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30 droit à l’assistance d’un Conseil dans la phase préparatoire du procès, et tout en

reconnaissant les mérites des nouvelles dispositions en la matière208, l’auteur insiste sur les difficultés pratiques permettant au défenseur intervenant d’assumer efficacement sa mission. Il attire alors l’attention sur l’aptitude juridique et judiciaire du Conseil et le domaine limité de l’intervention obligatoire dudit Conseil209. Pour lui, « si l’objectif de la règle de l’article 170210du NCPP211 était d’assurer véritablement les droits de la défense en décelant dès l’inculpation les moindres irrégularités de la procédure, n’aurait-il pas été normal de ne prescrire tout au moins pour ce qui est de la poursuite pénale une nécessaire présence d’une personne à même d’apporter un conseil conséquent »212.

L’on notera néanmoins que ce travail, encore une fois, n’a traité la question de l’intervention du défenseur en rapport avec la garantie de l’équilibre dans le procès pénal que partiellement. D’une part, il s’est agi pour l’auteur de traiter principalement de la détention provisoire et la question de l’intervention du défenseur n’a été donc qu’accessoire. D’autre part et surtout, l’auteur n’a envisagé le débat de l’équilibre que pour la phase préparatoire du procès pénal.

La question de la garantie de l’équilibre du procès du fait de l’intervention du défenseur reste alors à défricher.

36. Plutôt que de revenir sur les débats relatifs à la crise de la justice camerounaise213, aux nombreuses charges contre l’institution judiciaire, et aux multiples maux et autres dysfonctionnements mis en exergue par la doctrine214, il convient de mettre l’accent sur la participation peu analysée d’un acteur, peut-être moins connu, mais ô combien important du procès pénal camerounais, à

208 NGNINTEDEM (J.-C.), « La détention provisoire dans le nouveau code de procédure pénale camerounais », op.cit., p. 123.

209 Ibid., p. 124.

210 D’après cette disposition, « lors de la première comparution, le juge d'instruction […]

avertit en outre l'inculpé que: b) il peut, à son choix, se défendre seul ou se faire assister d'un ou de plusieurs conseils ; c) au cas où il a plusieurs avocats, il doit faire connaître le nom et l'adresse de celui à qui toutes convocations et notifications devront être adressées ».

211 Ce sigle veut dire « nouveau code de procédure pénale ».

212 NGNINTEDEM (J.-C.), ibid., p. 124.

213 Sur cette crise de la justice camerounaise, lire NKOU MVONDO (P.), « La justice parallèle au Cameroun : la réponse des populations camerounaises à la crise de la justice de l'État », op.cit., p. 369 ; AKAM AKAM (A.), « Crise(s) de la justice au Cameroun ? Brèves réflexions sur un pouvoir à la croisée des chemins » op.cit., p. 915 ; BILONG NKOH (F. R.), « La crise de crédibilité des normes de procédure pénale », op.cit., p. 995.

214 On a souligné, à ce sujet, que la justice camerounaise souffre de nombreuse pathologies : partialité, corruption et incompétence des magistrats, lenteurs des procédures et des procès, éloignement et difficulté d’accès des juridictions, dépendance ou soumission des magistrats vis-à-vis des puissants (pouvoirs politiques et opérateurs économiques), etc. Lire dans ce sens AKAM AKAM (A.), « Crise(s) de la justice au Cameroun ? Brèves réflexions sur un pouvoir à la croisée des chemins », op.cit., p. 916.

31 l’instar du défenseur215. Parce que la recherche de l’effectivité du droit suppose de s’intéresser aux instances chargées d’assurer l’application des règles216, étudier les rapports entre l’intervention du défenseur et l’équilibre du procès pénal constitue alors une préoccupation primordiale dans l’analyse de la garantie des droits de la défense consacrés par le Code de procédure pénale. Il ne saurait en être autrement, puisque le droit à un défenseur est un droit-garantie217. Et, la particularité d’un droit-garantie, réside dans le fait qu’il permet de rendre concret et effectif les autres droits des justiciables en justice218. Sans l’assistance d’un défenseur en effet, les droits des justiciables sont menacés de rester simplement théoriques et illusoires. L’on ne saurait alors mesurer l’évolution des droits de la défense en négligeant l’acteur de la mise en œuvre de ces droits, à savoir, le défenseur.

37. Il s’agit en réalité d’attirer l’attention sur la négligence tant de la part du législateur que de la doctrine à propos de la place du défenseur dans le procès pénal. Malgré le fait que le législateur ait consacré le droit à un défenseur, il a réservé à ce dernier une place négligeable dans le Code de procédure pénale219. Ce Code manque de précisions sur le statut de celui-ci, et même les modalités de l’exercice de sa mission n’y sont pas clairement définies220. Plus étonnant encore est la place que les auteurs221 réservent au défenseur dans leurs traités, ouvrages,

215 Sur l’importance de la place du défenseur, lire TAKU (Ch.), « The place of Lawyers in comtemporary Cameroon », Le Bulletin du Bâtonnier, Août 2012, p. 41.

216 Lire dans ce sens SARGO (P.), « Les sept piliers de la sagesse du droit », op.cit., n° 27 ; GOLUB (S.), « L’importance de l’assistance judiciaire dans la réforme pénale », op.cit., p. xvii.

