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139 D’une part, l’intervention d’un défenseur-avocat d’équilibrer les échanges

LES PARTIES

139 D’une part, l’intervention d’un défenseur-avocat d’équilibrer les échanges

parce qu’il est réputé maitriser le droit, ce médium commun du procès pénal. Il pourra facilement prouver ses allégations par des arguments basés sur les textes de loi pénale et la jurisprudence sans oublier que la doctrine juridique pourra l’aider à décrypter les différentes règles juridiques. Il pourra donc remplacer les lacunes de la personne poursuivie en la matière ; cette dernière ne maitrise pas la raison juridique867 pour pouvoir bien se défendre par sa plaidoirie. Or, comme le démontre un auteur868, il doit exister une communauté de raison entre les différents protagonistes pour qu’il y ait un véritable dialogue ; « il n’est pas possible de plaider sans l’espoir de faire coïncider cette communauté de raison et la singularité du cas »869. De même, il pourra également réfuter les arguments du Procureur en se basant sur les mêmes instruments de défense afin d’amener le juge à reconnaitre la vérité de sa proposition. Ainsi, dans ce domaine, le défenseur-avocat dispose d’une force de conviction870 nécessaire pour équilibrer les débats à l’audience.

D’autre part, l’intervention d’un défenseur-avocat permet, d’équilibrer la discussion parce qu’il est supposé maitriser l’art de plaider en justice. Technique du discours dissuasif871, l’art de plaider n’est pas à la portée des justiciables puisqu’il s’agit d’un « art de service », d’un « office »872 alors que ceux-ci n’exercent pas une profession qui leur permet de l’apprendre. Seules une haute culture, la pratique constante des idées générales et l’étude attentive du droit nourrissent la véritable éloquence873. Maître de l’art de plaider, l’Avocat sera donc là pour démasquer la fausse rhétorique, l’incohérence ou les contradictions des réquisitions du Procureur. Dans ce cas, pourquoi ne pas alors parler de l’équilibre du procès pénal ?

182. Pourtant, deux réalités permettent d’apprécier de façon globale l’aptitude du défenseur-avocat en matière de plaidoirie. Primo, il importe de prendre en compte la culture de celui-ci. En effet, ne peut mieux plaider la cause de la personne poursuivie que le défenseur qui est mieux formé, aussi bien académiquement que professionnellement. À ce propos, on ne peut que relativiser l’aptitude du défenseur-avocat au regard de l’insuffisance de sa

867 Employée ici comme synonyme de raisonnement juridique. V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op.cit., p. 847.

868 VARAUT (J. – M.), « L’art de plaider », op.cit., p. 2

869 Ibid., p. 2.

870 La force de conviction est l’aptitude, la capacité d’une personne à en convaincre une ou plusieurs autres d’adhérer à ses convictions, à son opinion, à empoter leur adhésion.

871 VARAUT (J. – M., « L’art de plaider », op.cit., p. 2.

872 L’art de plaider, selon Jean marc VARAUT, c’est « la méthode pour rendre vraisemblable le vrai ». V. VARAUT (J. – M.), ibid., p. 3.

873 VARAUT (J. – M.), « L’art de plaider », op.cit., p. 3.

140 formation précédemment étudiée. Secundo, il importe de souligner que l’aptitude à plaider la cause de la personne poursuivie dépend nécessairement de la maîtrise du dossier de la procédure. À cet égard, on ne saurait penser que l’Avocat puisse véritablement plaider la cause de son client s’il n’a souvent pas accès à ce dossier ou qu’il n’y accède que tardivement. À dire vrai, au regard des difficultés d’accès au dossier relevées dans cette étude, il ne fait aucun doute que la garantie apportée par le défenseur-avocat du fait de son expertise en matière de plaidoirie paraît insuffisante.

183. En somme, l’activité du défenseur-avocat pendant l’audience est également soumise à de nombreuses difficultés. Ces difficultés concernent tant la phase des débats que la phase des plaidoiries. Aux vues de ces difficultés qui empêchent l’exercice normal de l’activité de défense, on ne peut que conclure à l’insuffisance de la garantie de l’équilibre entre les parties au procès pénal.

Il convient, en définitive, de s’approprier une décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui a fustigé les pratiques étatiques visant à regarder simplement le côté théorique de l’accès à un Conseil sans se préoccuper des difficultés pratiques imputable s aux acteurs de la répression des infractions. Elle a notamment décidé que « la Cour fait observer que le droit de la défense d'un justiciable ne se limite pas au choix de son Conseil. Ce droit intègre également des principes comme l’accès aux témoins, la possibilité pour ce Conseil de s'exprimer, de se concerter avec son client, d'interroger et de contre interroger les témoins. Le droit de la défense s'entend également du droit d'avoir connaissance et d'exploiter les documents à charge, En l'espèce, la difficulté rencontrée par le Conseil de la Requérante à interroger les témoins à charge, les menaces et intimidations dont le témoin à décharge a été l'objet et l'utilisation contre la Requérante des documents saisis lors de la fouille de la prison, sans lui donner la possibilité de les examiner sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits de la défense.

La Cour en conclut que le droit de la défense de la Requérante prévu d l'article 7(1) (c) de la Charte a été violé »874.

874 V. Aff. INGABIRE VICTOIRE UMUHOZA c. RWANDA, Requête n° 003/2014, 24 novembre 2017, § 98.

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Conclusion du chapitre

184. En définitive, on est conduit à considérer que l’activité d’un défenseur-avocat au cours d’un procès pénal constitue une garantie insuffisante l’équilibre entre les parties. Cela tient, d’une part, à ce qu’avant l’audience pénale, l’activité de conseil de la personne poursuivie ainsi que celle de recherche des éléments à décharge peuvent être surplombées par de nombreuses difficultés. Parmi ces difficultés, ont été relevées notamment l’accès difficile au dossier de la procédure et à la personne détenue ainsi que l’insuffisance du temps de préparation du procès. Cela tient, d’autre part, à ce que pendant l’audience, malgré l’expertise supposée du défenseur-avocat en matière de plaidoirie, des difficultés existent dans le droit positif quant à la mise en pratique de cette expertise. On comprend alors que des solutions adéquates méritent d’être proposées875.

875 V. infra n° 187 et s.

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