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1.2. Démarche méthodologique

1.2.1. Contexte de la recherche

Le Bénin illustré dans la figure 3 est un pays francophone de l’Afrique de l’Ouest dont la population au dernier recensement est de 9 983 884 habitants (RGPH4 provisoire, 2013) et figure parmi les pays pauvres très endettés (PPTE) avec une économie peu compétitive. Il dispose d'un système démocratique depuis 1990 (5 présidentielles, 5 législatives et 2 communales) avec un État de droit garantissant les droits humains fondamentaux, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice. Toutes les institutions de la République prescrites par la Constitution sont mises en place et jouent leurs rôles. Dans son passé précolonial, le pays était organisé en deux ensembles politiques : système acéphale de type égalitaire et segmentaire peu répandu (nord-ouest) et un système monarchique et hiérarchisé très répandu dans le reste du pays (Desanti, 1945 ; Iroko, 1997). À ces ensembles socio-politiques correspondent différentes réalités participatives rencontrées dans les cinq localités représentatives des réalités de pouvoir dans le pays : Abomey, Cotonou, Kétou, Nikki et Setrah.

monde en « structure » (dynamique des interactions entre éléments constitutifs du substrat géographique considéré).

34 Figure 3 : Carte de localisation des site-témoins

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Le profil des sites-témoins de collecte d’information présente au tableau 2 les différentes caractéristiques et le fonctionnement des systèmes de gouvernance locale du Bénin tirés des documents gouvernementaux et des rapports officiels de l’Institut national de statistique et d’analyse économique (INSAE, 2004; INSAE, 2003; MMFP/MEEJF, 2008) et de l’Atlas monographique des communes du Bénin situe sur les sites témoins de collecte.

Tableau 2 : Synthèse des caractéristiques des localités sous étude

Source : Auteur, automne 2010

Site témoins Localisation

géographique Organisation politico-sociale Instance de décision en rapport avec

l’environnement

Nikki Département du

Borgou, région frontalière du Nigéria

Un souverain (détenteur du pouvoir politique)

Une reine-mère (gardienne de la coutume et arbitre des conflits princiers)

Douze à quinze ministres (conseil électif)

Les sujets

Le Sinan Dunwiru

Kétou Département du

plateau Un Roi 20 ministres Les sujets

Araba Alaketu

Abomey Département du

Zou Un Roi Vidaho ou le prince héritier Cinq ministres

Des ministres délégués

Des chefs de province (gbonugan), les chefs de région (toogan) et les chefs de village (toxosu)

Les roturiers ou hommes libres Les esclaves

Les toogan et les gbonugan qui rendent compte au Migan

Anandana et

Sètrah Département de la Donga, région

frontalière du Togo

Société sans pyramide sociale, hiérarchie et stratification des fonctions sociopolitiques dirigée par les Kupalo ou Chefs de clans.

Kupahalo ou chefs de clans

Cotonou Département du

littoral Ville cosmopolite, centre de pouvoir administratif et politique nationale puis siège de l’actuelle République du Bénin.

Ministère en charge de l’environnement, Agence

Béninoise pour

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La commune de Nikki43 (figure 4) constituée à partir du royaume portant le même nom, est la première et la plus ancienne des royautés baatonu située dans le département de la Donga dont l’aristocratie princière est venue de Boussa et descend de Kissira leur ancêtre venu de l’est (Cornevin, 1962 : 57). La fondation de ce royaume est située vraisemblablement vers 1480 (Meek, 1925 : 72 cité par Cornevin, 1962 : 58). Malgré la décentralisation, il existe encore une autorité royale centrale traditionnelle très hiérarchisée bénéficiant toujours d’une grande notoriété auprès des Nikkoises et Nikkois et de tous les Bariba du Bénin et du Nigéria. À la tête de cette monarchie se trouve le Roi44 issu de l’une des quatre dynasties et sa sœur la reine-mère « Gnon Kogui45 ». Le roi est assisté d’une cour très large constituée du premier ministre « Sina Dunwiru », de nombreux princes, des dignitaires et chefs traditionnels, des griots et autres serviteurs. Le gouvernement de Nikki46 a une structure complexe dans laquelle le Roi est le chef du gouvernement, détenteur du pouvoir politique et élu par un Conseil constitué de ministres, de représentants de chaque branche princière et de griots. Juge suprême, il est aussi le maître du culte. Après lui, vient la reine-mère, sœur dynastique ou cousine du souverain, gardienne de la coutume qui préside au baptême des princes et arbitre les conflits princiers. Les ministres sont chargés des fonctions liées à la vie de la royauté et sont issus des différentes composantes du conseil électif. Dans cette structure hiérarchique, le Sinan Dunwiru joue un rôle politique important. Chef plus proche des citoyens, il a la gestion et l’administration de la vie quotidienne pendant que le monarque gère les affaires extérieures. Entre autres responsabilités, il a la gestion de l’environnement, de l’hygiène et de la santé publique. La gestion du pouvoir à Nikki est sous-tendue par une logique qui privilégie la participation populaire. Elle repose sur le partage du pouvoir entre les trois piliers de la gouvernance que sont le souverain, le Sinan Dunwiru et l’imam.

