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Le passage à l’échelle industrielle : la traversée réussie de la « Vallée de la mort »

C. Les outils de financement

2. Le passage à l’échelle industrielle : la traversée réussie de la « Vallée de la mort »

a. La Vallée de la Mort

Le graphique qualitatif suivant illustre, par « La vallée de la mort », le manque de concrétisation des projets de recherche, qui a été évoqué plusieurs fois lors d’autres auditions. Il incite à mettre en œuvre l’idée d’un crédit impôt innovation et à réfléchir à des outils permettre de renforcer le capital risque en France pour « faire le pont » entre la phase préindustrielle et le lancement du produit.

En effet, le processus qui permet de passer de la recherche à l’innovation peut-être décomposé en différents niveaux de maturation technologique.

L’innovation requiert la mise en œuvre de compétences pluridisciplinaires en amont, au niveau de la recherche fondamentale. Ces compétences, qui n’ont que très peu de chances d’être présentes au sein de chacune des TPE et des PME, peuvent être trouvées auprès des unités de la recherche publique, par exemple auprès de structures comme les instituts Carnot. L’accès à ces compétences est d’ailleurs encouragé par la prise en compte de l’augmentation des dépenses possibles grâce au CIR, qui est un outil efficace pour la recherche.

Les Instituts Carnot proposent notamment de faire en sorte que le partenariat avec les entreprises, et, notamment avec les PME, puisse se développer sur des activités assurant l’accompagnement jusqu’à la phase industrielle.

Or, les dispositifs de financements publics interviennent de façon importante sur le terrain de la recherche jusqu’au prototype, mais cessent d’être accessibles dès qu’il s’agit de poursuivre plus en aval, notamment sur les phases d’industrialisation.

Les concours bancaires classiques savent ensuite prendre le relais que lorsque tous les risques ont été levés et que la phase de commercialisation a débuté.

Entre les deux zones, il y a une « Vallée de la mort » : les soutiens financiers des pouvoirs publics ou les dispositifs incitatifs s’arrêtent en cours de route, sans aller jusqu’au stade où les entreprises, notamment les PME, peuvent faire appel à ces autres ressources.

Il y a donc un problème pour passer à « l’échelle supérieure » ; l’innovation reste souvent bloquée à la phase « prototype » ou « start-up » avant soit d’être bloquée faute de financement, soit délocalisée par le rachat de nos start-up par des grands groupes étrangers.

b. Le rôle d’OSEO

Les activités d’OSEO ont été présentées plusieurs fois à l’Office parlementaire par sa directrice générale déléguée, Mme Laure Reinhart

OSEO est une structure originale, combinant des activités relevant de la banque, de l’assurance et d’une agence de financement de l’innovation.

Elle est née en 2005 de la fusion de l’ANVAR (qui était une agence publique de financement de l’innovation), de la SOFARIS et de la BDPME (Banque des PME, ex-CEPME, crédit hôtelier et caisse des marchés de l'Etat).

Elle a par la suite intégré l’Agence d’innovation industrielle (AII) en 2008 et devient OSEO SA le 31 décembre 2010, ce qui lui permettra d’achever ce processus de rapprochement des équipes de ces diverses entités.

Ce rapprochement lui permet d’offrir aux entreprises une compétence technique – pour comprendre l’ensemble des apports immatériels du projet –, une capacité de financement et un système d’assurance, apporté par l’ancienne SOFARIS.

Son financement est assuré par des fonds de l’Etat, de l’Union européenne et des régions. Elle perçoit quelques recettes propres, en qualifiant des entreprises innovantes pour des FCPI. L’Etat lui verse une dotation pour garantir des prêts bancaires d’entreprises et du capital risque (OSEO garantit 50 % du capital risque français).

Son budget de fonctionnement est de 50 millions d’euros TTC, son budget d’intervention de 500 millions d’euros pour 2011.

Elle aide 3000 à 4000 entreprises par an, en finançant divers types de projets : certains de grande ampleur, tels les PMII (projets mobilisateurs d’innovation industrielle) ou les ISI (investissements stratégiques industriels) ; d’autres moins importants, inférieurs au seuil européen de 7,5 millions d’euros, comme l’a souhaité l’Etat.

L’une de ses priorités vise le financement de projets collaboratifs : ainsi un projet liant une entreprise de biotechnologie, une entreprise fabriquant le test diagnostic correspondant au produit visé, une entreprise qui purifiera la molécule et un centre de recherche qui accompagne l’entreprise en amont. Cela permet de financer les pôles de compétitivité, via le fonds unique interministériel et les programmes « innovation stratégique industrielle », destinés à créer de petites filières industrielles à partir des résultats de la recherche.

