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108 directement devant le Tribunal, la loi fait obligation au juge690 entre autres de

LES PARTIES

108 directement devant le Tribunal, la loi fait obligation au juge690 entre autres de

l’informer de la qualification pénale des faits qui lui sont reprochés691.

Ces dispositions consacrent donc un droit à l’information au profit de la personne mise en cause692. S’il est clair que ces informations constituent une obligation pour le juge pénal, il n’en reste pas moins vrai que c’est le défenseur qui rendra effectif ces différents droits693 car, « la simple information ne garantit pas nécessairement que la personne concernée se rende compte des implications éventuelles et de la portée de ses droits procéduraux et des paramètres juridiques y afférents, et qu'elle sache les mettre en valeur de façon efficace »694. C’est donc par l’opération de qualification que l’Avocat rend le droit à l’information de son client assimilable. Concrètement, il ne servirait à rien d'être assisté par un Avocat si chacun disposait en outre des mêmes informations695. Parce qu’il connait le droit, il pourra faire des va-et-vient entre le droit pénal généralet le droit pénal spécial696 pour faire comprendre au justiciable l’objet de la poursuite introduite par le Ministère public. Il y a un certain équilibre parce que le Parquet, dans chaque acte de poursuite qu’il pose, est obligé de qualifier

690 L’article 359 alinéa 1 du Code de procédure pénale prévoit alors que « dès l'ouverture des débats, le Président, après avoir procédé aux formalités prévues à l'article 338 fait notifier au prévenu les faits qui lui sont reprochés et lui demande s'il plaide coupable ou non coupable ».

L’article 338 quant à lui dispose comme suit : « (1) a) Le Président ouvre l'audience et demande au Greffier de faire l'appel des affaires inscrites au rôle ; b) Il constate pour chaque affaire, la présence ou l'absence des parties et de toutes les autres personnes convoquées ; c) Il vérifie l'identité de chaque prévenu. (2) Mention de ces formalités est faite au plumitif d'audience et dans le jugement par le Président ».

691 Une citation à comparaître qui leur est signifiée par huissier et qui doit mentionner le fait reproché, le texte qui l'incrimine et la qualité de prévenu de la personne poursuivie. Cette citation doit également indiquer le tribunal saisi, la date et le lieu de l'audience. Elle doit être signifiée au moins dix jours avant le procès. Ce délai minimum doit permettre à la personne prévenue de prendre connaissance du dossier de la procédure et de préparer sa défense. À l'ouverture de l'audience, le président du tribunal doit donner connaissance à la personne prévenue de la citation ou de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction. Il peut demander à la personne d'accepter de comparaître volontairement, afin d'être jugée pour un fait pour lequel elle n'aurait pas été régulièrement citée.

692 Chaque fois qu’une personne est poursuivie devant une juridiction, la loi fait obligation à cette dernière d’informer celle-ci des faits qui lui sont reprochés et des règles pénales applicables. La pratique du procès pénal camerounais s’inscrit dans un système juridique de catégories héritées du droit romain.

693 MCLACHLIN (B.), « Accès à la justice et marginalisation : l’aspect humain de l’accès à la justice », Les Cahiers de droit, Vol. 57, n° 2, 2016, p. 344.

694 BOHLANDER (M.), « La défense de l'accusé en garde à vue. Remarques sur la situation juridique en Allemagne », RSC, 1994, p.315.

695 FOISSIER (Th.), « Droits de la défense et personnes vulnérables », op.cit., p. 63, n° 21.

696 V. MERLE (R.) et VITU (A.), Traité de droit criminel, op.cit., p. 202.

109 les faits697. Même si cette qualification ne s’impose pas au juge698, elle peut influencer la perception de ce dernier. Le fait que le défenseur sache aussi qualifier les faits constitue une arme importante pour bilatéraliser la défense pénale en matière de qualification699. Sans qualification des faits, et comme l’a si bien démontré un auteur700, « l'Avocat ne conseille pas correctement son client.

Les faits de l'espèce, le client les a vécus ». Il faut donc que le défenseur ait une bonne connaissance des textes et des procédures.

137. Malheureusement, dans la pratique, l’activité de conseil du défenseur-avocat peut être butée à plusieurs obstacles. Le premier obstacle, on l’a vu, est la maîtrise approximative du droit par celui-ci au regard de sa formation tant universitaire que professionnelle. Cet obstacle, aussi relatif qu’il paraît, peut avoir des conséquences désastreuses sur l’équilibre dans le procès. Ainsi, un mauvais conseil donné à la personne poursuivie peut conduire à l’adoption d’une mauvaise stratégie de défense et donc, à la perte du procès. Évidemment, si ce n’était que le seul obstacle à l’activité de conseil du défenseur-avocat, on pourrait éviter un déséquilibre grave des rapports de force. Hélas, un autre obstacle plus grave existe : l’accès difficile de l’Avocat à la personne poursuivie.