43 Ce nom vient de "niki-niki" en baatonu et signifie "très touffu et noir" en référence à la grande forêt très

touffue et peuplée d’éléphants anciennement située à l’emplacement actuelle de la ville.

44 Pendant son règne, le roi évite de fréquenter certains villages ou leurs habitants de même que certains lieux,

comme les villages Ouenou, Monnou, Tonetari et Suya pour diverses raisons (Cornevin, 1962 : 58)

45 Littéralement celle qui tient le rasoir pour son rôle de baptême des princes par leur rasage pour leur donner

un nouveau nom pendant la Gani. Elle est la gardienne de la coutume et l’arbitre des conflits princiers.

46 L’historique rapporté dans cette partie et sur les autres localités est tiré en partie du mémoire de maîtrise de

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Figure 4 : Carte de situation de la Commune de Nikki

Source : M. Badarou, avril 2014 : Carte réalisée dans le cadre de ce projet de recherche

Abomey47 (figure 5), commune importante du département du Zou, est le cœur du pouvoir du royaume du Danxomè, peuplé de Fon et dont la société se compose de quatre couches : les esclaves, les roturiers ou « hommes libres », les Anato ou dignitaires et ministres, puis les Ahovi au sommet que sont les princes. Le roi gouverne en étroite collaboration avec le clergé local assisté d’adjoints. La commune d’Abomey a toujours été la zone d’influence d’un puissant royaume du Sud Bénin qui se perpétue jusqu’à nos jours. Créé par le roi Houégbadja qui accéda au trône par une ruse48, le royaume a connu une succession de quatorze Rois issus

47 Étymologiquement "Agbomè" qui signifie "à l’intérieur des grandes murailles" est la capitale de l’ancien

royaume d’Abomey d’où le Bénin tient son nom, Dahomey (du Fon « Danxomè » : littéralement, « dans le ventre de dan (serpent) »).

48 L’histoire rapporte que Houégbadja, sollicité pour s’occuper de la gestion du territoire par les premiers

occupants qui venaient de les accueillir, a rassemblé tout le monde et demandé à voir ce qu’il y a à gérer. Il obtient dans le même temps de ses épouses de préparer des beignets à base de haricot. Exprès, il a longtemps traîné avant de démarrer la rencontre de manière à ce que tout le monde ait faim. Il fit vendre les beignets d’haricot préparés par ses épouses afin d’obtenir une cagnotte dont il se servira pour le rachat du territoire.

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des quatorze dynasties ou lignées royales. A l’origine, il n’existait pas de ministres. Les décisions se prenaient à la cour après consultation des chefs de clans du royaume. C’est le Roi

Agadja49 qui nomma le Migan50 devenu premier ministre chargé de la sécurité. Le nombre de ministres évolua progressivement selon les besoins, mais aucun des ministres n’était de sang royal ou d’affinité familiale avec les lignées royales parce que vivant les réalités et problèmes de la vie quotidienne des habitants de la cité qu’ignorent les princes. L’accession au trône de Ghézo révolutionna la cour royale par la nomination de ses frères comme ministres pour les remercier de l’avoir soutenu. Ce qui se perpétua jusqu’à nos jours avec des ministres issus chacun des lignées familiales51. La hiérarchie administrative se compose du prince héritier (Vidaho, choisi par le roi de son vivant, initié aux principes de la continuité de l’État et participant au Conseil au même titre que les ministres), les ministres délégués et les ministres de plein pouvoir dont le premier d’entre eux, Migan, est l’œil du pays qui assure la régence de 3 jours à la mort du roi. L'organisation de l'administration par la monarchie était une décentralisation avancée, avec les chefs de village (toxosu), chefs de région (toogan) et chefs de province (gbonugan) (Glèlè, 1974 : 147-154). Contrairement à ce qu’a pu véhiculer une certaine littérature colonialiste, Abomey n’était pas une monarchie absolue (Iroko, 1997). Les monarques sont tenus selon les règles coutumières, de prendre en considération l’opinion qui se dégage de l’analyse d’une situation faite par la cour, censée représenter le peuple et dont les membres sont, presque toujours choisis dans d’autres clans que le sien. Le mécanisme décisionnel est par paliers axé sur le regroupement ad hoc des chefs de collectivités et familles, des jeunes et des femmes.

