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passants et plus Distance entre inconnus: personnelle proche Distance entre les membres d'une même unité de participation: intime proche Vitesse dictée par la foule Conversation faible.

Saisir l’homogénéité et son envers : concepts

Dense 20 passants et plus Distance entre inconnus: personnelle proche Distance entre les membres d'une même unité de participation: intime proche Vitesse dictée par la foule Conversation faible.

170 Après avoir décrit les lieux, je suis passée à une observation plus systématique des usagers.

Puis, compter et cartographier

À environ deux heures d‘intervalle, j‘ai cartographié43 les usagers présents (sexe, âge, représentation sociale), ce que Low appelle des cartes de comportement (Low, 2000 : 192). Je prévoyais en faire toutes les 15 minutes, mais cela prend environ 20 minutes, selon le lieu et l‘achalandage ; c‘est très long. Je me suis donc limitée à des intervalles de deux heures et j‘ai abandonné plusieurs sections des espaces publics que j‘observais, notamment pour mettre l‘accent sur les lieux réellement achalandés et pour avoir plus de temps pour les observations. J‘ai couvert ainsi presque toutes les heures de la journée.

Dans le tableau ci-dessous, il y a un exemple des heures où j‘ai fait les cartes d‘utilisation, tous les jours de la semaine confondus, au Watercourt de la California Plaza. Sur le terrain, cela m‘a permis de visualiser à quelles heures la répartition des usagers dans l‘espace a été saisie. En voyant quelles sont les heures qui n‘ont pas été couvertes, j‘ai réorganisé mon temps pour avoir des observations du matin au soir.

Tableau 3 : Heure de saisies des utilisateurs en semaine et en fin de semaine au Watercourt

Semaine Fin de semaine

16-sept-09 Mercredi 9 h 55 27-sept-09 Dimanche 8 h 30

16-sept-09 Mercredi 10 h 52 27-sept-09 Dimanche 9 h 17

04-nov-09 Mercredi 10 h 52 28-nov-09 Samedi 13 h 45

29-sept-09 Mardi 11 h 45 05-déc-09 Dimanche 15 h

22-sept-09 Mardi 12 h 12 05-déc-09 Dimanche 16 h 15

29-sept-09 Mercredi 12 h 40 17-oct-09 Samedi 17 h

04-nov-09 Mercredi 12 h 45 18-oct-09 Dimanche 17 h 15

10-sept-09 Jeudi 13 h 31 18-oct-09 Dimanche 17 h 23

22-sept-09 Mardi 13 h 40 17-oct-09 Samedi 17 h 55

10-sept-09 Jeudi 14 h 33 19-oct-09 Lundi 15 h 15-oct-09 Jeudi 15 h 20 03-déc-09 Vendredi 16 h 15 19-oct-09 Lundi 16 h 21 15-oct-09 Jeudi 16 h 50 03-déc-09 Vendredi 18 h

43 Les cartes m‘ont été fournies par les gestionnaires des lieux (pour Watercourt et Grand Hope Park). Pour Pershing Square et Plaza Olvera, elles ont été trouvées dans les archives de la ville. La carte de Vista Hermosa Natural Park provient du site Internet du parc.

171 Des cartes semblables ont été utilisées par Setha Low pour comprendre comment la différence (d‘utilisation, ethnique, d‘âge, de sexe ou de représentation sociale) se construit dans l‘espace (Low, 2000 : 154-179). Il est intéressant de faire un instantané des utilisateurs des espaces publics, de leur représentation et de leurs activités, et ce, à toute heure de la journée.

Ces cartes permettent de documenter non seulement les espaces qui sont appropriés par différents groupes, mais également les frontières entre les groupes, qui peuvent être d‘ordre symbolique ou déterminé par l‘aménagement de l‘espace. Également, cela aide à visualiser comment les groupes sociaux se succèdent dans l‘espace. Comme discuté plus tôt, les espaces publics sont occupés majoritairement par des groupes particuliers selon les heures de la journée ou les événements en cours; un décompte des utilisateurs d‘après les cartes réalisées a permis de déterminer les groupes les plus présents. Les cartes des chapitres à venir illustrent ces données. Le tableau ci-dessous montre comment, de façon générale, les groupes se répartissent dans les espaces publics du centre-ville les jours de semaine.

