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1.1. Cadre théorique

1.1.1. Participation publique : question polysémique qui fait débat

Depuis sa formalisation par la Convention d’Aarhus, « participation du public » est devenue l’expression consacrée en environnement pour caractériser la garantie des droits d’accès du citoyen à l’information, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement. Faisant ainsi désormais partie du corpus du droit international, elle est une contribution essentielle à la démocratie participative qui vise à redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions et dans leur fonctionnement démocratique; accorde à toute personne humaine le droit d’être informée, de s’impliquer dans les décisions et d’exercer un recours en matière d’environnement (MÉÉDDM, 2009). Par ces trois leviers de la démocratie et de l’action citoyenne, la Convention d’Aarhus consacre trois droits humains fondamentaux : le droit à une information17 juste, équitable, appropriée et intervenant à temps, susceptible d’assurer à chacun et à tous leur statut de citoyen suffisamment informé pour décider; le droit de participer au processus décisionnel en demandant et en bénéficiant de tous les mécanismes disponibles pour intervenir aux niveaux adéquats où lorsque la décision est prise, il se sent partie prenante; puis le droit d’accéder à une justice équitable.

Mais, la formalisation internationale de la participation du public n’a pas évacué le caractère polysémique du vocable. Il est, en effet, défini différemment, en fonction de ses mécanismes d’expression comme des profils des utilisateurs.

Participation du public ou encore participation publique est l’une des formes que revêt le vocable de « participation citoyenne18 ». Expression à plusieurs acceptions, elle est utilisée,

17 Le droit d’accès à l’information est inhérent au principe de la participation du public. Dans la plupart des

pays d’Afrique francophone, l’accès à l’information environnementale n’est couvert par aucun droit. L’information, quelle qu’elle soit, est souvent frappée en tout temps du sceau de confidentialité pour en restreindre et contrôler la circulation. Quoique très souvent, des documents publics estampillés

« confidentiel » se retrouvent sur la place du marché, servant à l’emballage de denrées courantes.

18 Selon un historique produit dans le dictionnaire Larousse, participation citoyenne vient probablement de la

conjonction de « participation » (du bas latin participatio, -onis qui signifie action de participer à quelque

chose, part prise à quelque chose) et de « citoyenne » (dans l'Antiquité, personne qui jouissait du droit de

cité (du latin civitas, -atis : communauté politique dont les membres (les citoyens) s'administraient eux- mêmes). Personne jouissant, dans l'État dont il relève, des droits civils et politiques, et notamment du droit de

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à la fois, au sens de participation à la vie sociale qui situe le citoyen dans ses droits et obligations vis-à-vis de sa communauté nationale (Collet, 2006 : 98, 102), d’implication des

acteurs sociaux à l’évaluation environnementale, de l’évaluation au suivi des impacts comme

processus de décision (Gagnon et Côté, 2005), de concertation entre acteurs aux fins de gestion d’une ressource (Gareau et Lepage, 2005) et de moyen de remettre l’individu au centre

du développement local (Decoster, 2002 : 12, 96).

La sociologie de l’environnement définit la participation du public comme « la mise en œuvre de débats permettant d’exprimer propositions et contre-propositions » (Claeys- Mekdade, 2006 : 3) en donnant la parole non seulement au citoyen, mais à l’écocitoyen19. En tant que forme de la participation sociale, la participation du public serait« l’action de prendre part aux décisions collectives au sein d’un gouvernement, d’une institution publique ou d’un organisme de la société civile20 » (Thibault et al., 2000 : 23). Pris dans le domaine précis de l’évaluation environnementale, André et al. (2010 : 211) définissent la participation du public

vote (par opposition aux étrangers). [En ligne (12 mai 2010) :

www.larousse.com/dictionnaires/francais/participation/]. La participation citoyenne revêt plusieurs formes.