Une autre priorité importante pour OSEO est le développement de projets structurants, créateurs de valeur sur le marché. Alors que le crédit impôt recherche laisse entièrement à l’industriel la charge de créer de la valeur, il est de la responsabilité d’OSEO d’identifier les projets qui apportent le plus de valeur sur le marché.

Depuis un an, elle met en place des contrats de développement participatif, permettant d’attribuer des prêts avec un différé relativement long en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Les projets qui lui sont présentés sont analysés selon plusieurs critères : Comment l’innovation envisagée s’intègre-t-elle dans la stratégie et l’organisation de l’entreprise ? Y a-t-il les ressources humaines et des compétences nécessaires pour mener à bien le projet ? Quel est le risque commercial : le projet va-t-il aboutir au bon moment à un résultat souhaité, attendu par le public ? Quel est le risque financier : l’entreprise est-elle capable de mener son projet de bout en bout ? Quel est le risque juridique : l’environnement de l’entreprise lui permet-elle de mettre les produits concernés sur le marché de façon sereine ? S’y ajoutent depuis peu deux nouvelles composantes, l’une environnementale, l’autre sociétale.

OSEO n’intervient pas seulement en accordant des avances remboursables à taux zéro. Elle accompagne aussi les entreprises dans leur projet de mise sur le marché, en les rencontrant régulièrement pour vérifier si elles ont réussi à lever leur capital, à réaliser leur chiffre d’affaires prévisionnel, et à avancer sur les plans technique et réglementaire. Elle organise des rencontres régulières, des étapes clés financières pour adapter le projet, car le projet final n’est pas celui de départ.

Ce faisant, elle réduit les risques de mise sur le marché. C’est une démarche originale : peu d’entités dans le monde proposent des avances remboursables tout en suivant les projets des PME de manière quasi personnalisée.

Il faut en effet une ingénierie spécifique. C’est le résultat de l’activité passée de l’ANVAR.

Elle aide aussi les entreprises à trouver les meilleurs partenaires et à identifier les meilleurs résultats de la recherche, en relayant leurs besoins auprès des organismes de recherche. Ses clients ne sont pas les organismes de recherche, mais des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Elle contribue également à l’amplification qualitative des transferts de technologie, à travers la participation des organismes aux projets collaboratifs et aux aides aux transferts : elle participe au financement des travaux d’adaptation des résultats de recherche aux besoins des industriels, en particulier des PME. Elle apporte un concours à la création d’entreprises innovantes, dont elle est l’opérateur pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

c. Le Fonds unique interministériel (FUI)

Le FUI est un programme destiné à soutenir la recherche appliquée, pour aider au développement de nouveaux produits et services susceptibles d’être mis sur le marché à court ou moyen terme.

Doté de 600 M€ sur la période 2009-2011 dont 495 M€ pour les projets de R&D et 105 M€ pour les plates-formes d’innovation, il finance notamment les projets de recherche et développement collaboratifs des pôles de compétitivité.

Les projets FUI sont ainsi ciblés sur les thématiques des pôles et ont une action très structurante, du fait de la mise en réseau des différents acteurs de l’innovation sur notre territoire.

Des auditions que nous avons pu menées, le FUI semble bien répondre aux besoins des adhérents des pôles et permet de lever certains verrous à l’innovation, en particulier en ce qui concerne la coopération entre l’industrie et la recherche publique.

d. Le rôle de la Caisse des dépôts et du FSI

La Caisse des dépôts a notamment pour rôle de financer la petite PME, quelque peu délaissée par le marché, comme l’a souligné M. Philippe Braidy, président de la CDC-Entreprises, directeur général délégué du Fonds stratégique d’investissement, lors de l’audition publique du 12 octobre 2011.

Elle a consacré, sur les six dernières années, 2,5 milliards d’euros d’argent public, pour 6,5 milliards d’argent privé, dans un dispositif, France Investissement, qui réunit plus de 220 fonds, afin de faciliter le démarrage des sociétés par le capital risque et l’amorçage.

Mais avec la crise, ce système rencontre un problème particulier. Entre 2008 et 2010, les fonds de capital risque et de développement sont passés sur le marché de 570 à 45 millions d’euros, le capital d’amorçage passant de 74 à 26 millions d’euros.

L’investissement privé restant insuffisant en France, il faut mettre en œuvre des financements publics importants, comme le montre l’exemple du programme d’investissements d’avenir où il a été demandé à la CDC de gérer 400 millions d’euros pour abonder les fonds d’amorçage.

