1.3 Plan de la thèse
2.1.1 Paysages, écologie, environnements, scènes sonores 25
2.1.1.3 Le paysage sonore comme méthodolo-
distin-guant une note fondamentales des autres sons, sert de fondation à des
compositions musicales ou encore à des environnements génératifs. Sur
la base de la composition électroacoustique, les enregistrements xes ou
mobiles des premières études du paysage sonore ont rapidement servi
de matériau brut. Allant plus avant, la notion de scène sonore apparaît
dans le contexte de reproduction ou de synthèse d'un paysage sonore.
En 2006, Misra et Cook [MCW06] décrivent une scène sonore comme
étant constituée d'une texture d'arrière-plan consistante avec un ou
plusieurs événements sonores d'avant-plan potentiellement récurrents.
Nous abordons donc successivement la place du paysage sonore
urbain dans la composition musicale, essentiellement électroacoustique,
et la création d'environnements virtuels sur la base de paysages sonores
urbain réels.
Paysages sonores urbains et compositions électroacoustiques
Si la musique électroacoustique n'est pas la seule à trouver
inspira-tion dans le contexte urbain, ses techniques de réalisainspira-tion impliquent
souvent l'enregistrement de matériaux sonores réels, plus ou moins
re-travaillés par la suite en studio. Cette méthodologie est proche de celle
mise en ÷uvre dans le design sonore. D'autre part, la diusion des
mu-siques électroacoustiques implique souvent l'utilisation d'un système
spatialisé complexe [Mer05], incluant la notion d'espace et son
appré-hension par l'auditeur dans les composantes de la pièce.
La musique de paysages sonores ( désignée par le terme anglais
soundscape composition) émerge dans les années 1970, notamment sous
l'impulsion du groupe de recherche World Soundscape Project de
l'Uni-versité Simon Fraser (Canada) [Tru08]. Elle est caractérisée par la
pré-sence de sons et de contextes environnementaux reconnaissables dont
l'utilisation a pour but de provoquer chez l'auditeur des associations,
des souvenirs et l'imagination [Wes99]. Les techniques de composition
employées sont héritées de la musique acousmatique et mettent en
ap-État de l'art : Espaces sonores urbains 2.1 Concepts fondamentaux
plication les collages sonores [Wes99], la synthèse granulaire [Tru92]
et l'ensemble des traitements numériques disponibles aujourd'hui. La
démarche initiale du World Soundscape Project était de considérer le
paysage sonore comme une forme de musique, le positionnement inverse
est aujourd'hui souvent utilisé pour considérer les musiques
électroa-coustiques comme des paysages sonores [Tru08].
Si les musiques de paysage émergent en parallèle de l'écologie
so-nore, elles sont également nourries de l'univers urbain. Dans un
en-tretien daté de juillet 1999, le compositeur Pierre Henry décrit la ville
comme un réservoir de sonothèque [...], un orgue à bruits, sans silence.
Les références à l'environnement urbain sont présentes autant dans
les sources utilisées que dans les titres de ses ÷uvres : La ville (1984),
Tokyo 2002 (1998) ou Dans la rue (2000). Ainsi, une des premières
pièces aliées à ce type de composition, Presque rien numéro 1, le
lever du jour au bord de la mer de Luc Ferrari (1970) consiste en un
assemblage de sons capturés depuis un point d'enregistrement unique
(un rebord de fenêtre) pour créer une sorte de paysage sonore ou de
carte postale au sens premier du terme [Del09]. L'ambiance perçue
y est essentiellement composée de sons de moteurs, contrastant avec
l'idéal promu par le titre de la pièce. Dans une approche plus complexe
que celle de Luc Ferrari, les pièces de Hildegard Westerkamp mélangent
les sons bruts des enregistrements et les sons traités, créant ainsi un
glissement entre le monde réel et un monde imaginaire [McC99]. Il est
cependant possible de débattre de la réalité des sons enregistrés
dans la mesure où le processus d'enregistrement déforme la
représenta-tion du paysage capté, il n'en demeure pas moins que les sources restent
identiables pour l'écoutant. La pièce pour bande A walk through the
city (Hildegard Westerkamp, 1981) illustre cette démarche avec comme
point de départ des enregistrements du quartier Skid Row à
Vancou-ver. Les composantes de la pièce sont le trac urbain, les klaxons,
les sons de freinage, de construction, de trains, des voix humaines et
un poème lu par Norbert Ruebsaat. Les sources sont utilisées telles
qu'enregistrées ou traitées en studio, créant un ux continu entre un
paysage sonore réel et un imaginaire, tant sur le plan des matières que
de l'espace qui les entoure. Hildegard Westerkamp explique que le
pay-sage sonore de la ville moderne se forme au l de notre changement
continu de point d'attention entre ce qui est acoustiquement réel et
acoustiquement imaginaire.
État de l'art : Espaces sonores urbains 2.1 Concepts fondamentaux
Plus récemment, le compositeur Thomas Köner
5place le thème de
la ville au centre de certaines de ses ÷uvres audiovisuelles. Banlieue
du vide
6(2003), la série Périphériques (2005) ou La Barca
7(2009)
mettent en scène des environnements urbains intensément retravaillés
sur le plan sonore et visuel.
Des outils de musique interactive mettent en pratique des
prin-cipes inspirés de la musique de paysage. On peut notamment citer
l'application Scape de Brian Eno et Peter Chilvers
8. Cette application
propose de créer de la musique en insérant des objets sur l'écran, un
peu à la manière d'une carte. L'application distingue l'arrière-plan des
avant-plans, chacun possédant ses propres règles de sonorisation qui
permettent de créer des pièces uniques et évolutives.
La théorie du paysage sonore et le concepts circulant autour de son
développement depuis les années 1970 fournissent des outils d'analyse
applicables à des ensembles complexes, qu'il s'agisse de ce qu'il est
possible d'entendre au quotidien ou d'enregistrements. La
comparai-son, par ces méthodologies, entre les paysages urbains (ou industriels)
et naturels est au centre des préoccupations de l'écologie sonore et
per-met de produire des études dénissant ce qui qualie, perceptivement,
le son urbain. Les méthodes d'analyse du paysage sonore permettent de
catégoriser les sources d'un environnement en fonction de leur position
relative dans l'espace et de leur évolution dans le temps, ces
méthodolo-gies sont reprises et utilisées comme des bases pour la créations de
mu-siques électroacoustiques ou d'environnements virtuels. Ces diérents
concepts abordent le rôle et la signication et le sens des sons d'un
en-vironnement. Cependant, nous pensons qu'il est important d'aborder
ce qui distingue un son d'un autre en fonction du timbre et quel impact
peut avoir ce dernier sur la perception d'un son, d'un groupe de sons
ou d'un environnement sonore complexe. Nous proposons donc dans les
paragraphes suivants une brève présentation des principes de l'étude
des timbres sonores et de leur application aux sons environnementaux.
5. www.koener.de
6. http ://dspace.mediaartbase.com/handle/10858/16175
7. http ://mediaartbase.com/handle/10858/16717
8. http ://www.generativemusic.com/scape.html
État de l'art : Espaces sonores urbains 2.1 Concepts fondamentaux
Dans le document
Synthèse sonore d'ambiances urbaines pour les applications vidéoludiques
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