• Aucun résultat trouvé

3.2. Procédures et pratiques béninoises institutionnalisées de participation du public

3.2.2. Audience publique : Examen participatif externe

La participation publique au plan du mandat, est organisée par les articles 96 à 102 (chapitre 3 de la Loi n0 98-030 du 12 février 1999) qui instituent et définissent la procédure d’audience publique sur l’environnement, ses buts, son objet et les conditions de sa saisine. Le législateur lui assigne un double objectif : faire participer les citoyens à la formation des décisions qui découlent des projets dont les incidences affectent leur milieu de vie et faciliter la prise de décision environnementale. L’article 97 renseigne sur toutes les matières environnementales visées par la procédure et l’article 100 offre à toute personne, physique comme morale, individuelle comme collective, la possibilité de saisine du ministre responsable de l’Environnement. Le ministre reste lié par rapport à la suite qu’il donnera à une telle demande de saisine (Djibril et Assamboni, 2004 : 271), car un refus non motivé peut être contesté par le requérant devant la juridiction administrative compétente (art. 101).

143

L’évaluation environnementale devient ainsi le champ privilégié pour assurer la transparence de l’information et la participation des parties prenantes109.

La procédure d’audience publique dans le contexte de l’application de la procédure d’étude d’impact au Bénin est détaillée et organisée par le décret n° 2001-190 du 19 juin 2001110. Elle est sous le contrôle de l’ABE chargée de la mise en œuvre de la politique nationale de l’environnement. Lorsque requise pour un projet, l’audience publique est prescrite par le ministre responsable de l’Environnement au moyen d’un arrêté qui précise notamment l’objet, les dates et les lieux prévus pour la tenue des audiences, la composition, les attributions, le mode de fonctionnement et la liste des membres de la commission ad hoc chargée de conduire les audiences, les lieux et les horaires où le public peut consulter le dossier du projet. Les délais inscrits dans le règlement sont de 45 jours au total pour tout le processus avec quinze jours affectés à la rédaction et au dépôt de mémoires par le public entre les deux séances. Le rapport d’EIE doit être rendu public par le ministre quinze jours après son dépôt. Le requérant dispose de 30 jours pour introduire sa requête d’audience publique. Si celle-ci est jugée recevable, le ministre prescrit l’audience publique par arrêté. La première réunion de la commission se tient quinze jours après la publication de l’arrêté.

Sous la gestion opérationnelle de la commission, le processus se déroule en trois phases : la préparation, la tenue des séances, la rédaction et le dépôt du rapport. La préparation (Phase 1) consiste, au plan logistique, en l’élaboration du calendrier détaillé de l’audience, de la liste du matériel et des fournitures nécessaires, des scénarii de tenue des audiences et de la mobilisation des moyens pour le fonctionnement de la Commission111. Au plan technique, elle consiste en la prise de connaissance du dossier, en des entretiens préalables avec le requérant

109 Nous désignons dans ce texte par partie prenante, tout individu ou groupe ou organisation de la société

civile directement intéressé à un projet auquel il participe activement, par adhésion ou par opposition.

110 Il précise notamment la définition et le champ d’application (Art. 1er: Procédure par laquelle les citoyens

expriment publiquement leurs opinions … Art. 2: Projets assujettis et Autorité responsable), la procédure (Art. 3: Saisine par requête recevable 30j après rapport public à la discrétion du Ministre. Art. 4: Demande indiquant nom et adresse du requérant ; motifs de la demande ; intérêt du requérant par rapport au milieu touché par le projet. Art. 21: Modalités d’organisation), les délais (Art. 9, 22 : 45 jours) et la composition de la Commission (3 membres + Personnes ressources) chargée de mener les audiences.

111 Dans le processus béninois, les personnes ressources sont nommées par le même arrêté qui nomme la

commission dont elles sont considérées membres et fonctionnent comme tels même si seules trois personnes (le président, le secrétaire et le rapporteur) siègent et conduisent les audiences.