Ainsi à la fin, il demanda à chacun de passer le saluer avant de partir. À tour de rôle et à la salutation de chaque personne, il donna un cauris. Il a demandé à voir tous ceux dont il est le représentant et leur dit qu’à partir de cet instant, plus rien ne sera comme avant. À commencer par le renouvellement au trône qui devient à vie plutôt qu’annuel pour certains et triennal pour d’autres. Il n’y aura non plus de rotation. Seule sa descendance aura la charge de la gestion, simplement parce que le geste qu’il venait de poser en leur donnant un cauris est profond de sens. Il venait d’acheter le territoire et tous ceux qui y habitent. Ce geste a fait du contenu et de son contenant sa propriété. Éhoto veut dire, il a acheté le pays, acte par lequel l’ancien système de rotation des chefs des clans qui habitaient la cité d’Abomey venait d’être banni (Extrait, Entretien n033). 49 Il règne de 1711 à 1740.

50 Littéralement, notre chef. Il était à la fois homme de confiance et bourreau. Devenu premier ministre, il

avait autorité sur tous les sujets à l’exception des princes et princesses de sang royal. Il siège immédiatement à la droite du roi. Après lui vient le Mehou (pour vous servir) qui lui, a autorité sur les princes et princesses. Entre autres attributions, il a à charge de dire à haute voix au public le discours que le roi lui dit à voix basse (Cornevin, 1962 : 97-98)

51 Douze lignées sont officiellement reconnues et citées, Tassi Hangbé seule femme ayant régné et partagé le

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Figure 5 : Carte de situation de la Commune d’Abomey

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Le royaume de Kétou52 situé dans le département du Plateau joue un rôle important dans les traditions yorouba. Il a été fondé par le roi Édé, septième d’une dynastie qui remonte à Itcha Ikpatchan53. Le souverain de ce royaume est un descendant d’Odoudoua54 (Cornevin, 1962 : 49-50, 149). Kétou (figure 6) étant un ancien royaume qui d’ailleurs dépend d’Ilé Ifê55 au Nigéria, aucune autre ethnie résidant dans la commune n’est admise à la cour jusqu’à ce jour. Les rois sont toujours désignés dans les cinq dynasties royales qui se succèdent de façon rotative au trône. Les femmes ne participent pas à la prise des décisions. Il comptait une vingtaine de ministres à attributions bien distinctes. Comme dans le royaume de Nikki, l’un de ses ministres, Araba Ketu, partage certaines attributions avec la même fonction de surveillance et de gestion des conflits que le Sinan Dunwiru. Le pouvoir politique traditionnel est détenu par le roi.

52 Le nom viendrait du bossu sacrifié pour son infirmité par le roi Édé en vue d’asseoir l’autorité de son

royaume.

53 Littéralement « Fouet du fétiche », il est le plus ancien roi de la dynastie de Kétou. 54 Considéré comme le fils du dieu suprême Olorun dans la mythologie yoruba. 55 Ancienne capitale spirituelle du pays yoruba (sud-ouest du Nigeria).