Tableau 4 : Groupes majoritaires dans les espaces publics du centre-ville en semaine

AM Midi PM Soir

Plaza Olvera Réguliers Locaux et touristes Réguliers Itinérants

Pershing Sq. Itinérants Locaux et cols blancs Itinérants Locaux

Watercourt Touristes et cols blancs Cols Blancs Touristes et cols blancs Touristes et Locaux

Grand Hope Étudiants Étudiants et cols blancs Étudiants Locaux

Vista Hermosa Adolescents Parents et enfants

C‘est ce que j‘ai vérifié sur le terrain. Une fois que le décompte des usagers avait été fait, je suis passée à la description détaillée des interactions qui se déroulent dans les lieux publics prédéterminés par mon horaire d‘observation. Au total, j‘ai fait 95 heures d‘observation de septembre à décembre 2009, réparties entre les différentes périodes de la journée et les jours de la semaine pour chaque site. Le tableau suivant indique la répartition totale de mes heures d‘observation : plus la case est foncée, plus j‘y ai fait d‘observation.

Tableau 5 : Répartition totale des heures d’observation

Fin de semaine Semaine

AM PM Soir AM PM Soir Plaza Olvera Watercourt Pershing Sq. Grand Hope Vista Hermo.

172 Même si le travail d‘observation descriptive n‘avait fait émerger aucune période d‘observation à privilégier (et quelques-unes à éviter), il est apparu au cours des périodes d‘observation suivantes que certains moments devaient être favorisés. Les changements de saisons, les événements publics ponctuels, les conditions de terrain et les questions émergentes ont pu influencer à un moment ou un autre la répartition des heures d‘observation avec le résultat présenté ci-dessus.

Après avoir fait le décompte des utilisateurs, j‘observais pendant 10 minutes un usager ou un groupe d‘usagers choisi au hasard. Je notais la place occupée dans l‘espace, son comportement verbal et non-verbal avec les membres de son groupe ainsi qu‘avec les autres usagers s‘il y avait lieu. Je portais une attention à l‘aspect kinésique, en tenant compte du contexte et des dimensions verbales et matérielles de l‘interaction. Une attention particulière était portée aux conditions de surveillance, de contrôle et de transactions financières entre les participants. J‘ai détaillé environ 40 interactions pour chacun des cinq espaces publics, donc environ 200 interactions.

J‘ai utilisé des outils développés par l‘anthropologie de la communication, notamment la grille de proxémique et le tableau kinésique de Winkin (voir en annexes 1 et 2). Ces outils ont été complétés par des détails sur les gestes et les mouvements du corps qui relèvent des représentations sociales des groupes (Arborio et Fournier, 2005 [1999]: 52).

Pour noter les interactions, Winkin propose la technique du silhouettage, qui consiste à dresser une esquisse des acteurs en action (Winkin, 2001 : 166). Pour un projet de recherche portant sur Los Angeles auquel j‘ai participé (discuté en introduction), les concepts proposés par Goffman ont été opérationnalisés en une technique de dessin que nous avons appelée la Technique « Humpty Dumpty » (personnage ovoïde éponyme d‘une comptine anglaise) (Voir la Figure 35, page 225). La technique Humpty Dumpty est plus simple et plus rapide à réaliser que le silhouettage, bien que plus simpliste et sommaire. Considérant que pendant que le chercheur dessine les faits et gestes des acteurs observés, son attention se détache des sujets et des informations sont perdues, la prise rapide de note par le dessin sommaire sauve quelques secondes d‘informations. Cette technique a l‘avantage, contrairement à la photo et à la vidéo, d‘être assez discrète et de ne pas entraver le respect de l‘anonymat. J‘ai réutilisé cette technique, que j‘ai adaptée aux espaces étudiés.