144

de l’audience et le promoteur du projet ainsi qu’en des rencontres publiques avec les populations touchées dans l’aire du projet. La tenue des séances (Phase 2) est faite de deux parties : la séance informative et d’investigation et la séance argumentaire qui se tiennent toutes les deux dans un lieu accessible et ouvert au public. La première est consacrée à une recherche active de l’information par un échange public direct entre les différents acteurs du processus. La seconde invite le public à donner son opinion et son évaluation du projet. Cette sectorisation de la procédure structure pour l’essentiel le contenu du rapport où l’analyse et les avis de la commission d’audience sont déterminants pour l’élaboration de la décision. Le public comme requérant reste déclencheur du processus consultatif même si c’est en dernier ressort le ministre qui juge de la recevabilité de la demande et qui donne mandat. La dernière phase est relative à la rédaction et au dépôt du rapport. Elle consiste à rappeler dans son contenu le mandat de la commission, les conditions de déroulement des séances, la synthèse des débats d’audiences et la formulation des recommandations de la commission. Le rapport ainsi conçu et les conclusions cosignées par un membre désigné du public par le public ajoutés à toutes les pièces scripto-audiovisuelles, déclarations, preuves, compléments d’information rassemblés en cours de processus sont transmis par le président de la commission au ministre responsable de l’environnement pour décision à prendre.

La procédure béninoise telle qu’organisée par ses concepteurs produit des décisions qui sont un compromis négocié entre les gestionnaires du processus de consultation publique, le promoteur ou le maître d’ouvrage et le public112. Elle est caractérisée par la transparence de la démarche,

Le Ministre, après avoir reçu l'étude d'impact sur l'environnement, doit la rendre publique et créer selon les dispositions ci-dessous, une commission d'audience publique sur l'environnement (…).

Art. 91, loi 98-030 du 12.02.1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin

112 Le maître d’ouvrage, le public et le décideur sont les trois éléments essentiels de la dynamique des acteurs

de l’étude d’impact (André et al. 2010). Le premier conçoit le projet, demande l’autorisation de le mettre en œuvre et en assure le financement. Il a la charge de la réalisation de l’étude d’impact sur l’environnement. Le deuxième apporte son soutien au projet d’où il tire avantage directement ou indirectement ou le combat s’il subit ou pense qu’il en subira les conséquences découlant de sa mise en œuvre. Le troisième est l’autorité qui prend la décision en regard du projet sur la base de l’ÉIE effectuée.

145 le caractère ouvert du processus

Toute personne physique ou morale peut demander au Ministre de mettre en œuvre la procédure d'audience publique sur l'environnement.(…).

Art. 100, loi 98-030 du 12.02.1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin

et la confrontation active des visions et idées des acteurs,

«L'audience publique sur l'environnement » (…) assure aux citoyens l'accès à l'information et leur permet de poser des questions nécessaires au sujet des projets, ou d'exprimer leurs opinions.

Art. 96, loi 98-030 du 12.02.1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin

la garantie du bon fonctionnement du processus par une commission ad hoc mise en place selon le contexte et présidée par une personnalité de la société réputée au-dessus de tout soupçon.

La procédure d'audience publique a pour but de formaliser et de réglementer la tenue d'audiences publiques sur les sujets

d'importance majeure touchant

l'environnement. Art. 97, loi 98-030 du

12.02.1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin

La procédure d'audience publique est exécutée par une commission ad'hoc créée par le Ministre à cette fin et dénommée : "Commission d'audience publique sur l'environnement". Les conditions de nomination des membres de la Commission d'audience publique sur l'environnement ainsi que les conditions de son fonctionnement sont définies par décret pris en conseil des ministres.

Art. 102, loi 98-030 du 12.02.1999 portant loi- cadre sur l’environnement en République du Bénin

146

L’audience publique, sous sa forme classique, en contexte béninois, est toujours précédée de visites et rencontres de terrain préparatoires pour vérifier les déclarations du promoteur et le niveau d’adhésion des populations. Ces rencontres préalables se tiennent sous le regard de la commission avec les communautés concernées par le projet sur les enjeux d’importance. Elles constituent l’occasion pour la commission de questionner le public, de tester son degré de connaissance du projet et de jauger son niveau d’acceptabilité. Elles sont aussi l’occasion de rappeler les lieux et heures de l’audience, ses conditions d’organisation et son fonctionnement, puis de réitérer l’invitation à tous les acteurs à y prendre part. Elles ont, de ce fait

réussi à faire monter la voix des communautés en faisant consigner dans un plan de développement communautaire les attentes des communautés touchées par le projet. Mais le promoteur ne doit pas « tout » payer pour l’audience publique. Les contextes ne sont pas les mêmes, même si on a copié d’ailleurs. Les communautés continuent d’exiger parce que c’est la participation. (Entretien n0 20)

Les audiences publiques ont suscité beaucoup d’enthousiasme à leur début. L’expérience réussie de la première audience faisait dire à M. Bonaventure Guèdègbé, responsable évaluations environnementales et études générales de l’ABE, le 19 novembre 2001 à l’ouverture de la première audience tenue au Bénin, que celle-ci

illustre le niveau atteint par le Bénin dans la maîtrise des outils de l’ÉE et le niveau de la conscience citoyenne dans l’exercice de leur droit et devoir dans la participation à la prise de décision.

