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2.2 La ville sonore

2.2.1 Analyse acoustique

An de cerner l'objet d'étude qu'est l'arrière-plan sonore, il paraît

important de présenter brièvement les mécanismes acoustiques propres

à la ville et en quoi ils contribuent à la création d'un bruit de fond

spécique.

Une méthode pour analyser le paysage sonore urbain est d'en

confron-ter les caractéristiques directement observables avec celles d'autres

pay-sages. Dans une étude de 2006, Botteldooren et al. [BDD06] distinguent

ainsi les paysages sonores urbains, ruraux et naturels. Ils montrent

(Fig. 2.7) les diérences entre ces catégories en terme de variation

d'intensité du volume (soit la dynamique sonore globale) et de tonalité

(soit une certaine musicalité globale). Les caractéristiques qui en

res-sortent concernant le son urbain sont une dynamique et une tonalité

bien plus constantes que dans les paysages naturels et ruraux. Ces

ob-servations rejoignent celles présentant le paysage sonore urbain comme

lo- [Tru08] (voir 2.1.1), c'est-à-dire comme un paysage souvent

uni-forme, dont le volume sonore général et le contenu harmonique perçus

varient peu ou lentement au l de la journée.

De nombreuses recherches portent sur la simulation des mécanismes

de propagation du son en milieu urbain [Kan02]. Ces recherches montrent

que les ondes sonores tendent à se rééchir de nombreuses fois sur

l'en-vironnement avant d'atteindre l'auditeur. Chaque réexion modie le

contenu fréquentiel de l'onde sonore de départ ainsi que la perception

de sa localisation dans l'espace. L'arrière-plan sonore n'est pas la

résul-État de l'art : Espaces sonores urbains 2.2 La ville sonore

Figure 2.7 Fluctuations de l'amplitude (gauche) et de la tonalité

(droite) pour les paysages sonores naturels (N3 et N4), ruraux (R8 et

R11) et urbains (U9 et U11), in [BDD06]

tante d'une source sonore précisément identiable mais la conséquence

d'une accumulation de réexions acoustiques sur l'environnement. Il se

compose essentiellement de la combinaison de deux éléments : les sons

de trac rééchis par les façades du bâti.

Nous n'aborderons pas ici les diérents mécanismes analysés ni

leurs méthodes de simulation mais le rôle de ces mécanismes dans la

création du bruit de fond urbain ainsi que des analyses dédiées à son

contenu spectral. Les paragraphes suivants traitent donc de la notion

de champs sonores et de leur formation dans l'environnement urbain

puis des études portant sur le contenu fréquentiel de l'arrière-plan

so-nore urbain.

2.2.1.1 Champs sonores

Le son perçu dans un environnement est le plus souvent un mélange

entre le champ direct (soit une ligne droite entre la source et le point

d'écoute) et le champ indirect (ou dius, composé des réexions de la

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source sur l'environnement et parvenant au point d'écoute, Fig. 2.8).

La balance entre les champs dius et direct est liée à la position du

point d'écoute par rapport à la source ainsi qu'aux éventuels obstacles

se trouvant entre eux.

Figure 2.8 Mélange des champs acoustiques direct et indirect issus

d'une source sonore et formant l'ensemble perçu au point d'écoute

Les mécanismes acoustiques de la ville sont en grande partie dus à la

disposition rectiligne des façades sur lesquelles viennent se rééchir et

se diuser les ondes sonores. On parle de l'eet canyon [Kan00] pour

décrire ce phénomène (Fig. 2.9). La manière dont les ondes sonores

se propagent à l'intérieur du canyon est fortement liée au type des

façades. Dans les grandes villes, celles-ci présentent majoritairement

des irrégularités, typiques d'immeubles anciens, qui tendent à disperser

aléatoirement le son [IO05].

Figure 2.9 Représentation de l'eet canyon ainsi que de la dispersion

acoustique d'une source sur les façades, in [IO05]

Le fond sonore urbain est un champs dius causé par la multitude

des réexions acoustiques sur l'environnement [PHS99]. Le nombre

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portant de sources sonores présentes crée une densité susante de

ré-exions pour générer un bruit de fond permanent et faiblement

locali-sable [WMG65].

De manière générale, les fréquences graves tendent à se propager

plus facilement alors que les fréquences aiguës sont plus diusées et

dispersées [Heu09]. Ainsi, le spectre du bruit de fond urbain perd

rapi-dement en hautes fréquences tandis que les fréquences graves tendent

à persister.

2.2.1.2 Spectre de l'arrière-plan urbain

Comme nous l'avons vu, la principale source sonore en milieu

ur-bain est le trac automobile. Les moteurs et les sons de roulement

en sont les principales composantes. Dans une étude de 2010, Can et

al. ont eectué des relevés acoustiques de la circulation aux abords du

Cours Lafayette (Lyon) [CLLB10]. Les relevés, eectués simultanément

depuis plusieurs points d'enregistrement, mettent en lumière certaines

propriétés du spectre sonore urbain.

Les mesures et analyses spectrales des ambiances urbaines montrent

dans leur ensemble une baisse d'intensité du grave vers l'aiguë, autour

de 8000Hz. Cette baisse d'intensité n'est pas régulière, elle présente une

bosse entre 1000Hz et 2000Hz, ce qui correspond au pic observé dans

les analyses de sons du roulement des pneus sur la chaussée [San03]. Les

analyses fréquentielles de cette étude montrent également une grande

variabilité d'intensité selon le point d'écoute. Un déplacement reculant

le point d'écoute de quelques mètres réduit signicativement l'intensité

perçue. Comme exposé dans le point précédent, les fréquences aiguës

perdent davantage en intensité que les fréquences graves.

Une étude de Shaw et Olson [SO72] portant spéciquement sur la

composition fréquentielle de l'arrière-plan sonore urbain propose un

schéma de forme très semblable avec davantage de ltrage des

fré-quences aiguës (Fig. 2.10).

Les propriétés sonores du trac interagissent avec les propriétés

acoustiques de l'environnement urbain. En se propageant dans les rues,

les strates réverbérées s'accumulent, créant un bourdon dense dont

la composante spectrale varie selon l'intensité du trac et la position

du point d'écoute. Cette accumulation devient un objet sonore, une

texture à part entière, comme une empreinte de la ville.

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Figure 2.10 Comparaison de la répartition des fréquences entre

les arrière-plans sonores urbains enregistrés (points noirs) et simulés

(points blancs), présentée dans [Lyo74] selon le modèle proposé dans

[SO72]

La quantité importante de réexions le long des façades réduit

éga-lement la lisibilité spatiale de la scène, ainsi, les objets lointains qui ne

sont perçus que par le biais du champ indirect deviennent dicilement

localisables. L'ensemble des réexions de toutes les sources crée une

masse sonore compacte et ubiquitaire.

Nous avons vu, dans cette sous-section, que l'arrière-plan sonore

ur-bain trouve son origine dans les mécanismes de diusions acoustiques

de la ville, l'accumulation de ces diusions créant un drone persistant.

La coloration fréquentielle de ce drone est due à l'interaction entre

les sources et la forme de l'environnement. Cependant, des constantes

semblent exister quant au plus fort ltrage des fréquences aiguës par

rapport aux fréquences graves. Le timbre du fond sonore urbain

appa-raît ainsi peu brillant et faible en transitoires.

Dans la sous-section suivante, nous abordons la ville sonore

analy-sée perceptivement. Les études perceptives de la ville nous permettent

de présenter les sources sonores peuplant le paysage sonore au travers

d'approches sémantiques ainsi que la présence de l'arrière-plan sonore.

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