• Aucun résultat trouvé

Grand Chapitre Général du Grand Orient de France LA REVUE. Du Libre arbitre à la Liberté de conscience

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Grand Chapitre Général du Grand Orient de France LA REVUE. Du Libre arbitre à la Liberté de conscience"

Copied!
108
0
0

Texte intégral

(1)

LA REVUE

Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

J O AB EN - L A REV U E

GrandChapitreGénéralduGrandOrientdeFrance

Du Libre arbitre

à la Liberté de conscience

JOABEN-N8-COUV-BAT:Mise en page 1 23/12/16 17:24 Page 1

(2)

Tablier des quatre ordres du Rite Français, broderies et cannetilles sur coton, début du XIXesiècle

(3)
(4)

Il fut initié dans la Loge La Réforme, orient de Marseille

Grand Orient de France 1969

(5)

Marianne Maçonnique

(musée de la franc-maçonnerie, collection GODF) Marianne symbolise le peuple,

elle devient une figure d’opposition en s’affirmant comme le symbole de la République à partir

de la monarchie de juillet.

(6)
(7)

Après un hommage que nous voulions rendre à Charles Porset, dont la compilation bien choisie de textes, dans la dernière édition de Joaben, nous a rappelé l’acuité et l’actualité des réflexions, la dernière livraison de notre revue s’intéresse au libre arbitre et à la liberté de conscience.

Belle idée car il n’y a rien de plus essentiel que ces principes pour les maçons qui se reconnaissent dans une franc-maçonnerie active, et militent pour une société plus juste, plus solidaire, plus heureuse. En un mot, plus fraternelle.

Et tous les maçons chevronnés ont en tête ce convent 1877, au cours duquel le pasteur Frédéric Desmons fait de la liberté absolue de conscience, la clé de voûte de l’engagement de notre obédience, en l’inscrivant sans ambages dans sa constitution, avec cette formule, contenue dans la résolution qu’il présente :

« L’Assemblée décide que le second paragraphe de l’article 1er de la Constitution aura la teneur suivante : La Franc-Maçonnerie a pour principes la liberté absolue de conscience et la solidarité humaine. »

Depuis, chaque jour, partout en France et ailleurs, des Vénérables Maîtres de loges bleues et des présidents d’ateliers d’ordres de sagesse, tous rites confondus, prononcent réglementairement, en ouverture des travaux, la primauté de la liberté de conscience et sa consubstantialité avec la franc-maçonnerie dite libérale et a-dogmatique (dans ce néologisme que j’ai imaginé il y a quelques années, je sépare à dessein le mot de son suffixe privatif, car on comprend d’autant mieux combien l’absence de référence à un dogme nous caractérise).

Mais si le « réglementaire » prévaut en période de calme, la flamme prend le relais quand le danger paraît. Il n’est que de se

ÉDITORIAL - Philippe Guglielmi

Très Sage

& Parfait Grand Vénérable

(8)

s’arracher de l’opprimante tutelle qu’exerçait l’église catholique sur son troupeau docile. Citons Desmons qui exhorte : « Que la Maçonnerie plane […] majestueusement au-dessus de toutes ces questions d’Églises ou de sectes, qu’elle domine de toute sa hauteur toutes leurs discussions, qu’elle reste le vaste abri toujours ouvert à tous les esprits généreux et vaillants, à tous les chercheurs consciencieux et désintéressés de la vérité, à toutes les victimes enfin du despotisme et de l’intolérance. »

Car bien entendu, parler de la liberté de conscience au Grand Orient de France, c’est immédiatement aborder la question spirituelle, et au-delà, la question religieuse.

Tout était dit. Tout reste vrai.

Des travaux de Pierre Bayle, un homme de robe qui pose les bases éthiques de la séparation de la sphère publique et de la sphère privée à la fin du 17e siècle, jusqu’à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui dispose que

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi », l’idée que l’homme peut être son propre maître et disposer de ses idées mais aussi de son corps, fait son chemin dans un contexte où le clergé catholique dicte à la conscience, aux âmes et à la morale.

Au moment où Desmons fait son discours à la tribune du Grand Orient de France, la IIIe République est balbutiante, mais au sortir du Second Empire qui fait suite à la Deuxième République, en pleine révolution industrielle, la société se débat dans une aspiration à des libertés publiques qui enfin, émanciperaient autant l’homme que le groupe. Le sens du progrès est évident : sortir les individus et les sociétés de la tutelle spirituelle et politique pour les conduire vers un monde de responsabilité et de discernement.

Tel est le sens du progrès. Partir dans l’autre sens, c’est régresser.

Si Joaben publie des travaux spéculatifs et de haute tenue, c’est pour entretenir la flamme au sommet du phare de la liberté qui

(9)

brille dans la nuit. Mais notre message est, en réalité, de combat et se fait plus urgent : nous sentons bien que la flamme vacille et que la liberté absolue de conscience fait l’objet d’attaques violentes depuis le début de ce siècle. Tandis qu’on met des stations spatiales en orbite autour de la terre, les créationnistes remettent en cause la théorie de l’évolution de l’espèce et des imams affirment que la terre est plate et censurent les comportements les plus quotidiens de ceux qui les écoutent.

Et si le libre arbitre traduit la capacité à faire ses propre choix, s’appliquant aussi bien au corps qu’à la pensée, il y a lieu de se révolter que dans certains endroits de la planète, des pays établissent des lois meurtrières, absurdes et iniques pour punir des comportements sexuels qu’ils jugent contre nature ou scénographient avec indécence la mise à mort de la femme adultère.

Résurgence de la contrainte sur les idées, de la contrainte sur les choix de vie, de la contrainte sur la sexualité : les sujets qui doivent mobiliser les francs-maçons ne manquent pas.

