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111 niveau de politique708, la gravité de l’infraction et la personnalité du délinquant

LES PARTIES

111 niveau de politique708, la gravité de l’infraction et la personnalité du délinquant

Dans ces conditions, la défense doit également être le fruit d’une stratégie pour permettre un équilibre de la balance. À chaque stratégie de poursuite particulière développée par le Procureur doit s’opposer singulière de la défense. Dans ce sens, on a considéré que la défense pénale est par nature tactique709.

141. Plus globalement, et il en a toujours été ainsi, l’équilibre entre les parties au procès pénal dépend de l’aptitude du défenseur à mettre en œuvre des stratégies de défense710. Comme on l’a soutenu, la défense pénale est un métier711, et comme telle, elle ne peut mieux être effectuée que par la mise en œuvre de plusieurs stratégies712. C’est pourquoi, si la stratégie est « l’art de combiner des opérations pour atteindre un but »713 ou encore « l’art de manœuvrer habilement des opérations pour atteindre un objectif »714, alors, le travail de la défense est un travail de stratégie715. En conséquence, selon que la personne poursuivie reconnaisse ou nie les faits, des stratégies différentes doivent être mises en œuvre pour pouvoir équilibrer les débats716. Il importe alors qu’un spécialiste de la défense et un technicien de la procédure pénale intervienne aux côtés de la personne poursuivie afin d’équilibrer le procès717. Se pose alors la question de savoir si le défenseur-avocat, au regard du droit positif, se trouve à même de bien défendre la personne poursuivie avec stratégie.

142. De prime abord, l’intervention d’un défenseur-avocat permet justement de mettre en œuvre le droit au silence de la personne poursuivie.

L’article 170 alinéa 2 (b) du Code de procédure pénale dispose que, lors de la première comparution, le juge d’instruction avertit l’inculpé qu’« il est libre de

708 Cette politique pénale pourrait être soit nationale, soit locale. MPINDA (F. A.), Le Procureur de la République au Cameroun, op.cit., p. 133.

709 SAINT-PIERRE (F.), Guide de la défense pénale, op.cit., p. 23, n° 018.

710 DANET (J.), « Défense pénale », op.cit., p. 310.

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V. VOULAND (Ph.), « La défense pénale est un métier », op.cit., p. 103.

712 Il faut toutefois distinguer la stratégie de défense du stratagème. Le stratagème est une tour d’adresse conçu dans le dessein de tromper (V. Dictionnaire Universel, op.cit., p. 1187 ; Le Nouveau Littré, op.cit., p. 1338). Le recours au stratagème est interdit aussi bien en matière de recherche des preuves que dans le déroulement des débats, notamment lors des interrogatoires car contraire au principe de loyauté. V. art. 380 C.P.P. qui traite des questions insidieuses. Lire MATHONNET (P.), «Le procès équitable dans l’espace normative français », op.cit., p. 2. V.

également Cass. Crim., 23 juillet 1985, Bull. crim. n°275 ; 27 février 1996, D., 1996, n°346, note Guery.

713 Dictionnaire Universel, op.cit., p. 1187.

714 Le Nouveau Littré, op.cit., p. 1338.

715 FARGE (H.), « Le devoir de compétence », Justice et cassation, 2012, p. 303.

716 Sur ces différentes stratégies qui ne sont jamais les mêmes. V. dans ce sens VOULAND (Ph.), ibid., p. 104.

717 D’autant plus que les preuves sont jours fragiles. Consulter dans ce sens BOURGET (Ch.),

« L’avocat et la vérité », in Autres temps. Cahier d’éthique sociale et politique, N° 58, 1998, pp.

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112 ne faire aucune déclaration sur-le-champ ». À ce sujet, il faut relever deux réalités dans la pratique juridique camerounaise remettant en cause le droit au silence de la personne poursuivie.

La première réalité est que la torture des suspects est une pratique persistante718. Les interdictions prévues par le Code de procédure pénale n’ont pas pu changer la donne. D’après la Commission des Droits de l’Homme du Barreau719, « la pratique de la torture demeure une réalité dans nos centres de détention et en particulier dans les unités de police et de gendarmerie ». En effet, poursuit-elle, « le recours à la balançoire à l’enchainement, au fouet, à l’isolement, au courant électrique, au feu, aux menaces, entre autres, demeurent monnaie courante dans lesdits centres ». Dans ces conditions, comment le défenseur pourrait-il plus tard, devant le juge, mettre en œuvre efficacement et stratégiquement le droit au silence de la personne poursuivie ? Définir une stratégie de défense devient alors difficile pour le défenseur-avocat devant le juge d’instruction.