La question est donc d’arriver à attirer les investisseurs privés, et notamment les banquiers et les assureurs. Un tel objectif est possible, car, comme le souligne M. Braidy, ces créneaux sont rentables, à condition de faire preuve de patience et de financer tous les étages. Aussi faut-il garder des moyens financiers pour accompagner une entreprise le plus longtemps possible, et trouver des moyens de passer le relais, soit par des introductions en bourse, soit par la création de liens entre PME et grands groupes.

Si la mise en place d’un Fonds stratégique d’investissement (FSI) pour soutenir en fonds propre les petites et moyennes entreprises de croissance est une bonne chose, il serait judicieux que celui-ci soit décliné régionalement pour promouvoir les filières locales et régionales. Ce manque lui fait perdre une partie de sa force stratégique qui permettrait de développer et soutenir le tissu d’entreprises moyennes dont nous avons besoin.

e. Le pôle de compétitivité Finance-Innovation Le pôle de compétitivité Finance-Innovation a pour but :

- de favoriser le positionnement de l'industrie financière sur les marchés innovants ;

- de développer et coordonner des projets de recherche en finance et mener des actions de promotion du pôle de recherche en finance français ;

- d’accélérer le développement d'entreprises financières de croissance en France ;

- d’encourager l'émergence de projets industriels dans les différents métiers − banque, assurance, gestion, service aux institutions financières − associant les milieux académiques et les professionnels de la finance.

L’analyse d’Albert Ollivier, responsable financement des PME au Pole de compétitivité, est que les moyens consacrés à l’innovation par la puissance publique sont sensiblement supérieurs à ceux dégagés par le marché dans son segment du capital-risque technologique.

Les différents réseaux et mécanismes publics comptent plusieurs milliers de personnes et disposent de crédits très importants qui alimentent des entreprises qui, par la suite, auraient besoin de l’apport de capitaux privés et qui éprouvent beaucoup de difficultés à les trouver sur un marché atrophié.

Un des enjeux majeurs des années à venir, en période de crise et de sortie de crise, consistera donc à éviter que le marché – déjà étroit – du capital-risque français ne s’écroule. Nous savons en effet aider, par le biais de moyens publics, le démarrage d’entreprises issues de la recherche mais le marché peine à prendre le relais nécessaire dans la phase de développement.

Alors même que l’État et les autres collectivités publiques consacrent des moyens importants à l’innovation, sa règlementation, ajoutée à la frilosité du secteur privé, peut aboutir à des dysfonctionnements non négligeables.

Une comparaison des principales entreprises cotées en Amérique du Nord et en Europe montre que, là bas, 75% des entreprises sont nées après la Seconde Guerre mondiale, alors que la proportion est inverse dans notre pays. La capacité à financer l’innovation est une chose, celle à la soutenir jusqu’à atteindre le plus haut niveau mondial en est une autre.

Plusieurs entreprises en Europe auraient pu devenir des équivalents de Microsoft si elles avaient pu progresser plus vite. Les prises de positions, notamment sur le marché des Nouvelles techniques de l’information et de la communication (NTIC), dépendent beaucoup de l’opportunité du moment. La mobilisation des capitaux étant plus lente ici qu’ailleurs, les concurrents prennent la tête et imposent leurs marques de référence et leurs normes.

Les investisseurs privés en France se montrent en général réticents à financer l’innovation dès son premier stade. Les résultats des activités de capital-risque ne sont pas excellents, connaissant un taux de rentabilité d’environ 3%, ce qui est faible par rapport au risque pris, et il est donc normal que les pouvoirs publics apportent leur appui lors du premier stade d’amorçage.

La faiblesse des engagements privés dans le capital-risque doit normalement le tirer vers les stades ultérieurs du développement de l’entreprise.

Selon M. Albert Ollivier, il faut savoir opérer des arbitrages entre quantité et qualité, car le but n’est pas de lancer chaque année un millier de jeunes entreprises innovantes qui ne seront pas aussi nombreuses à réussir. Il vaut ainsi mieux choisir, quitte à les regrouper, quelques entreprises capables d’atteindre un certain niveau de développement.

En effet, selon lui, une des raisons de la faible popularité de l’innovation provient de ce qu’on ne perçoit guère ses résultats en termes d’emplois. Il vaut mieux, dans le bouillonnement des initiatives, sélectionner quelques projets qui fourniront ensuite de bons exemples de la transformation de l’innovation en croissance et en emploi.

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