Il y a vingt ans, en conclusion d’un ouvrage dans lequel je voulais communiquer ma passion de la République, je rappelais cette magnifique adresse du Grand Orient de France à la Révolution en cours, le 5 janvier 1792 : « Les temps de l’ignorance sont passés, le flambeau de la philosophie et de la raison brille aux yeux de l’univers, et la maçonnerie ne peut que s’applaudir d’avoir contribué à écarter les nuages qui obscurcissaient la lumière. » La victoire ainsi décrite il y a deux cent vingt-cinq ans était-elle si fragile ? Je ne veux pas le croire.

Des nuages réapparaissent, qui obscurcissent la lumière. Il est temps de se lever et dans un souffle humaniste, puissant, à l’unisson, de les écarter de toutes nos forces.

Philippe Guglielmi Très Sage & Parfait Grand Vénérable

(10)

d’un Souverain Chapitre de Rite français

(11)

S ommaire

Directeur de la publication : Philippe GUGLIELMI Rédacteur en Chef : Jean XECH

Rédacteur en Chef Adjoint : Christophe DEVILLERS

Toute reproduction, par quelque moyen que ce soit, des articles publiés dans Joaben est soumis à l’accord préalable du Directeur de la publication.

Les articles soumis pour publication sont à adresser, sur support informatique accompagné d’un exemplaire papier au Grand Chapitre Générale du Grand Orient de France.

Maquette, réalisation, diffusion : Conform Edition 3, rue Darboy 75011 Paris - Tél. : 01 48 07 55 87 Site internet : www.conform-edition.com Avertissement au lecteur

Sauf indication contraire, la revue Joaben détient les droits des articles qu’elle publie. Leur reproduction, utilisation, adaptation, traduction, commercialisation, partielle ou intégrale, sans l’autorisation de la revue est interdite. Pour toute autorisation de publication, prière de prendre contact avec la rédaction en chef.

Destinée à l’information, la revue Joaben n’est pas un document officiel du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France. Ses articles n’engagent en aucune manière, directe ou indirecte, la responsabilité de cette association ni n’impliquent de reconnaissance officielle de sa part. Ils expriment l’opinion de leurs auteurs et non pas nécessairement celle du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France.

Joaben est une revue du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France éditée par Conform édition Conform édition - 3, rue Darboy - 75011 Paris - Tél : 01 48 07 55 87 - courriel : conform.edition@orange.fr

N° ISSN : 2497-8043 / Abonnement sur : www.conform-edition.com ou par courrier postal.

Comité de Direction Philippe GUGLIELMI Jean-Pierre CATALA Paul LEBLANC*

Jean-Pierre LEFEVRE Jean-Charles NEHR Jean-Claude PORSET Comité de rédaction Roger DACHEZ

Cécile REVAUGER Alain SUPPLISSON Samuel TOMEI Représentants des Grands Chapitres Généraux Anouk LEVEN - GCGFF Colette LEGER - GCG GLMF

Éditorial

Philippe Guglielmi

Romus versus Franc-maçonnerie p.11

Gérard Contremoulin

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…) p.25 Michel Eynaud

De la liberté de conscience du Rite Français à l’engagement social p.37 Jean Xech

De la Loi qui interdit la Parole à la Parole qui fait la Loi. p.51 Frédéric Sanche

Du Libre arbitre à la Liberté absolue de conscience, un cheminement p.63 Didier Molines

Libre arbitre et liberté de conscience, modernité des Lumières p.79 Jean-Michel Quillardet

Science sans conscience n’est que ruine du droit p.87 Christophe Devillers

La naissance du Rite Français Féminin au Portugal p.93 Maria Belo

Le Grand Chapitre Général d’Espagne du Rite Français p.97 Anna Garcia

(12)
(13)

Une connaissance lacunaire des relations entre l’église de Rome et la franc-maçonnerie fait dire parfois à certains que la maçonnerie se serait construite contre la religion catholique.

Les mêmes s’offusquent et frisent l’apoplexie aux « A bas la calotte » parfois lancés en fin de Tenue, lorsque les francs-maçons ferment leurs travaux de loge.

Sans vouloir ni justifier ni fustiger cette pratique, il convient de revenir sur cet aspect de l’histoire auquel elle se rapporte.

Entre 40 à 45% de la population déclarent ne pas croire en dieu, ce qui constitue la première « force » en matière de spiritualité. Les 55 à 60% restants se répartissant en une pluralité de religions, il paraît toujours aussi abusif de prétendre que la France est « la fille aînée de l’église » !

Aujourd’hui, le Vatican ne se remet toujours pas de la perte d’influence qu’il a subi à partir du milieu du XIXe siècle, puis avec La Commune de 1871 et surtout depuis la loi de 1905.

Et si elle a fini par l’accepter, c’est au prix d’une lutte qui se

Gérard Contremoulin

r ome verSuS

F ranc -m açonnerie

(14)

poursuit dans l’espoir d’affaiblir toutes ses conséquences, particulièrement dans les domaines de l’école et des mœurs.

Dans l’opposition entre Rome et la Franc-Maçonnerie, il convient de ne pas inverser les rôles...

A partir du pontificat de Clément XII, et particulièrement depuis 1738, le Vatican ostracise les francs-maçons avec une grande virulence, en mettant en œuvre des interdits qui en disent long sur la manière dont il considère la liberté de conscience. Et malgré quelques (rares) tentatives d’inflexion au cours des deux derniers siècles, ces interdits subsistent toujours, 278 ans après.

Alors, les « A bas la Calotte » peuvent être considérés aussi comme un rappel de la nécessaire défense du principe de Liberté de Conscience, que réfute l’église catholique !