Pour chaque interaction observée, j‘identifiais le sexe, la représentation sociale, la race et l‘âge des participants, auxquels je donnais un numéro. Je reproduisais ensuite le schéma de l‘interaction en dessin Humpty Dumpty en notant les mouvements du corps, les distances entre

173 les participants et l‘espace occupé. Si possible, j‘ajoutais immédiatement l‘interprétation des gestes et comportements : ici violation de la réserve, là minimisation.

Finalement, questionner

Afin d‘enrichir mes données et de les vérifier, j‘ai effectué des entretiens semi-dirigés en anglais et en espagnol avec deux types de citadins : les usagers et les gestionnaires des espaces publics. J‘avais toujours en ma possession des dépliants en anglais et en espagnol expliquant brièvement mon projet de recherche et que je distribuais sur demande. J‘ai approché 41 adultes au total (voir le Portrait des interviewés en Annexe 4), soit près de dix par parc, pour discuter du sens qu‘ils donnent à l‘espace visité et aux interactions qui s‘y déroulent. Munie d‘un questionnaire semi-ouvert (voir le questionnaire version française en Annexe 3), j‘ai exploré pendant une dizaine de minutes leur opinion des lieux. Une attention particulière a été portée à la façon dont les gens perçoivent les autres usagers et leurs pratiques. Cela m‘a permis de lier leurs expériences quotidiennes à des phénomènes sociaux plus larges, afin d‘envisager un lien entre la fragmentation micro et macro. Par exemple, est-ce qu‘une femme déplore la présence de jeunes adolescents, qu‘elle associe aux gangs de rue et dont les activités sont amplement rapportées par les journaux? Les documents recueillis, comme les articles de journaux, m‘ont aidée à être au fait des derniers événements se déroulant à Los Angeles et ont servi à alimenter la discussion.

J‘ai informé les gestionnaires des parcs de ma présence et de mon projet de recherche. Partout, j‘ai été accueillie ouvertement. Cela s‘est avéré très utile, particulièrement à Grand Hope Park, où je me suis fait arrêter par les gardiens de sécurité pour sollicitation alors que je distribuais mes feuillets pour obtenir une entrevue avec les usagers. Avoir eu préalablement la permission du directeur de la sécurité a rassuré les agents… mais il était trop tard pour l‘usager que j‘allais interviewer. Il avait filé.

Ces rencontres très informelles avec les gestionnaires se voulaient un gage de mon ouverture et de ma collaboration à leur égard. En posant des questions similaires à celle du questionnaire pour les usagers, j‘ai pu obtenir une perspective plus large des lieux, une autre histoire sur les parcs et les interactions qui s‘y déroulent. Les questions de base étaient semblables à celles des usagers, et elles ont surtout servi à approfondir la perspective officielle sur les espaces publics.

Les participants n‘ont pas été retenus en fonction de leur intérêt pour mon projet et je n‘ai recueilli aucune information personnelle. Un formulaire expliquant en anglais ou en espagnol le

174 projet de recherche, les droits des répondants et les devoirs du chercheur préalablement approuvé par le comité d‘éthique de l‘INRS (numéro de dossier CER-08-175, obtenu le 6 septembre 2008) a été remis à chaque participant. Par souci de garder confidentielles les données recueillies auprès des participants, un code a été attribué à tous les répondants du questionnaire.

