• Aucun résultat trouvé

PARTIE PREMIERE : L E BILAN CONTRASTE DU DROIT OPPOSABLE AUX ETABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC

En France, le référentiel normatif encadrant la sécurité des établissements recevant du public, communément appelés « ERP », est un droit écrit qui n’a jamais cessé d’être renforcé depuis la Révolution Française de 1789. Il constitue une section à part entière du droit puisque les parties législatives et règlementaires qui le composent sont établies dans le respect la Constitution du 4 octobre 1958 (73).

Il traduit la volonté politique d’assurer la sécurité des personnes et des biens qui s’inscrit dans la tradition française, celle d’un Etat républicain et démocratique protecteur des citoyens et c'est un droit régalien.

Veiller à la tranquillité publique est implicitement un devoir pour les pouvoirs publics. Ce principe découle de l’article 34 de la Constitution française (74)

qui dispose que la loi est l’outil du législateur pour les « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour

l’exercice des libertés publiques ». Ce point a été souligné par monsieur Marc-Antoine Granger (75) :« le juriste est davantage porté à concevoir la sécurité comme un devoir de l'État. »

Pour régir la vie en société, la loi reste la norme de référence privilégiée. Elle fixe les règles générales résultant d’une volonté collective qui sont parfois sanctionnées par la puissance publique. En cas de litige, il appartient aux juridictions, notamment à celles de l’ordre administratif (76)

de trancher en s'appuyant sur le droit.

73

La Constitution du 4 octobre 1958 comporte la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Charte de l'environnement de 2004.

74

Article 34 de la Constitution française du 8 octobre 1958 : « La loi fixe les règles concernant les droits

civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, … »

75

GRANGER, Marc-Antoine, « Existe-t-il un droit fondamental à la sécurité ? », Revue de sciences

criminelles (RSC), 2009, p. 273.

76

« L'ordre judiciaire est la partie de l'organisation judiciaire française qui règle les différends entre

particuliers et connaît des instances pénales. Il se différentie de l'ordre administratif dont les juridictions connaissent exclusivement des différends opposant un particulier à l'État, ou à un service public, et pour la solution desquels il est fait appel aux règles du droit public. » Définition du dictionnaire du droit privé

41

Lorsque la loi est conforme à la Constitution, et elle devient juridiquement incontestable après sa promulgation. De ce fait, l'Etat agit le plus souvent en légiférant pour imposer des actions administratives (77) et civiles (78). C'est ce qu'il fait notamment dans le domaine de la sécurité des personnes et de la protection des biens où l’ordonnancement des textes respecte la hiérarchie des normes fondée sur le principe de Hans Kelsen (79).

Néanmoins, le professeur Pascal Puig (80) a observé « qu’aujourd'hui est remise en cause

une certaine conception de la hiérarchie des normes, celle d'un système hiérarchique conçu comme un ensemble explicatif global et complet de l'ordre juridique. Ce système est mis en échec tant par les incertitudes qu'il fait naître que par le désordre qui règne en son sein. »

Jusqu'à présent, la suprématie des normes juridiques inscrites dans le droit interne français semblait incontestable mais actuellement, la règle constitutionnelle du droit européen s’impose aux législateurs des Etats membres. En effet, « le droit communautaire est supérieur

au droit national » comme en dispose l'article 55 de la Constitution de 1958 (81).

77

Actions administratives de l’Etat : Il s’agit des différentes règles juridiques s’imposant dans tous les cas et régissant toute l’activité administrative des personnes aussi bien publiques que privées.

78 Actions civiles de l’Etat : Il s’agit d’un droit commun appartenant à tous les citoyens d’une nation qui

régit les droits et les devoirs. En effet, comme le précise la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « la loi est l’expression de la volonté générale.»

79

KELSEN, Hans, juriste Hongrois (1881-1973) à l’origine de la « théorie pure du droit ». Il est le fondateur du normativisme et du principe de la hiérarchie des normes.