Dans cette opposition, le Vatican aura des alliés. Lénine, Zinoviev, Trotski à partir de 1917 et la construction de la 3e Internationale, le Kominterm. Puis avec les fascistes, les nazis avec Hitler, Mussolini, Franco et Pétain !

Toujours le principe de la Liberté de Conscience... Alors faisons un petit retour sur l’histoire...

Rappels chronologiques. (Réalisés à partir du site « les voies libres »)

Le 24 juin 1717, 4 loges se réunissent et fondent la première obédience de la franc-maçonnerie spéculative, la « Grande Loge de Londres et de Westminster ».

Il ne faudra pas attendre longtemps pour que le Vatican réagisse. Le pape Clément XII condamne sans nuance la franc- maçonnerie qui commence à se répandre sur le vieux continent à partir de 1728.

Le 28 avril 1738, dans la bulle In eminenti apostolatus specula le pape Clément XII condamne « ces dites sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules appelés de Francs- Maçons, ou connus sous toute autre dénomination et défend en vertu de la sainte obéissance, à tous et à chacun des fidèles de Jésus-Christ, de quelque état, grade, condition, rang, dignité et prééminence qu’ils soient, laïques ou clercs, séculiers ou

(15)

réguliers, méritant même une mention particulière, d’oser ou de présumer, sous quelque prétexte, sous quelque couleur que ce soit, d’entrer dans lesdites sociétés de Francs-Maçons ou autrement appelées, ou de les propager, les entretenir, les recevoir chez soi ; ou de leur donner asile ailleurs et les cacher, y être inscrits, agrégés, y assister ou leur donner le pouvoir et les moyens de s’assembler, leur fournir quelque chose, leur donner conseil, secours ou faveur ouvertement ou secrètement, directement ou indirectement, par soi ou par d’autres, de quelque manière que ce soit, comme aussi d’exhorter les autres, les provoquer, les engager à se faire inscrire à ces sortes de sociétés, à s’en faire membres, à y assister, à les aider et entretenir de quelque manière que ce soit, ou leur conseiller : et Nous leur ordonnons absolument de s’abstenir tout à fait de ces sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules, et cela sous peine d’excommunication à encourir par tous, comme dessus, contrevenants, par le fait et sans autre déclaration... »

Et il précise notamment :

« La rumeur publique Nous a appris que certaines sociétés appelées communément Libres ou Massons se développent de jour en jour. Des hommes, sous le couvert d’une sorte d’honnêteté naturelle, s’associent par un pacte aussi strict qu’impraticable, selon des lois et des statuts, qu’ils ont eux- mêmes élaborés ; en même temps, ils agissent en secret et soit sous serment juré sur la Sainte Bible, soit sous la menace de graves sanctions, ils s’astreignent à couvrir leurs actions par un silence inviolable. Mais la nature même de ce crime est telle qu’elle se trahit elle-même... S’ils ne faisaient rien de mal, ils n’auraient certainement pas une si grande haine de la lumière ».

La bulle ne sera pas appliquée en France car le Parlement refuse de l’enregistrer. Néanmoins, elle constitue aujourd’hui encore le droit canonique applicable en matière de franc-maçonnerie.

Le 18 mai 1751, la bulle Providas Romanorum Pontificium de Benoît XIV confirme la bulle In eminenti de Clément XII qui condamne la Franc-maçonnerie.

En fait, l’Église catholique reproche à la franc-maçonnerie d’usurper ses propres prérogatives par des principes spirituels et un caractère religieux, raison pour laquelle certains pays

Rome versus Franc-Maçonnerie

(16)

catholiques n’ont jamais autorisé la franc-maçonnerie. En France, en revanche, puisque les différentes bulles pontificales ne sont pas enregistrées par les parlements, l’ordre s’épanouira à la suite du courant athée de la Révolution française.

Le 25 décembre 1775, la bulle Inscrutabili divinae sapientiae du pape Pie VI condamne les nouvelles idées, notamment l’irréligion, l’impiété et l’athéisme, sans nommer la franc-maçonnerie, et rappelle le pouvoir et la primauté absolus du pape.

Le 13 mars 1826, la lettre apostolique Quo graviora du pape Léon XII condamne la société des francs-maçons et les autres sociétés secrètes :

« Si quelqu’un (ce qu’à Dieu ne plaise) était assez endurci pour ne pas abandonner ces sociétés dans le temps que Nous avons prescrit (1 an), il sera tenu de dénoncer ses complices, et il sera sous le poids des censures s’il revient à résipiscence après cette époque ; il ne pourra obtenir l’absolution qu’après avoir dénoncé ses complices, ou au moins juré de les dénoncer le plus tôt possible... »

En 1838, les évêques belges condamnent la franc-maçonnerie et interdisent aux catholiques d’y participer ; Léopold Ier (George Chrétien Frédéric Saxe Cobourg Gotha), qui aurait été initié à la Loge bernoise Zur Hofnung 1813, juge cette initiative extrêmement dangereuse.

25 septembre 1865 : allocution consistoriale Multiplices inter de Pie IX condamnant la Franc-maçonnerie, « société perverse d’hommes (...), qui, contenue d’abord dans les ténèbres et l’obscurité, a fini par se faire jour ensuite, pour la ruine commune de la religion et de la Société humaine ».

26 octobre 1865 : le pape reproche à Mgr Darboy d’avoir donné l’absoute au Maréchal Magnan, Grand Maître du Grand Orient, en présence d’insignes maçonniques posées sur cercueil.

1873 : L’encyclique Et si multa de Pie IX condamne moins la maçonnerie que les carbonari et autres sociétés secrètes infiltrées dans les loges.