Analyse

Au retour du terrain, je suis passée à l‘organisation des données : numériser la documentation écrite, transcrire les notes de terrain, etc. Toutes les données ont été maintenues dans un endroit connu de moi seule. La technique d‘investigation scientifique qui a été utilisée est celle dite d‘analyse de contenu. Il s‘agit d‘une analyse globale faite sur tout document qualitatif écrit, sonore ou audiovisuel, qui concrétise une certaine volonté de systématisation, de compréhension, d‘explication et de comparaison (Angers, 1996: 158). En ce qui concerne mes données (observations, dessins, entretiens, documentations, cartes), l‘analyse de contenu implicite a été privilégiée. Ce type d‘analyse consiste à mettre en lumière la signification des thèmes, les valeurs et les opinions non-exprimées qui découlent de prises de position sous- jacentes ou ignorées dans les entretiens effectués (Angers, 1996: 158). Cela correspond d‘ailleurs à un des principes de la théorie de la communication de Winkin selon lequel la signification est plus importante que le contenu dans tout acte de communication. Cela implique, autrement dit, le développement d‘un ensemble de catégories qui permet de saisir les aspects importants des données et, simultanément, la classification de ces données dans ces catégories, de façon à pouvoir répondre aux hypothèses et enrichir les propositions théoriques énoncées ici (Hammersley et Atkinson, 1995 [1983]: 208-209; Yin, 1994: 103). C‘est ce que Quivy et Campenhoudt appellent l‘analyse de contenu thématique (1995: 231). Déjà entamée pendant l‘observation, la classification en termes de groupes, d‘interactions et de codes, m‘a familiarisée avec ces données et a facilité l‘analyse thématique (May, 2001 [1993]: 139). Aucun participant n‘a demandé a être informé de l‘avancement de la recherche et des résultats finaux. Un bilan résumant en anglais mes analyses sera envoyé aux gestionnaires des parcs.

Conclusion

Il a été question ici des thématiques précises dont ce travail se saisissait pour l‘observation des usagers des espaces publics et de la façon de le faire. Ces thématiques (homogénéité, sécurité et commodification) reprennent les éléments du diagnostic de mort des lieux publics énoncés par l‘École de Los Angeles et effectifs sous les pratiques néolibérales de gestion urbaine. En

175 s‘évertuant à démontrer pourquoi Los Angeles n‘avait plus d‘espaces publics viables, l‘École de Los Angeles a uniformisé l‘espace, a généralisé les caractéristiques des plazas des tours corporatives construites dans les années 1950 à 1980 à tous les espaces publics du centre-ville angélino. L‘histoire des espaces publics a mis au jour le fait que Los Angeles a suivi les tendances et les pratiques propres à chaque époque (sites du pouvoir royal, esthétisme moderne, étouffement néolibéral), mais qu‘à même le territoire métropolitain, la gestion et l‘utilisation des espaces publics sont différentes, même pour la même période. Chaque nouvel espace public s‘attache une fonction, des usagers et un rôle bien particuliers. Cette construction sera appelée à être enrichie au cours de la vie du site, rendant la contribution de tous les sites au paysage urbain entièrement unique.

Plus précisément, la cohabitation entre des étrangers qui partagent momentanément un espace commun ne peut se faire que sur le respect des autres et des normes en cours, ce qui génère une confiance mutuelle entre tous les usagers. Ceux-ci et les normes implicites peuvent bien sûr être contestés, particulièrement dans le cas où de nouveaux arrivants souhaitent transformer le site à leur image. À force d‘usage, de débats, de perceptions et d‘interventions, les espaces publics acquièrent une propriété de représentativité. Par ce qu‘ils représentent, les espaces publics permettent la construction d‘un sentiment d‘appartenance à un quartier, à un groupe social. Ce sont des points de repère dans la vie personnelle des gens, dans leur compréhension des autres et de leur environnement. Parce qu‘ils sont rarement neutres, les espaces publics permettent la contestation politique, en tant que récipient de la contestation (on vient manifester contre le pouvoir en place) et en tant qu‘objet de contestation (on s‘oppose au nouvel aménagement d‘une place publique). Ils focalisent les dynamiques du tissu social environnant, comme ils sont eux-mêmes au cœur des enjeux locaux.

La méthodologie utilisée pour évaluer la vitalité des sites communs urbains rejoint les stratégies favorisées par l‘École de Chicago, les recherches sur les espaces publics et l‘anthropologie de la communication. Pendant plusieurs mois en 2008 et 2009, j‘ai fait de l‘observation descriptive, de l‘observation participante et des entretiens afin de faire la lumière sur les usagers des espaces publics du centre de Los Angeles. J‘ai mis à l‘épreuve deux espaces publics de la métropole californienne près de 20 ans après leur caducité annoncée (Watercourt et Grand Hope Park) et trois espaces publics jamais discutés par ceux-ci (Vista Hermosa Park, la Plaza Olvera et Pershing Square).

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CHAPITRE 5 : L’HOMOGÉNÉITÉ, LA SÉCURITÉ ET LA