La seconde réalité résulte des dispositions mêmes du Code de procédure pénale. En effet, en vertu des dispositions de l’article 171 alinéa 1er dudit Code,

« si l'Avocat de l'inculpé assiste à la première comparution, le juge d'instruction n'est pas tenu de lui communiquer le dossier à l'avance ». Traduction concrète de ce texte, le juge d’instruction est encouragé à se passer de l’intervention du défenseur-avocat dès la première comparution. Or, c’est à partir du contenu du dossier que le défenseur peut encourager son client à faire ou non des déclarations720. À ce stade, on comprend qu’il devient difficile pour le avocat de définir une stratégie efficace. De même, la présence d’un défenseur-avocat permet à la personne poursuivie de bien préparer sa défense. C’est le premier qui rend effectif les droits du second. Le défenseur-avocat lui fera savoir justement les exigences des délais fixés dans l’acte qui lui a été notifié ou signifié. Cette information est capitale pour la défense puisque le Ministère public, quant à lui, maîtrise le calendrier du juge pénal.

718 La Commission des Droits de l’Homme du Barreau relève notamment qu’à l’observation de ce qui se passe çà et là, il y a lieu de constater que les personnes suspectées d’avoir commis des infractions à la loi portant répression des actes de terrorisme sont gardées dans les locaux qui ne sont pas les unités d’enquête ni même des maisons d’arrêts. Dans ces conditions, elles sont très souvent victimes de traitements inhumains, de tortures et d’atrocités aigues perpétrées par les forces de maintien de l’ordre dans le seul but d’extorquer l’aveu de celles-ci. V. CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 2e éd., Année 2016, p. 14.

719 V. CDHB, Rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, 1ère éd., Année 2015, p.

12.

720 RUDE-ANTOINE (E.), L’éthique de l’avocat pénaliste, op.cit., p. 163.

113 143. Ensuite, devant le juge, la personne poursuivie est appelée soit à reconnaitre les faits qui lui sont reprochés, soit à les nier. Autrement dit, elle peut plaider coupable ou non coupable. Sur le plan de la défense, chaque option de la personne poursuivie amène le défenseur à emprunter des pistes particulières. À ce niveau, on pourrait espérer que le défenseur-avocat, en tant que professionnel de la défense, connait les pistes à emprunter, surtout qu’il sait par exemple qu’il peut y avoir des aveux fantaisistes721. Dans cette hypothèse, il pourrait inciter son client à rétracter ses aveux : c’est une stratégie de défense722. Lorsque le défenseur-avocat perçoit de la sincérité dans les aveux de son client, il peut mettre en œuvre d’autres stratégies comme l’explication et l’atténuation de la charge de l’accusation portée par le Ministère public723.

Toutes ces stratégies, faut-il le noter, se définissent généralement avec le justiciable, après plusieurs rencontres et échanges. Or, on l’a précédemment relevé724, l’accès de l’Avocat dans les lieux de détentions est entravé par les comportements « inquisitoriaux » des autorités étatiques. Plus grave, et comme on le verra725, l’accès de l’Avocat au dossier de la procédure dans les enceintes judiciaires camerounaises n’est pas la chose la mieux partagée. Une fois de plus, il devient difficile de soutenir que l’intervention du défenseur-avocat aux côtés de la personne poursuivie permet de garantir suffisamment l’équilibre des rapports de forces dans le procès.

144. Par ailleurs, dans l’hypothèse où la personne poursuivie nie les faits, le défenseur doit encore mettre en œuvre des stratégies pour équilibrer les débats avec le Procureur. Là encore, le défenseur-avocat devrait être le mieux placé pour accompagner son client. L’accès au dossier de la procédure lui étant possible, on pourrait alors soutenir que l’Avocat n’a pas nécessairement besoin de confidences, le dossier peut suffire. Et ce serait la démonstration faite par

721 VOULAND (Ph.), « La défense pénale est un métier », op.cit., p. 103.

722 Ibid., p. 108.

723 Dans cette hypothèse, lisons plutôt les conseils de Philippe VOULAND : « la culture criminologique devient alors une alliée, la capacité d’écoute et de compréhension, la connaissance qui permet d’analyser en profondeur une expertise psychologique ou psychiatrique vont permettre d’explorer le passage à l’acte délinquantiel et son cheminement.

Une connaissance la plus complète et la moins pédante possible des sciences humaines pourront guider l’avocat dans le choix de ses mots. Il est évident que là encore, sans être le premier juge de son client, l’entretien préalable et l’aide au choix des idées et des mots de l’intéressé(e) lui(elle)-même seront déterminants. L’avocat doit toujours être conscient que le juge est intéressé exclusivement par celui qu’il défend et que c’est lui qu’il « sonde ». Que la plus mauvaise pièce du dossier soit le client ou que ce ne soit pas le cas, le rôle d’avocat en amont ne sera pas celui de conseiller en mensonge mais celui de « coach ». Il devra aider, autant que faire se peut, l’intéressé à être lui-même ou tout au moins à être le plus en lien possible avec ceux qui le jugent ». V. VOULAND (Ph.), ibid., p. 108.

724 V. supra n° 149.

725 V. infra n° 161 et s.

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