1877 Le convent du Grand Orient de France considère :

(17)

« les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres et se refuse à toute affirmation dogmatique ».

Sur rapport du Frère Frédéric Desmons, il modifie l’article 1er de sa constitution imposant la croyance en Dieu et en l’immortalité de l’âme, le nouvel article étant ainsi rédigé :

« La franc-maçonnerie, institution essentiellement philanthropique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale universelle, des sciences et des arts et l’exercice de la bienfaisance. Elle a pour principes la liberté absolue de conscience et la solidarité humaine.

Elle n’exclut personne pour ses croyances. Elle a pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité ».

L’invocation au Grand Architecte de l’Univers n’est plus obligatoire ainsi que la présence de la Bible sur l’autel. Chaque loge agit comme elle le souhaite. C’est le principe de la souveraineté des loges.

Le Grand Orient de France est condamné par la Grande Loge de Londres qui l’exclut de l’ordre maçonnique.

Le 20 avril 1884, l’encyclique Humanum genus du pape Léon XIII reproche à la « secte des francs-maçons » son anticléricalisme militant, son adoption du positivisme et du rationalisme, et même son satanisme :

« Depuis que, par la jalousie du démon, le genre humain s’est misérablement séparé de Dieu auquel il était redevable de son appel à l’existence et des dons surnaturels, il s’est partagé en deux camps ennemis, lesquels ne cessent pas de combattre, l’un pour la vérité et la vertu, l’autre pour tout ce qui est contraire à la vertu et à la vérité. Le premier est le royaume de Dieu sur la terre, à savoir la véritable Église de Jésus Christ, dont les membres, s’ils veulent lui appartenir du fond du cœur et de manière à opérer le salut, doivent nécessairement servir Dieu et son Fils unique, de toute leur âme, de toute leur volonté. Le second est le royaume de Satan. Sous son empire et en sa puissance se trouvent tous ceux qui, suivant les funestes exemples de leur chef et de nos premiers parents, refusent d’obéir à la loi divine et multiplient leurs efforts, ici, pour se passer de Dieu, là pour agir directement contre Dieu (...) A notre époque, les

Rome versus Franc-Maçonnerie

(18)

fauteurs du mal paraissent s’être coalisés dans un immense effort, sous l’impulsion et avec l’aide d’une Société répandue en un grand nombre de lieux et fortement organisée, la Société des francs-maçons. Ceux-ci, en effet, ne prennent plus la peine de dissimuler leurs intentions et ils rivalisent d’audace entre eux contre l’auguste majesté de Dieu. C’est publiquement, à ciel ouvert, qu’ils entreprennent de ruiner la sainte Église, afin d’arriver, si c’était possible, à dépouiller complètement les nations chrétiennes des bienfaits dont elles sont redevables au Sauveur Jésus Christ (...) Le but fondamental et l’esprit de la secte maçonnique avaient été mis en pleine lumière par la manifestation évidente de ses agissements, la connaissance de ses principes, l’exposition de ses règles, de ses rites et de leurs commentaires auxquels, plus d’une fois, s’étaient ajoutés les témoignages de ses propres adeptes. En présence de ces faits, il était tout simple que ce Siège apostolique dénonçât publiquement la secte des francs-maçons comme une association criminelle, non moins pernicieuse aux intérêts du christianisme qu’à ceux de la société civile. Il édicta donc contre elle les peines les plus graves dont l’Église a coutume de frapper les coupables et interdit de s’y affilier (...) dans l’espace d’un siècle et demi, la secte des francs-maçons a fait d’incroyables progrès.

Employant à la fois l’audace et la ruse, elle a envahi tous les rangs de la hiérarchie sociale et commence à prendre, au sein des États modernes, une puissance qui équivaut presque à la souveraineté. De cette rapide et formidable extension sont précisément résultés pour l’Église, pour l’autorité des princes, pour le salut public, les maux que Nos prédécesseurs avaient depuis longtemps prévus. On est venu à ce point qu’il y a lieu de concevoir pour l’avenir les craintes les plus sérieuses ; non certes, en ce qui concerne l’Église, dont les solides fondements ne sauraient être ébranlés par les efforts des hommes, mais par rapport à la sécurité des états, au sein desquels sont devenues trop puissantes, ou cette secte de la franc-maçonnerie, ou d’autres associations similaires qui se font ses coopératrices et ses satellites(...) ce qui n’est ni moins horrible ni plus supportable, c’est de voir répudier les bienfaits miséricordieux acquis par Jésus Christ, d’abord aux individus, puis aux hommes groupés en familles et en nations : bienfaits qui, au témoignage des ennemis du christianisme, sont du plus haut prix. Certes, dans un plan si insensé et si criminel, il est bien permis de reconnaître

(19)

Rome versus Franc-Maçonnerie

la haine implacable dont Satan est animé à l’égard de Jésus Christ et sa passion de vengeance (...) Demandons à la Vierge Marie, Mère de Dieu, de se faire notre auxiliaire et notre interprète. Victorieuse de Satan dès le premier instant de sa conception, qu’elle déploie sa puissance contre les sectes réprouvées qui font si évidemment revivre parmi nous l’esprit de révolte, l’incorrigible perfidie et la ruse du démon. Appelons à notre aide le prince des milices célestes, saint Michel, qui a précipité dans les enfers les anges révoltés

; puis saint Joseph, l’époux de la Très Sainte Vierge, le céleste et tutélaire patron de l’Église catholique et les grands apôtres saint Pierre et saint Paul, ces infatigables semeurs et ces champions invincibles de la foi catholique. Grâce à leur protection et à la persévérance de tous les fidèles dans la prière, Nous avons la confiance que Dieu daignera envoyer un secours opportun et miséricordieux au genre humain en proie à un si grand danger. »

En 1887 Charles Fauvety, du Grand Orient de France, publie La Religion laïque ; issu du protestantisme libéral, il recherche une harmonie entre la religion et la raison, ne conservant Dieu que dans un sens panthéiste et ne considérant l’immortalité de l’âme que comme une probabilité.