Elle « vise à expliquer de façon objective tout système juridique en fonction de l'ordonnancement des

différentes normes et sources du droit, assurant ainsi une explication rationnelle et fonctionnelle au principe de hiérarchie des normes et du droit international public. »

Site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Kelsen

80

PUIG, Pascal, « Hiérarchie des normes : du système au principe », revue du droit du travail (RDT) Civil n° 4, 14 décembre 2001, p. 749.mlkh

81

Article 55 de la Constitution de 1958 : « les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès

leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ».

42

Des textes de transposition (82) traitant de la sécurité dans les établissements recevant du public sont obligatoires pour permettre un processus de normalisation qui doit aboutir à l’application des directives européennes. Dans ce but, les dispositions du droit de l’Union Européenne sont regroupées dans deux traités fondamentaux des institutions politiques : le traité sur l'Union Européenne de Maastricht (83) (dit traité de l’UE) et le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne de Lisbonne (84) (dit traité du FUE). Assurer la sécurité des citoyens européens est un problème majeur pour tous les gouvernements et à terme les solutions ne seront qu'à l'échelle européenne.

Actuellement, les textes du droit opposable aux ERP diffèrent d’un Etat à l’autre. Le modèle français est particulier du fait qu’il est directif, exhaustif, coercitif et prescriptif à l’encontre des constructeurs, maîtres d’ouvrage et chefs d’établissements. De plus, au code de la construction et de l’habitation (85) qui constitue le socle référentiel de la prévention contre les risques d’incendie et panique dans les ERP et cherche à assurer la sécurité des personnes et la protection des biens (86), d’autres dispositions réglementaires s’ajoutent, se croisent ou impactent des textes relevant de codes différents qu’il faut également appliquer.

Cela n'est pas sans difficulté car il existe parfois des contradictions entre les codes. Ainsi des dispositions, imposées par le code de la construction et de l’habitation, s'opposent à des mesures relevant des codes du travail, du patrimoine, du tourisme, de l’environnement, ou encore des assurances.

82

Décision n° 2004-496 DC du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2004 portant sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique :« la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte

d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne. »

Site : http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/les-caracteristiques-du-droit-communaut aire23499.html

83

Traité sur l'Union Européenne (dit TUE) de Maastricht (accord du Conseil européen de décembre 1991) signé par l'ensemble des membres de l'Union Européenne le 7 février 1992 à Rome.

84

Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (dit TFUE) de Lisbonne entrée en vigueur le 1er décembre 2009. Il portait avant cette date le nom de traité instituant la Communauté Européenne ou traité CE et a été signé les six pays fondateurs le 25 mars 1957.

85

Articles R123-1 à 55 du code la construction et de l’habitation.

86

Loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection des forêts contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs a défini la sécurité civile dans son article premier : « La sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature ainsi que la protection des

personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes. », Journal

43

Les situations extrêmes, notamment après un incendie meurtrier, relèvent du code pénal. Celui-ci apporte lui aussi une plus-value en la matière, comme l’a souligné le professeur Yves Mayaud (87) « toutes les infractions ont une raison d'être, un objet de protection, ce qu'il est classique de présenter en termes de valeurs sociales. Cette référence aux dites valeurs est techniquement très utile, notamment pour aider à l'interprétation des textes les plus obscurs, ou encore pour résoudre les conflits de qualifications »

Ainsi, le temps écoulé depuis leur parution et les multiples ajouts aux textes ont rendu ce droit complexe et peu compréhensible à ceux qui doivent le mettre en pratique. L’ensemble de ses utilisateurs, à l'unanimité, estiment que la législation règlementant les ERP est imparfaite. En effet, dans ses parties administratives et techniques, certaines anomalies apparaissent dans les textes opposables aux tiers. Elles accentuent leur complexité, altèrent l’application du droit et vont à l'encontre de certains principes fondamentaux du droit français et communautaire.