138. L’accès difficile du défenseur-avocat aux personnes détenues provisoirement est aujourd’hui une réalité701. Malgré les dispositions du Code de procédure pénale consacrant l’accès libre de l’Avocat à ses clients702, la pratique montre plutôt une hostilité des autorités chargées des détenus envers leur défenseur. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles un mot d’ordre de grève a été lancé par les Avocats le 31 août 2019. Avant cette sonnette d’alarme, la Commission des Droits de l’Homme du Barreau mettait déjà en évidence le fait que dans la pratique, les Avocats ont des difficultés d’accès à leurs clients, notamment du fait de l’Administration pénitentiaire703. Dès lors, comment le défenseur pourrait-il bien informer la personne poursuivie dans ces conditions ? On peut ainsi soutenir aisément l’insuffisance de la garantie de l’équilibre des forces en matière d’informations.

697 V. dans ce sens l’art. 144 du C.P.P. qui dispose que « (1) le réquisitoire introductif d’instance est écrit. Il est pris contre une personne dénommée ou non dénommée. (2) il contient la qualification pénale des faits reprochés… ».

698 V. par exemple l’art. 163 (2) du C.P.P. qui dispose que : « le juge d’instruction n’est pas lié par la qualification donnée aux faits dans la plainte ou par le réquisitoire du procureur de la république ».

699 MARTIN (R.), Déontologie de l’Avocat, op.cit., p. 13.

700 BOLARD (G.), « L’avocat, le juge et le droit », op.cit., p. 222.

701 TAKU (Ch.), « The place of Lawyers in comtemporary Cameroon », op.cit., p. 42.

702 V. les art. 239 et s. du Code de procédure pénale.

703 V. CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 1ère éd., Année 2015, p.

20.

110 139. De toute évidence, si le défenseur-avocat, tel un artisan704, dispose des outils pratiques nécessaires à la compréhension des actes d’accusation du Ministère public705, les difficultés soulevées permettent de relativiser son aptitude à équilibrer les rapports face au Procureur. Comment peut-on en arriver là ? Dans un système de procès qualifié d’accusatoire, de telles difficultés ne devraient pas exister. En effet, selon la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, « il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que les Avocats aient accès aux renseignements, dossiers et documents pertinents en leur possession ou sous leur contrôle, dans des délais suffisants pour qu’ils puissent fournir une assistance juridique efficace à leurs clients. Cet accès doit être assuré au moment approprié et ce, sans délai »706. Si ces difficultés existent, c’est que la garantie apportée par l’intervention du défenseur est insuffisante.

Cela est d’autant plus vrai que ces difficultés d’accès à la personne poursuivie auront une influence considérable sur les stratégies de défense, cet autre pan de l’activité du défenseur-avocat en matière de conseil du justiciable.

B. Le conseil relatif aux stratégies de défense

140. S’il y a une chose qui peut permettre d’apprécier l’aptitude du défenseur à équilibrer les débats face au Procureur, c’est bien sa capacité à développer des stratégies de défense. La réalité est, en effet, que l’activité du Procureur, dans le cadre du procès pénal, ne s’exerce jamais au hasard. Elle est tributaire d’une politique pénale707 devant être mise en œuvre en vue de protéger l’intérêt général. Des stratégies de poursuite sont ainsi mises en œuvre selon le

704 DANET (J.), « Défense pénale », op.cit., p. 310.

705 En matière pénale, les prétentions du ministère public se trouvent selon les cas dans le réquisitoire introductif d’instance ou la citation directe. Pour le réquisitoire introductif d’instance, V. les articles 143 al. 2 et 144 du C.P.P. Selon l’article 143 (2), « L'acte par lequel le Procureur de la République saisit le Juge d'Instruction s'appelle réquisitoire introductif d'instance ». Quant à l’article 144, il dispose que « (1) Le réquisitoire introductif d'instance est écrit. Il est pris contre une personne dénommée ou non dénommée. (2) Il contient la qualification pénale des faits reprochés et la mention que l'action publique n'est pas éteinte par l'un des évènements visés à l'article 62 ». Pour la citation directe, V. les dispositions des articles 291 et 292 du Code de procédure pénale. Article 291 (1) « En dehors des cas de flagrant délit et de citation directe à la requête de la partie civile, le Président du Tribunal, en concertation avec le Procureur de la République, fixe la date de la première audience. (2) En cas de nécessité, cette date peut être modifiée dans les mêmes conditions ». Article 292 (1) « Le dossier de procédure est communiqué au Procureur de la République, pour citation des parties et des témoins. (2) A l'issue des formalités prescrites au paragraphe 1er, le dossier est rétabli au greffe ».

705 HENRION (H.), « L’article préliminaire du code de procédure pénale : vers une théorie législative du procès pénal ? », op.cit., p. 20.

706 V. le point I des Directives et Principes de la ComADHP sur le droit à un procès équitable et à l’Assistance judiciaire en Afrique adoptés en 2001.

707 MPINDA (F. A.), Le Procureur de la République au Cameroun, op.cit., pp. 133 et s.

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