19 mars 1902 : Léon XIII condamne la franc-maçonnerie (lettre apostolique Annum ingressi).

1903 : Léon XIII écrit un exorcisme contre les ennemis de l’Église.

Léon XIII est aussi le pape de l’encyclique « Rerum Novarum » (15 mai 1891) qui définit la doctrine sociale de l’église. Le syndi- calisme chrétien se constituera sur cette base.

Le 27 mai 1915, le pape Benoît XV approuve le canon 2335 par lequel sont excommuniés latae sentenciae (par le fait même) ceux qui donnent leur adhésion à une secte maçonnique ou à des sociétés secrètes qui se livrent à des complots contre l’Église ou des pouvoirs civils légitimes.

Le 27 mai 1917, par la bulle Providentissima, Benoît XV promulgue le Codex Juris Canonici (nouveau code de droit canonique élaboré par Pie X et Pietro Gasparri, qui entre en vigueur le jour de la Pentecôte 1918 soit le 19 mai) appelé aujourd’hui Codex

(20)

Iuris Senior. Selon le code de droit canonique : « 2335. Ceux qui donnent leur nom à une secte maçonnique ou à d’autres associations du même genre qui complotent contre l’Eglise ou les pouvoirs civils légitimes, contractent par le fait même une excommunication simplement réservée au Siège apostolique. » Le 16 mai 1921, le président Alexandre Millerand (initié à la Loge L’Amitié) rétablit les relations diplomatiques avec le Vatican.

Le Vatican a des alliés « objectifs ».

Il ne sera pas la seule organisation à proscrire la franc- maçonnerie. Dans un télégramme adressé aux partis désireux d’adhérer à la 3e Internationale, l’Internationale communiste en 1919, Zinoviev pose 21 conditions.

Il en existe une 22e, non écrite, qui proclame l’incompatibilité d’appartenance avec la franc-maçonnerie. Trotski publiera un texte particulièrement violent contre la franc-maçonnerie dans les Cahiers communistes le 25 novembre 1922.

Du 5 novembre au 5 décembre 1922, se tient le 4e congrès de l’Internationale Communiste : dans une résolution séparée votée à l’unanimité du Congrès, la Troisième Internationale oblige les membres du parti communiste français à choisir entre le parti et la franc-maçonnerie ; un texte de Trotski en expliquant les raisons est publié dans les Cahiers communistes le 25 novembre ; Marcel Cachin et André Marty démissionnent de la franc-maçonnerie.

« Le Congrès charge le Comité Directeur du Parti Communiste français de liquider avant le 1er janvier 1923 toutes les liaisons du Parti, en la personne de certains de ses membres et de ses groupes, avec la franc-maçonnerie. Celui qui, avant le 1er janvier, n’aura pas déclaré ouvertement à son organisation et rendu publique par la presse du Parti sa rupture complète avec la franc-maçonnerie est, par là même, automatiquement exclu du Parti Communiste sans droit d’y jamais adhérer à nouveau, à quelque moment que ce soit. La dissimulation par quiconque de son appartenance à la franc-maçonnerie sera considérée comme pénétration dans le Parti d’un agent de l’ennemi et flétrira l’individu en cause d’une tâche d’ignominie devant tout le prolétariat. Considérant que le seul fait d’appartenir à la franc-maçonnerie, qu’on ait poursuivi ou non, ce faisant, un

(21)

Rome versus Franc-Maçonnerie

but matériel, carriériste ou tout autre but flétrissant, témoigne d’un développement extrêmement insuffisant de la conscience communiste et de la dignité de classe, le 4e Congrès reconnaît indispensable que les camarades qui ont appartenu jusqu’à présent à la franc-maçonnerie et qui rompront maintenait avec elle soient privés durant deux ans du droit d’occuper des postes importants dans le Parti. Ce n’est que par un travail intense pour la cause de la révolution en qualité de simples militants, que ces camarades peuvent reconquérir la confiance complète et le droit d’occuper dans le Parti des postes importants.

Le 28 mars 1937, à Pâques, Pie XI (1922-1939) publie l’encyclique Nos es muy conocido (Il nous est bien connu) stigmatisant la persécution religieuse au Mexique depuis l’adoption de la constitution de 1917, jugée maçonnique par l’Église.

1940. Le 10 mai, Winston Churchill (initié à la franc-maçonnerie à Studholme Lodge, à Londres en 1901) est nommé Premier Ministre en remplacement de Chamberlain ; il refuse de négocier une paix séparée avec Hitler.

Le 20 juin, 27 parlementaires hostiles à Laval dont Daladier, Mendès-France (initié à la loge Union et Progrès de Pacy-sur- Eure) et Georges Mandel, embarquent au Verdon sur le Massilia, paquebot de ligne réquisitionné par le gouvernement Paul Reynaud, à destination de Casablanca (départ le 21).

Le 24 juin, à Casablanca, les passagers du paquebot Massilia sont consignés dans un hôtel dès leur arrivée. Les députés mobilisés comme officiers, Jean Zay (initié à la Loge Étienne Dolet d’Orléans), Mendès-France, Alex Wiltzer et Pierre Viénot, seront arrêtés pour « désertion devant l’ennemi », rapatriés en métropole et traduits devant le Tribunal militaire de Clermont- Ferrand. Édouard Daladier et Georges Mandel, accusés d’être responsables de la défaite, seront jugés au procès de Riom. Les autres parlementaires ont été autorisés à regagner la France le 18 juillet.