Elle est intervention active (au niveau de la prescription) des acteurs privés dans l’élaboration des politiques publiques en jouant un autre rôle que celui d’exécutant et en co-produisant l’intérêt général par leurs

réclamations et plus généralement en investissant l’espace public. Elle est étroitement liée à la notion d’utilité sociale (notion équivoque, elle est un « construit social » (de Gadray, 2002; Enjolras, 1999). La participation citoyenne est un principe de l’intégration de la société civile dans la prise de décision politique… la mise en place de dispositifs intégrant les citoyens en vue d’inspirer par la participation de la communauté le

développement et la justesse des réponses publiques aux défis sociaux et écologiques à l’ordre du jour dans l’agenda politique (Burnand et al, 2009 : 3). Elle est définie (Burnand et al, 2009 : 7) principalement à partir des travaux de Thibault et al. pour l’ex-Conseil de santé et bien-être, comme étant l’exercice et l’expression de la citoyenneté active et engagée sous trois dimensions : la participation politique au processus électoral; la participation démocratique (publique) aux débats dans l’espace public; la participation sociale ou civique aux instances de base de la société civile, par l’action des mouvements sociaux et associatifs au plan macro-social ou des communautés locales. Pour Giroux cité par Massé (2005), l'éthique et la participation citoyenne partagent une fonction commune d'autorégulation du bas vers le haut, par laquelle la population confère la base la plus large possible à la légitimité des décisions (Giroux, 1997 : 27-47). André et al. (2012) proposent récemment une définition circonstanciée de la participation citoyenne comme un processus d’engagement obligatoire ou volontaire de personnes ordinaires, agissant seules ou au sein d’une organisation, en vue d’influer sur une décision portant sur des choix significatifs qui touchent leur communauté. Cette participation peut avoir lieu ou non dans un cadre institutionnalisé et être organisée sous l’initiative des membres de la société civile (recours collectif, manifestation, comité de citoyens) ou des décideurs (référendum, commission parlementaire, médiation).

19 Claeys-Mekdade évoque ainsi le concept de participation écocitoyenne qui est la mise en œuvre de

processus de construction de compromis entre les différents ordres de grandeur défendus par les partis impliqués dans le développement de politiques volontaristes de concertation avec la mise en place d’outils juridiques incitatifs (Claeys-Mekdade, 2006 : 3, 5).

20 Il s’agit essentiellement de groupes communautaires, d’associations de citoyens et d’organismes de

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dans le cadre du processus de prise de décision comme « l’implication des personnes physiques et morales qui sont touchées positivement ou négativement par l’intervention planifiée, ou y sont intéressées ». Son objet est de « s’inscrire -prendre part- dans le débat public en regard des enjeux sociaux, économiques et politiques des décisions publiques » (Mercier et al., 2009 : 78).

La dimension d’apprentissage à la démocratie, essentiellement éducative appliquée à l’évaluation environnementale, est étudiée ces dernières années par de nombreux chercheurs (Sinclair et Diduck, 2000; Gagnon et al., 2002; Halle et de Forte, 2004; Mitchell, 2005). Les recherches récentes inspirées de la mise en place et du fonctionnement des comités de suivi environnemental au Québec, ont montré que, par leurs activités, ils favorisent chez les acteurs l’apprentissage des différentes dimensions des thématiques environnementales en jeu, l’augmentation de leurs connaissances totales, la réduction des incertitudes quant aux interactions avec les spécialistes voire le changement de la dynamique relationnelle au sein des comités favorisant un plus grand respect entre citoyens et entreprises (Gagnon et al., 2002). Mais, pour qu’il y ait apprentissage dans ce processus, quelques conditions doivent être satisfaites : l’information précise et complète, l’ouverture des dimensions du processus participatif à des perspectives alternatives, l’égale opportunité à tous de participer et l’occasion de faire évaluer des arguments de façon systématique (Sinclair et Diduck, 2000 : 116-118, 132).

Quelques barrières à la participation publique et à l’apprentissage mutuel sont soulevées dans la littérature. Mitchell (2005 : 138-140), par exemple, souligne les limites du potentiel émancipateur de la participation en évaluation environnementale, les possibilités restreintes d’apprentissage mutuel des participants à l’évaluation environnementale ainsi que leurs capacités limitées à définir leurs propres significations des problèmes, leurs intentions et valeurs étant donné que le processus s’écarte substantiellement des conditions idéales d’apprentissage. Halley et de Forte (2004 : 12) retiennent, pour le modèle québécois, trois défis de la participation publique au processus d’évaluation environnementale : la propension des maîtres d’ouvrage à contourner la procédure par l’ajustement des caractéristiques de leur projet en dessous des seuils d’assujettissement, le moment tardif d’intervention de la

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participation formelle du public dans la procédure et l’incomplétude des dossiers présentés au public. Ces défis, loin d’être une montagne titanesque à déplacer, constituent des incitations à travailler à l’accroissement du poids de la participation dans le processus décisionnel relatif à l’environnement.