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La nécessité d’une approche intergénérationnelle

3. Concilier risque individuel et risque collectif

La question du risque se pose également vis-à-vis de la prise de risque. En effet, l’attitude des individus vis-à-vis du risque dépend grandement de leur volonté consciente d’avoir pris ce risque, ou, au contraire, du fait qu’ils le subissent passivement.

Le cas de la cigarette est pour le moins frappant. Il n’est pas rare de voir des parents s’inquiéter de produits potentiellement cancérigènes (ou dénoncés comme cancérigènes) dans la nourriture de leurs enfants tout en fumant dans la même pièce qu’eux.

Mais en plus, la personne a le sentiment de subir un risque qu’elle ne contrôle pas, alors qu’elle contrôle celui lié à la cigarette.

La situation est la même en voiture ou en avion : les gens n’ont pas peur de prendre leur voiture pour aller au travail car ils sont maîtres de leur destin. Par contre, dans l’avion, ils ne maitrisent plus rien : le pilote est-il qualifié ? La météo permet-elle le vol ? La maintenance de l’avion a-t-elle été correctement effectuée ?

Toutes ces distinctions montrent ainsi qu’à nouveau, le distinguo entre risque et incertitude est la clé. Subir un risque, c’est ne pas le maitriser complètement, et donc ne pas avoir tous les éléments pour le juger convenablement ; il apparait donc plus flou qu’un risque que l’on décide soit même de prendre ; il est donc refusé a priori.

a. Méthodologie

Ainsi, nous avons fait parvenir à un peu plus de 200 lycéens de classes de première, en Lorraine et en Haute-Savoie, un questionnaire (disponible en annexe) les interrogeant sur leur perception de l’innovation, des peurs et des risques.

La première partie du questionnaire consistait en une étude qualitative, composée de dix questions sur l’innovation, de douze questions sur les risques et les peurs et de huit questions sur les liens entre innovation, peurs et risques. Les réponses étaient libres, et les lycéens ont généralement été très enthousiastes en écrivant plusieurs lignes de réponse pour chaque question.

La seconde partie du questionnaire consistait en une liste de risques qu’il était demandé de classer selon une échelle, de 1 pour le moins grave à 21 pour le plus grave, ou de noter.

Après avoir dépouillé les résultats, nous sommes allés ensemble dans nos deux circonscriptions, à la rencontre de ces jeunes lycéens, pour leur présenter leurs résultats en en discuter avec eux.

En parallèle, nous avons fait parvenir ce questionnaire à des étudiants en deuxième année à l’Institut d’études politiques de Paris du cours de Jean-Yves Le Déaut, ainsi qu’à des membres de l’Institut de maîtrise des risques (IMdR), spécialistes de ces questions.

L’échantillon est trop faible pour que l’on puisse parler de sondage, mais la forte corrélation dans les réponses des lycéens de Lorraine et de Haute-Savoie et leur décalage avec les réponses des spécialistes du risque est un indicateur intéressant.

b. Quelques résultats

Voici quelques résultats de cette enquête ; quelques résultats sous forme de graphiques sont disponibles en annexe, et l’ensemble des données sont accessibles sur le DVD-Rom ou sur le site de l’OPECST.

A la question « Quelles innovations marqueront les vingt ou quarante prochaines années ? », les personnes interrogées ont répondu qu’elles concerneraient essentiellement le domaine des énergies vertes et des transports.

A la question « Que signifie pour vous le risque zéro ? », un consensus entre les générations s’est fait jour pour considérer que le risque zéro n’existe pas mais qu’il faut tout faire pour s’en approcher.

A la question « Vivez-vous dans une société plus risquée que celle de vos grands-parents ? », les lycéens ont répondu que la société actuelle étant plus technologique, avec davantage d’innovations, elle était donc plus risquée.

On note particulièrement le lien étroit établi par les jeunes entre technologie et risque. Les spécialistes de l’IMdR ont, quant à eux, insisté sur le fait qu’on communique aujourd’hui davantage sur les risques mais qu’il n’y en a pas plus qu’auparavant – pour certains, il y en aurait même moins, comme en témoigne l’allongement de l’espérance de vie.

On a donc là une différence de perception importante sur la perception du niveau de risque de la société actuelle par des personnes de générations différentes.

A la question « La créativité et l’inventivité sont-elles assez sollicitées à l’école ? », tous les lycéens ont répondu non, précisant « surtout après le collège » – les enseignements de musique et d’arts plastiques disparaissent au lycée. Les TPE (travaux personnels encadrés) sont, quant à eux, plébiscités, notamment car il s’agit d’un travail en groupe, souvent interdisciplinaire, et que les élèves se sentent porteurs d’un projet.

A la question « Quelles innovations vous font peur ? », une réponse récurrente chez les lycéens a été : la robotique. Ils ont également cité les innovations trop rapides en matière médicale, donnant l’exemple des vaccins, sans doute en lien avec la campagne de vaccination contre le virus A(H1N1). Les spécialistes de l’IMdR ont, quant à eux, fait part de leurs craintes face à la génétique et aux innovations questionnant l’éthique.

A la question « En qui avez-vous confiance pour vous informer sur les risques ? », la réponse majoritaire a été : les scientifiques et les experts. Les agences officielles ou les représentants politiques ne sont que très peu cités, même pas du tout chez les lycéens de Haute-Savoie.

2. Prospective : comment envisager le monde dans 30 ans ou 50 ans ?

Depuis les années 1970, les controverses et discussions publiques sur les questions technoscientifiques se sont considérablement développées. La sphère publique joue désormais un rôle important dans la légitimation des projets technoscientifiques.

a. Comment l’envisageait-on en 1970 ?

Ces évolutions politiques et sociales ont été rythmées par la publication de trois ouvrages marquants : La technique, ou l’enjeu du siècle de Jacques Ellul, au titre évocateur ; La prophétie antinucléaire d’Alain Touraine, dans les années soixante-dix, livre dans lequel l’auteur montre comment se cristallise, autour de la question nucléaire, la fabrique de la société ; La société du risque d’Ulrich Beck, en 1986.

Les questions technoscientifiques donnaient ainsi lieu à des batailles d’idées, portant sur la définition de ce qui fait enjeu dans les différents projets.

b. Comment les jeunes voient leur avenir ?

Les jeunes que nous avons pu rencontrer en circonscription étaient extrêmement sensibilisés à la question du réchauffement climatique, et aux nouvelles sources d’énergie.

En Lorraine et en Haute-Savoie, ils ont tous pu mener des projets sur ces thèmes, que ce soit en parlant directement des mécanismes ou des conséquences du réchauffement climatique, que de la nécessaire transition énergétique vers des énergies non carbonées.

Ainsi, les principales innovations à venir pour la quasi-totalité des jeunes interrogés auront lieu dans le domaine environnemental (énergies décarbonnées, voiture propre, …).

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