Le 10 juillet, Vincent Auriol (initié à la loge Les Cœurs Réunis à Toulouse), Alexandre Bachelet (initié à la loge L’Étoile Polaire de Batignolles), Camille Bedin (franc-maçon) et Paul Ramadier (initié à la loge La Parfaite Union à Rodez) font partie des 80 députés qui votent contre l’attribution des pleins pouvoirs à Philippe Pétain.

(22)

Le 7 août, Arthur Groussier, président du Grand conseil de l’ordre du Grand Orient annonce la dissolution volontaire de celui-ci.

Le 14 août, une loi interdit les sociétés secrètes, les loges sont dissoutes, leurs biens et archives saisis.

Le 26 août, à la mairie de Fort-Lamy, le gouverneur du Tchad, Félix Eboué (initié en 1922, à la loge La France Équinoxiale à Cayenne), proclame, avec le colonel Marchand, commandant militaire du territoire, le ralliement officiel du Tchad au général de Gaulle.

Du 12 octobre au 30 novembre, une exposition antimaçonnique est présentée au Petit Palais à Paris.

Les années noires de la franc-maçonnerie.

1953 : La promulgation de sa Déclaration de principes place la Grande Loge de France dans une position intermédiaire entre celle du Grand Orient de France et celle de la Grande Loge Nationale Française. Quoique formée partiellement d’agnostiques, elle tient à maintenir de bonnes relations avec l’Église catholique dont elle reçoit parfois des dignitaires à l’occasion de conférences ou de séminaires comme elle le fait avec les représentants des autres religions.

1954 : La Grande Loge de France rétablit l’obligation pour ses loges de travailler en présence d’une Bible ouverte sous l’équerre et le compas ; quelques loges lisent les premiers versets de l’évangile de Jean auquel elle est souvent ouverte, sans aucune obligation.

Le 28 octobre 1958, Angelo Giuseppe Roncalli, est élu pape et prend le nom de Jean XXIII.

Nonce en France en novembre 1944, il entra en amitié avec des hommes politiques tels que le frère Vincent Auriol et Édouard Herriot, maçon sans tablier (non initié) fréquentant les loges et participant à des tenues blanches, entouré de frères.

22 janvier 1961 : Le jésuite Michel Riquet participe à une tenue maçonnique au Grand Orient de France.

En Janvier 1974, il propose, en vain, une réconciliation de l’Église catholique avec la maçonnerie française.

(23)

Rome versus Franc-Maçonnerie

Le 11 septembre 1975, la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi déclare que le canon 2335 ne viserait que les catholiques faisant partie d’associations agissant contre l’Église (il reste cependant interdit aux clercs, aux religieux et aux membres séculiers de faire partie d’une association maçonnique sauf dispense).

Le 26 novembre 1983, alors que le canon 1184 du nouveau code de droit canon (constitution apostolique Sacrae disciplinae legis) ne mentionne pas les francs-maçons parmi ceux auxquels on doit refuser les funérailles catholiques et il ne maintient pas leur excommunication prévue à l’ancien canon 2335, et que le canon 1374 prévoit que « doivent être punis d’une juste peine ceux qui donnent leur nom à une association qui se livre à des complots contre l’Église ; les promoteurs ou dirigeants d’une telle association seront punis par l’interdit. », la Congrégation pour la doctrine de la foi, que préside le cardinal préfet Joseph Ratzinger, rappelle :

« Certains se sont demandés si la pensée de l’Église sur la franc- maçonnerie avait changé parce qu’il n’en est pas fait mention expresse dans le nouveau Code de Droit Canon comme c’était le cas dans l’ancien Code. La Sacrée Congrégation est en mesure de répondre que cet état de fait est dû à un critère utilisé pour la rédaction et qui a été observé également pour d’autres associations, passées de la même façon sous silence, dans la mesure où elles étaient comprises dans des catégories plus larges. Le jugement négatif de l’Église sur la franc-maçonnerie demeure dont inchangé parce que ses principes ont toujours été considérés comme incompatibles avec la doctrine de l’Église ; c’est pourquoi il reste interdit par l’Église de s’y inscrire. Les catholiques qui font partie de la franc-maçonnerie sont en état de péché grave et ne peuvent s’approcher de la Sainte Communion. Les autorités ecclésiastiques locales n’ont pas la faculté d’émettre sur la nature des associations de la franc-maçonnerie un jugement qui entraînerait une dérogation à ce qui est mentionné ci-dessus, conformément à l’esprit de la Déclaration du 17 février 1981 de cette même Sacrée Congrégation. Le Souverain Pontife Jean-Paul II, au cours de l’audience accordée au soussigné le Cardinal Préfet, a approuvé la présente déclaration adoptée au cours de la réunion ordinaire de cette Sacrée Congrégation et en a ordonné la publication. » Donné à Rome, au Siège de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 26 novembre 1983. Joseph Cardinal

(24)

Ratzinger, Préfet Fr. Jérôme Hamer, o.p., Archevêque titulaire de Lorium, Secrétaire.»

Le 26 juin 1985, la Grande Loge Unie d’Angleterre affirme dans son bulletin trimestriel :

« La franc-maçonnerie n’est pas une religion ni le remplacement d’une religion. Elle exige de ses membres la croyance en un Être suprême mais ne fournit aucune méthode de foi par elle- même... Il n’y a pas de Dieu maçonnique. Un franc-maçon reste voué au Dieu de la religion qu’il professe. Les francs-maçons se réunissent dans le respect commun de l’Être Suprême, mais il demeure « Suprême » dans leurs propres religions et ce n’est pas le rôle de la franc-maçonnerie d’essayer d’unir les religions.