217 Suivant la distinction que certains auteurs ont fait des droits et libertés fondamentaux, le droit à l’assistance d’un défenseur en justice constitue à la fois un garantie, un droit-créance et un droit-liberté. Droit-garantie d’abord, le droit à l’assistance d’un défenseur l’est dans la mesure où sa raison d’être est de rendre concret et effectif les droits des justiciables en justice. Droit-créance ensuite, le droit à l’assistance d’un défenseur l’est du fait qu’il comporte celui d’accès au défenseur et permet ainsi au justiciable de réclamer à l’État des mesures positives tendant à la mise en œuvre de son droit. Droit-liberté enfin, le droit à l’assistance d’un défenseur l’est parce qu’il implique la liberté reconnue au justiciable dans sa mise en œuvre.

218 La spécificité des droits-garanties consiste dans le fait qu’ils permettent une mise en œuvre effective des autres droits. Mais, la particularité des droits-garanties réside aussi dans le fait qu’ils épousent souvent les caractéristiques des autres catégories des droits à l’instar des droits-libertés et des droits-créances. Lire FAVOREU (L.) et alii, Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 21e éd., 2019, p. 1040.

219 NKENKO YAMENI (M.), « La place de l’Avocat dans la nouvelle procédure pénale camerounaise », Le Bulletin du Bâtonnier, Août 2012, p. 43.

220 Tandis que plusieurs articles voire des chapitres sont souvent consacrés aux officiers de police judiciaire, au Ministère public et au juge.

221 Prenons par exemple le document le plus volumineux de procédure pénale que nous connaissons : DESPORTES (F.) et LAZERGES-COUSQUER (L.), Traité de procédure pénale, op.cit., qui comptent 2390 pages. Dans ce traité, aucune page n’est réservée spécialement à l’avocat, il en est fait allusion au niveau du droit à l’assistance occupant à peine 6 pages. Or, dans le même document, plus de 100 pages sont réservées au juge, près de 30 pages décrivent le ministère public et plus de 40 pages concernent spécialement les officiers de police judiciaire.

32 manuels ou précis relatifs au procès pénal222. Pourtant, si la « balance qui est le symbole de la justice doit rester équilibrée pour éviter la tyrannie ou l’arbitraire »223, il faut bien considérer le défenseur comme un organe de justice et non simplement comme un simple auxiliaire224 dont on peut se passer dans le cadre de l’administration de la justice225. C’est dire que le défenseur ne devrait pas être considéré comme le perturbateur d’une vérité dont l’établissement ne requiert pas son concours226.

Il est d’ailleurs curieux voire paradoxal de voir comment des Avocats s’intéressent davantage à l’aptitude des autres acteurs de la justice pénale à faire respecter les droits de la défense qu’à la capacité des défenseurs eux-mêmes à contribuer au respect de ceux-ci. En effet, depuis plusieurs années déjà227, la Commission des Droits de l’Homme du Barreau (C.D.H.B.), composé essentiellement des Avocats, publie des rapports annuels sur l’état des droits de l’homme au Cameroun228. Ainsi, dans le tout premier rapport, face aux entorses du procès équitable constatées229, la Commission propose de « renforcer davantage les capacités pour plus d’objectivité, de professionnalisme et d’indépendance des OPJ230 et des magistrats dans la conduite des procès »231. De même, dans la deuxième232 et la troisième édition233, elle insiste sur le fait de

« renforcer les capacités des magistrats du parquet sur le principe de la liberté » et de « renforcer les capacités des juges d’instruction à la pratique de mise en liberté »234.

222 Pourtant, des parties entières de ces productions scientifiques sont consacrés au statut et aux missions des Officiers de police judiciaire, du Procureur et ceux du juge.

223 MANI AYONG (F. E.), « L’égalité des parties au procès pénal : fiction ou réalité ? », op.cit., p. 63.

224 V.TAKU (Ch.), « The place of Lawyers in comtemporary Cameroon », op.cit., p. 41.

225 Un auxiliaire est utile, mais non indispensable. Lire dans ce sens NAOUI (S.), Obligations et responsabilités de l’avocat, op.cit., p. 16. Ce dernier définit l’Avocat comme « un organe de justice qui a pour mission de représenter ou d’assister les parties devant les tribunaux, les conseils disciplinaires et les administrations publiques pour défendre, verbalement ou par écrit, l’honneur, la liberté, la vie et les intérêts de ses clients ».

226 CLÉMENT (S.), Les droits de la défense dans le procès pénal : du principe du contradictoire à l’égalité des armes, op.cit., p. 9.

227 Trois ans plus précisément. Il s’agit des années 2015, 2016 et 2017.

228 Depuis 2015, la CDHB, avec l’appui de l’Union Européenne, publie chaque année, un rapport sur l’état des droits de l’homme.

229 V. CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 1ère éd., Année 2015, p.

20.

230 Lire Officiers de Police Judiciaire.

231 CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 1ère éd., Année 2015, p. 20.

232 CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 2e éd., Année 2016, p. 27.

233 CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 3e éd., Année 2017, p. 36.

234 Rapport 2016 précité, p. 28.

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