Audience publique : Enfouissement sanitaire de déchets, Ouidah, 19 novembre 2001

Le Colonel à la retraite Vincent Guézodjè qui présidait la première commission d’audience dans l’histoire du Bénin déclarait :

mon souhait est que le présent forum de la présente assise serve de tremplin à l’enracinement de l’écocitoyenneté dans notre pays. En effet dans

147

l’histoire des peuples, certains jours revêtent des valeurs particulières et ce lundi 19 novembre 2001 sera une date de référence de la coopération bénino-canadienne car le projet de gestion de déchets solides qui en est le fruit sera soumis à la première audience publique béninoise voire africaine.

Audience publique : Enfouissement sanitaire de déchets, Ouidah, 19 novembre 2001

Ce passage introductif du président de la commission indique que les acteurs ont clairement conscience que quelque chose d’inédit se passe et qui donne « légalement » la parole aux citoyens, la liberté et l’initiative de la décision au plus grand nombre, l’aboutissement d’une longue marche vers une démocratie de participation qui fait intervenir directement les occupants sur les questions d’aménagement de leur territoire. Comme l’ensemble des processus participatifs, la visée de la procédure reste d’organiser un processus sous-tendu par un débat public, l’information et la préparation de la décision dans lesquels s’engagent des acteurs variés aux intérêts divergents (Fourniau, 1997 : 365, 386-387).

La pratique de l’audience publique sur l’environnement a connu des applications sur le projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest113 et l’exploitation des gisements continentaux de

113 « Le projet de Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (PGAO), un projet fédérateur entre le Nigeria, le Bénin, le

Togo et le Ghana, pour sa partie béninoise, a été soumis à la procédure d’audience publique les 15 et 29 mai 2004 à l’Institut de Développement et d’Echanges Endogènes (IDEE) à Ouidah. Cette audience a connu la participation massive des personnes affectées des treize communautés se situant sur le tracé du Gazoduc, les Mairies de Ouidah et d’Abomey-Calavi, le requérant (ABE), le promoteur et son bureau d’études, les médias et autres parties intéressées. Par Arrêté n° 0028/MEHU/DC/SG/DE/DG-ABE/EEEG/SA du 14 avril 2004, portant Organisation de l’Audience Publique du PGAO, une commission d’audience publique a été mise en place par le Ministre de l’Environnement de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU). (…) La commission avait pour tâches de conduire (…) les réunions et consultations (Art. 3) en organisant des séances de préparation avec le promoteur et son bureau d’études, les séances informative et argumentaire avec les personnes affectées, les autorités locales des deux Mairies concernées, le requérant, les médias et autres parties intéressées ; d’assurer la publicité des avis d’audience et des diverses réunions, la collecte, par tous les moyens (écrits et audiovisuels), des opinions des participants à l’audience publique, la rédaction du rapport d’audience publique et sa transmission au MEHU. L’audience publique a connu plusieurs moments importants : les séances d’échanges entre les membres de la commission, les experts et le requérant, les rencontres avec le promoteur et son bureau d’études, les visites de sites et rencontres avec les communautés dans les villages concernés, les séances informative et argumentaire. (…) En matière de la communication, les médias radiophoniques, la presse écrite, les télévisions (ORTB et LC2) de même que les crieurs publics ont été mis à contribution. Des banderoles confectionnées et installées dans les Mairies et autres lieux où les documents ont été déposés pour information ont facilité la mobilisation du grand public. Toutes les activités ont été documentées. Des collectes d’images vidéos ont été faites des visites de sites, des séances informative

148

sable de construction au Bénin depuis novembre 2001, année au cours de laquelle s’est tenue la première audience complète de toute la sous-région ouest-africaine portant sur le lieu d’enfouissement technique de Ouèssè. L’évaluation sommaire de ce processus suggère qu’il a pu générer au niveau des acteurs un effet d’amélioration des projets à travers une consultation et une participation à la décision d’une population dont toutes les composantes concernées se sont considérées sorties de la marginalisation pour participer à un débat ouvert prolongé par une décision publique dont elles s’estiment parties prenantes.