Il n’y a pas de Dieu maçonnique composé. »

Le 15 novembre, les cinq obédiences maçonniques françaises lancent un appel à la fraternité avec des associations humanitaires et des représentants de diverses religions, revendiquant le droit à la justice, à la liberté et à l’égalité pour les immigrés.

Les 7 et 8 février 1987, à Toulouse, colloque entre maçons et catholiques.

Le 13 juillet, le synode général de l’Église d’Angleterre qualifie la franc-maçonnerie d’hérétique et juge la pratique maçonnique incompatible avec l’appartenance à l’Église chrétienne.

Situation digne du « flegme britannique » puisque la Reine d’Angleterre est le premier dignitaire de l’église anglicane et son cousin, le Duc de Kent, est le Grand-Maître de la GLUA...

Le 2 mars 2007, le Vatican redit son opposition aux francs- maçons.

« L’appartenance à la Franc-maçonnerie et à l’Église catholique sont incompatibles » aux yeux de l’Église, rappelle Mgr Gianfranco Girotti, régent du tribunal de la pénitencerie apostolique.

Il souligne que « l’Église catholique a toujours critiqué la conception mystique propre à la Franc-maçonnerie, la déclarant incompatible avec sa propre doctrine » et rappelle avec la Congrégation pour la doctrine de la foi que l’adhésion à une loge maçonnique demeure interdite par l’Église. Ceux qui y contreviennent sont en état

(25)

Rome versus Franc-Maçonnerie

de « péché grave » et ne peuvent pas avoir accès à l’eucharistie (Le Figaro, 5 mars 2007).

Le 24 mai 2013, le diocèse d’Annecy annonce que le curé de la paroisse de Megève (Haute-Savoie), Pascal Vesin, a été, « sur demande de Rome », démis de ses fonctions par l’évêque, en raison de son « appartenance active » à une loge maçonnique et parce qu’il a choisi de rester dans la franc-maçonnerie en opposant sa

« liberté absolue de conscience ».

Pour Rome, une double appartenance, quelle que soit l’obédience maçonnique choisie, est impossible. C’était il n’y a pas encore trois années...

La balle est dans le camp de François...

C’est pourquoi je considère qu’en matière de respect de l’autre, ces presque trois siècles d’ostracisme pèsent beaucoup plus lourd dans la balance que quelques « A bas la Calotte » de fin de travaux maçonniques...

« Ad majorem dei gloriam », devise des jésuites...

(26)

Toile de Marie-Anne Lanciaux

( peint en1953 don en 1999 au Musée d’art et d’Histoire Saint-Denis)

(27)

Quel est le siège de la conscience ? Où naît la pensée, se développe-t-elle, se cache-t-elle ? Quel est le centre de gravité de notre esprit ? Quel organe tient-il lieu de cerveau chez les Francs-Maçons ? Ces questions taraudent (?) tous (?) les humains... Si cette réflexion n’est peut-être pas à glisser entre toutes les oreilles, à défaut de réponses un espace dédié à la liberté absolue de conscience, comme Joaben, permet au moins de s’en interroger avec humilité.

LA CONSCIENCE ASSIEGEE

Le siège de la conscience est un sujet qui a préoccupé les maçons depuis les origines. En effet, dès que l’on s’interroge un peu sur l’humain, il ne faut pas être grand clerc pour savoir que la conscience peut être assiégée... Ses assaillants menacent de toutes parts, de l’intérieur comme de l’extérieur.

Michel Eynaud

C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal

(Anna Arendt)

L e Siège de La conScience

deS maçonS

(et deSautreS…)

(28)

En ce qui concerne les ennemis extérieurs, les inventeurs de l’Obédience au début du 18e siècle, avaient prévu deux remparts : le règlement général et le rituel. La règle était d’éviter tout ce qui peut diviser, notamment la politique et la religion, en les laissant à l’extérieur de l’espace maçonnique. La discipline du rituel (quel qu’il soit, et il y en eut beaucoup), devait créer pour sa part un temps “sacré”, en tout cas protégé. D’abord dans des tavernes provisoirement investies, avant d’ériger et d’y consacrer des temples. Le brouhaha du forum, les parasites du quotidien sont, depuis, supposés abandonnés sur les parvis... et les téléphones portables éteints...

Se protéger des assaillants intérieurs n’est pas une sinécure, et est plutôt un perpétuel combat pour des résultats toujours transitoires. Tout est pourtant fait pour que l’apprenti (et donc tous les maçons) explore ses profondeurs, ses démons intérieurs, désirs, passions et fantasmes, s’y confronte, et les dompte : le cabinet de réflexion et ses maximes, le miroir, le fil à plomb, la pierre brute, le silence, etc. A défaut de les extirper définitivement, les maçons ont décidé de les ensevelir, le temps du rituel, sous des habits supposés les contenir. Il ne s’agit pas là d’un quelconque costume sombre, ni de quelque cordon plus ou moins décoré, mais de l’habit obligatoire du maçon : son tablier et ses gants. Mais attention : canaliser (voire rectifier) ne veut pas dire dénier ou dissimuler !

Cependant, c’est la confrontation fraternelle qui reste la méthode la plus éprouvée pour repérer les “pailles dans nos yeux”, qui polluent nos perceptions. La fraternité sans concession peut en effet contribuer à libérer les assiégés de la conscience. Et c’est le fil à plomb qui devrait être l’outil essentiel de la quête de la conscience des maçons et de tous les humains, même (surtout) les philosophes et les psychanalystes.... ou les politiciens. Car cette logique de l’assiègement, est désormais au coeur de nos sociétés, avec un terrible paradigme : l’ennemi extérieur serait à l’intérieur de la cité, voisin sournois potentiellement hostile.

