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La paroLe etLa LoidanS Le rite FrançaiS de 1786

et danS SonproLongement

Pas plus le Rite Français de 1786 ne signe-t-il la fin de l’Histoire maçonnique, ni celle du Rite Français. Celui-ci au contraire se réveille à la fin des années 1990 d’un sommeil de près de deux siècles. Il a conservé de ses origines la pureté et l’aptitude génétique à la modernité. Il n’est que de mettre en œuvre à nouveau la dynamique interne sur laquelle il est construit pour en réactiver toute la fécondité dans le contexte de notre époque.

Ainsi en va-t-il du rapport du Maçon avec la Parole et la Loi, dont l’ancienne dialectique a retrouvé force et vigueur et appelle un prolongement en notre temps.

Pour en reconstituer le cours, suivons le texte du Rite, tel que nous l’ont légué Louis-Alexandre Roëttiers de Montaleau et ses compagnons. Notre référence sera le texte original du Rite, publié sur le site intranet du Grand Chapitre Général sous le titre

« Manuscrit du Rite Français 1785 » pour les trois premiers grades (noté ici MRF1785) et sous le titre « Manuscrit des Hauts Grades 1786 » pour les Ordres de Sagesse (noté ici MHG1786), dont les transcriptions sont certifiées par l’autorité de publication.

Tout commence avec le grade de Maître.

AU GRADE DE MAÎTRE : DE LA LOI QUI INTERDIT LA PAROLE À LA PAROLE SANS LA LOI

Le grade de Maître fait état d’une situation première, que l’on omet en général de considérer : la situation d’avant le meurtre d’Hiram. Un architecte domine de sa personnalité éminente le chantier du Temple. Il conduit la construction du Temple.

« Hiram (le roi de Tyr)3 (…) envoya à Salomon un de ces hommes rares dont le génie, l’intelligence, le goût, la supériorité des talents en fait d’architecture, et la vaste connaissance de l’essence des métaux, lui avaient acquis un tel degré de considération et de respect de la part du Roi de Tyr, » (MRF1785) p 67

Cet homme est Hiram l’architecte, à qui Salomon délègue son autorité pour la construction du Temple.

« Salomon donna à Hiram (l’architecte) l’intendance et la conduite des travaux. Le dénombrement qui fut fait de tous les ouvriers les porte à 183 300. » (MRF1785) p 68

3 Ce formalisme indique une précision apportée par l’auteur du présent texte.

Hiram régit le chantier et dicte ce que doit être la construction du Temple, métaphore du monde dans l’expression symbolique.

Sous son autorité et sa parole qui fait loi, un ordre est en place.

Le verbe d’Hiram est la seule parole. Il y a bien des ouvriers (183 000 !), de différentes classes, mais ils sont muets et soumis.

L’ordre procède d’en haut et l’autorité est extérieure à la classe des ouvriers. A ce stade, pour les Maçons, la Loi interdit la Parole.

« L’ordre qui avait été établi parmi les ouvriers devait nécessairement assurer la tranquillité. (Par) les soins et la vigilance d’Hiram, le Temple prenait chaque jour un nouvel accroissement (…). » (MRF1785) p 68-69 Ainsi le monde va-t-il. Si les Maîtres ont accès à la parole, comme cela se confirmera, c’est uniquement sur un mode passif et limité. Ils connaissent la parole de Maître, qui se révèlera être

« YHVH », l’ancienne Parole de Maître, dont le Rituel nous apprendra bien plus tard qu’elle désigne « l’ancienne Loi ». Mais ils n’ont accès qu’à son signifiant, et encore sous une forme réduite à une série de voyelles4, c’est-à-dire imprononçable.

Une première évolution, majeure, va se produire suite à l’assassinat d’Hiram. Les Maîtres changent le signifiant de la Loi.

« Il était à craindre que les assassins n’eussent à force de tourments arraché à Hiram les signes et mot de Maître ; ils (les Maîtres) convinrent donc que le premier signe et le premier mot qui leur échapperaient lors de l’exhumation seraient, par la suite le signe et le mot de reconnaissance parmi les Maîtres. » (MRF1785) p 73

Ce nouveau mot ou parole5 de Maître est ensuite transmis aux nouveaux Maîtres.

« La parole sacrée est celle que je vous ai donnée à l’oreille en vous relevant : on la donne en recevant et en donnant l’accolade en trois temps, une syllabe à chaque temps. Elle signifie : la chair quitte les os. » (MRF1785) p 72

C’est un premier acte de liberté, bien limité au demeurant car si les Maîtres peuvent changer le mot ou la parole de Maître, le substitut n’a pas de signification. Ce choix d’un signifiant sans signifié peut être interprété comme une position intermédiaire,

4 Les voyelles de « YéHoVaH » ou « Jéhovah ».

5 Mot et Parole sont employés assez indifféremment dans le Rituel.

De la loi qui interdit la parole à la parole qui fait la loi

ce que la suite du récit confirmera. Surtout, quelque chose de fondamental a changé, qui est de l’ordre d’une révolution copernicienne : ce sont les Maîtres qui choisissent la Parole, même si à ce stade c’est encore dans les limites indiquées. Elle ne leur est plus imposée par une autorité transcendante.

Ce n’est que la première apparition du phénomène de substitution de la Parole. Nous l’appellerons ici la « petite substitution ».

D’abord parce qu’elle est interprétée parfois a minima comme le simple remplacement d’un mot de reconnaissance, ce qui, sans être inexact à un premier niveau, nous semble une sous interprétation6. Mais surtout parce qu’elle sera suivie, plus avant, d’une autre substitution de plus grande ampleur.

Toujours est-il qu’à partir de là, la question de la Parole va devenir désormais un problème majeur pour les Maîtres.

AU IIe ORDRE : LA LOI RETROUVÉE, LA PAROLE

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