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Figure 6 : Carte de situation de la Commune de Kétou

Source : M. Badarou, avril 2014 : Carte réalisée dans le cadre de ce projet de recherche

Sètrah56 (figure 7) est une localité de l’arrondissement d’Anandana dans la commune de Copargo (département de la Donga). Les Boufalés, appelés encore Koufaloyéman, viendraient du Nord-Est du Togo à la recherche de terres fertiles, comme beaucoup de populations de l’actuelle République du Bénin qui s’étaient réfugiées dans les collines

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abruptes des Tanéka (Karoum, Beri et Koko selon Cornevin, 1962 : 40). Les Boufalés, à cheval sur le Bénin et le Togo, semblent avoir échappé aux méfaits de la pénétration étrangère pour conserver intacte leur tradition. Encaissés dans des zones montagneuses difficiles d’accès, ce groupe ethnique ne connaît pas de chefferie. Dans cette organisation sociale de type pyramidal, les générations se constituent à la suite d’une initiation. Dans cette communauté, deux personnages emblématiques jouent des rôles importants : Tchichao qui est le chef suprême résidant du côté togolais, garant de la tradition et choisi à vie, et Sotn, gardiens de la tradition dépendant directement du Tchichao. Les institutions sociopolitiques de ces milieux présentent moins de pittoresque et de complexité que celles des grandes entités monarchiques (Iroko, 1984). Iroko décrit l’organisation de cette société comme remarquable par sa stabilité, sa cohésion, malgré sa segmentation en clans. Chaque clan, qui a à sa tête non pas un chef mais le plus âgé (Kupalo qui signifie le supérieur, le grand, le doyen d’âge du clan) des membres des familles qui la composent, jouit d’une relative autonomie par rapport aux autres. Société acéphale57, ultra démocratique et horizontale où n’existe aucune pyramide sociale donc, aucune hiérarchie et stratification qui introduirait une spécialisation des fonctions sociopolitiques, « l’autorité reste diffuse, insérée dans les institutions familiales et religieuses, représentées essentiellement par les groupes de parenté et le culte des ancêtres : son autonomie, rare, reste limitée à l’arbitrage des conflits et la conduite des guerres ». Les hommes les plus en vue après les supérieurs sont les Sotn, avant dernière classe d’âge, appelés sur la base du volontariat (ou suggérer par les plus âgés du clan) à exercer des fonctions politico-religieuses durant les cinq années suivant les cérémonies d’initiation des classes d’âge. Ils incarnent de façon diffuse, les pouvoirs exécutif et judiciaire au sein du clan et sont l’objet d’un grand respect. Autorités morales, ils sont d’une discrétion exemplaire, probes et toujours empreintes de dignité.

57 Dans cette société que certains qualifient d’anarchique, il n’y a aucune élection, aucune nomination

particulière, aucune cérémonie spéciale d’investiture. Aucun doyen d’âge n’est non plus supérieur à un autre. Le caractère libéral et démocratique du système se mesure à l’initiative individuelle favorisée et à la

possibilité offerte à chaque individu de devenir sotn, et un jour d’accéder éventuellement au rôle de supérieur clanique.

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Figure 7 : Carte de situation de la Commune de Kopargo

Source : M. Badarou, avril 2014 : Carte réalisée dans le cadre de ce projet de recherche

A l’exception de Cotonou58 (figure 8), capitale politique du pays et centre du pouvoir où les décisions en rapport avec l’environnement sont prises dans des procédures formelles mises en place et gérées par l’administration nationale responsable de l’environnement, dans les autres localités sous étude, l’importance des questions environnementales à caractère essentiellement social dans les royaumes et les communautés font que les décisions se prennent ou tout au moins cautionnées par les responsables traditionnels, les premiers ministres et les chefs régionaux ou des villages. Érigée en commune à statut particulier par la loi n° 98-005 portant organisation des communes à statut particulier, Cotonou abrite l’ensemble des institutions de la République, des ministères et celles des Nations-Unies.

58 Cotonou (de ku : mort, et tonu : au bord de la lagune) tient son nom « la lagune de la mort » en référence

aux nombreux soldats d’Abomey qui y ont péri tentant de la traverser pour aller attaquer le royaume de Porto- Novo.

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Figure 8 : Carte de situation de la commune de Cotonou

Source : M. Badarou, avril 2014 : Carte réalisée dans le cadre de ce projet de recherche

Les acteurs de l’institutionnalisation de l’ÉIE au Bénin reconnaissent explicitement qu’il manquerait une dimension importante à l’évaluation d’impact comme outil technique en absence de la participation pour déterminer suffisamment le souhaitable ou le prioritaire ainsi que pour évaluer selon l’échelle des valeurs citoyennes ce qui est compatible avec la qualité de vie des citoyens d’une région ou d’une localité s’il n’y avait pas leur participation (République du Bénin, Guide général, 2001 : 19).