, réunit des personnalités marquantes de la période du Front populaire ( Hinglo, De Lepervanche, Benjamin Hoarau, Raymond Mondon...) et des associations politiques telles que la CGT, la ligue des droits de l'Homme, la loge maçonnique de l'Amitié.

Comme sur la période 1936-1938, chacun peut mesurer le poids des relations entre les associations et le champs politique187 ».

En 1959, la fédération locale du PCF se détache du PCF pour créer le PCR. Cette volonté de se séparer de la fédération locale s'inscrit dans un contexte particulier de tensions entre les fédérations des Outre-Mer et le centre national du PCF. En 1956, Aimé Césaire démissionne du PCF dont il juge sévèrement les actes dans une lettre a Maurice Thorez publiée le 24 octobre 1956. Aimé Césaire explique qu'il ne peut rester dans un parti qui prétend se battre contre le colonialisme, tout en reproduisant le schéma de domination colonial.

« Quant au Parti Communiste Français, on n’a pas pu ne pas être frappé par sa répugnance à s’engager dans les voies de la déstalinisation ; sa mauvaise volonté à condamner Staline et les méthodes qui l’ont conduit au crime ; son inaltérable satisfaction de soi ; son refus de renoncer pour sa part et en ce qui le concerne aux méthodes antidémocratiques chères à Staline 188».

Le PCF perd alors une de ses grandes figures intellectuelles, principal lien entre la Martinique et Paris. Après sa démission, Aimé Césaire crée le Parti Progressiste Martiniquais.

La fédération PCF de la Martinique reste forte après cette démission.

Pour la Réunion, Paul Vergès ne révèle aucun désaccord profond. Gilles Gauvin explique cependant que « les locaux » souhaitent une certaine autonomie dans la gestion des fédérations locales et évoque des tensions avec le parti national. Ces tensions évoquées sont certainement celles nées des divergences sur la prise de position du PCF dans le conflit algérien. « Il semble, malgré l'orthodoxie du journalTémoignages, que des tensions apparaissent entre les métropolitains et les locaux revendiquant une conduite locale du parti 189».

187COMBEAU, EVE, FUMA, MAESTRI, Histoire de La Réunion, de la colonie à la région, Paris : Sedes, 2001. p.143

188Lettre d’Aimé Césaire a Maurice Thorez, 24 octobre 1956. Publiée dans Black Revolution, Demopolis, Paris, 2010.

189GAUVIN Gilles, « Le parti communiste de La Réunion (1946-2000) », in Revue d'histoire, Vingtième Siècle, N°68, octobre-décembre 2000. p. 75

Le détachement s'opère pourtant pacifiquement en 1959 a la Réunion. Le PCR émerge davantage d'une volonté de s'adapter aux spécificités locales avant de marquer une rupture avec le PCF. Malgré quelques tensions relevées entre le Parti national et les fédérations locales dans les Outre-Mer, le PCR a sa création en 1959 n'affiche aucune animosité envers le PCF et reste toujours lié a l'histoire et l'idéologie communiste. Une relation que nous pouvons qualifier de particulière car le PCF et le PCR sont davantage considérés comme des « partis frères ». Le PCR, bien que considéré comme une « fédération locale du parti communiste français », est autonome dans ses réflexions et prises de position. Cette différence est, selon André Oraison, une particularité qui avantage et crédibilise le parti dans l'île :

« C'est un élément important de particularisme qui le distingue des partis nationaux. Ces derniers ne sont que des fédérations réunionnaises de formations politiques exerçant leurs activités sur l'ensemble du territoire de la République française 190».

C'est ainsi que la fédération locale du PCF qui avait été créée le 30 novembre 1947 devient douze ans plus tard le PCR, avec la même idéologie construite pour la défense du prolétariat mais renforcée par des années de militantisme. Le Parti qui émerge en 1959 entend cette fois s'attaquer aux enjeux complexes de la situation post-coloniale de l'île.

2.3.2 La naissance du PCR en 1959 : un acte de résistance contre

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