Face à la mondialisation et aux migrations (celles imposées par l’économie, les guerres, et bientôt le climat), beaucoup pensent leur mode de vie et leur culture menacés. Or tout ce qui touche à la culture atteint aussi la conscience qui s’en nourrit. La question centrale de la cité porte désormais sur ce tout ce qui assaille la conscience, en fait le siège et auquel il faut résister... Le vivre- ensemble semble s’enliser dans la logique de l’attaque et de la

(29)

défense. Nos cités ont-elles surtout besoin de remparts ou de ponts-levis ? de replis ou de rencontres ? de confrontations ou de coopérations ? Le siège de la conscience n’est pas un sujet uniquement maçonnique...

LA CONSCIENCE ASSISE

Pour certains maçons, confondant le signifiant et le signifié, s’interroger sur le siège de la conscience revient à se demander où s’asseoir. Le niveau de conscience de l’initié serait manifesté par le banc, la chaise ou le fauteuil où siéger... D’une colonne ou d’un chantier à l’autre, d’un plateau à l’autre, l’apothéose serait dans l’accès à l’Orient et ses sièges, conçus et désirés comme des trônes. Les passions parfois déchaînées par la course vers le

“trône de Salomon” indiqueraient donc que la conscience aurait un lien avec les fesses et leurs supports...

Nous reviendrons plus loin sur les liens entre la conscience et les postérieurs, mais il faut bien avouer que les organisations sociales “profanes” (ou cléricales) sont aussi très attentives à la place de chacun comme signifiant de son “importance” à défaut de sa sagesse ou de sa connaissance. L’ordre protocolaire des défilés ou des banquets de la république, des processions de la religion, l’ordre des prises de paroles, tout comme les sièges réservés dans les grandes premières de spectacles en sont autant d’indicateurs. Et chacun sait que la “vedette” chante ou discourt en dernier. Les anciens polynésiens le pratiquaient déjà, dont les enceintes des “marae”, structurés par divers “tabous”, dédiaient aux dieux invoqués “l’autel”, tandis que les participants disposaient de pierres réservées pour s’y asseoir en fonction de leur lignée, leur rang social ou initiatique.

Le siège de la conscience, est donc associé à une place qu’on lui assigne en fonction de règles sociales. Mais la conscience elle- même, où est-elle ? Entre ceux qui ont exploré l’anatomie du corps des humains, et ceux qui ont brassé les mystères du pur esprit, il y a ceux qui ont tenté toutes les synthèses possibles, attribuant un siège à l’âme dans une de nos glandes (l’épiphyse pour Descartes), et ceux qui pensent avec Freud que la question est ailleurs (« L’inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité » écrit-il dans « l’interprétation des rêves »). Il nous faut donc aller plus loin dans l’exploration des lieux de la conscience.

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…)

(30)

LA CONSCIENCE ANATOMIQUE

La Maçonnerie adogmatique, fille des Lumières, se place sous les auspices de la liberté absolue de conscience, s’exprimant à travers une raison éclairée. En théorie... A suivre la vie des Loges et des Obédiences, des frères et soeurs, on est parfois fondé à se demander où peut donc bien se loger cette pensée que nous sommes supposés utiliser et maîtriser pour comprendre le monde et contribuer à l’améliorer. Beaucoup de philosophes se sont posé la même question, et il faut bien avouer que les réponses divergent ! Mais ce n’est pas une raison pour ne pas nous la poser de nouveau : si la conscience s’exprime au travers des jeux de la parole et de la pensée, où se niche donc cette pensée, quels sont ses lieux d’existence (ou d’occultation) ? La pensée et le cerveau

Les philosophes grecs et romains assimilaient la pensée à un discours. Aujourd’hui, la pensée est un terme générique pour désigner tous les phénomènes mentaux conscients : analyser une situation, des objets, faire des rapprochements entre des faits... Le cerveau n’a pas toujours eu l’importance que nous lui accordons : les égyptiens le retiraient des momies et ne le conservaient pas. La pensée était plutôt localisée du côté du coeur, envisagé comme le siège des émotions. Démocrite était partisan d’une âme sous forme de particules dispersées dans le corps. Il faut attendre Galien au IIe siècle pour que le cerveau s’impose comme lieu de la pensée, nichée en son centre dans les ventricules cérébraux, le reste n’étant qu’enveloppe de protection.

Au 17e siècle Descartes mettra la glande pinéale en avant. Elle était le lien entre l’âme et le corps : pour lui la perception est le fait des esprits animaux qui animent le corps, agissant sur l’âme, d’essence spirituelle, au moyen de la glande pinéale. Mais c’est au début du 19e siècle que les choses semblent se fixer et se médicaliser : « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile » écrit Cabanis en 1802.

De nos jours, peu de gens doutent que le siège de la pensée est le cerveau. C’est à dire un ensemble complexe mais organisé de réseaux neuronaux, câblés entre eux et communiquant via des neuromédiateurs, dont la Dopamine (impliquée dans le plaisir et le bien-être) et la Sérotonine (impliquée dans l’humeur), et

(31)

bien d’autres. Les pensées conscientes sont produites dans la partie la plus récente du cerveau (dans l’évolution des espèces) : le néo-cortex, permettant perceptions, prise de conscience, rai- sonnement, langage, mouvements volontaires, etc. Une incita- tion à l’humilité : la pensée n’est que le grésillement de neu- rones, produit par des échanges de molécules chimiques.

L’humilité est encore plus de mise si on considère qu’une bonne partie de nos phénomènes cérébraux sont automatiques et inconscients : captation de sensations, stockage, comparaison à des traces de mémoire, réaction réflexe, etc. Ce n’est pas que l’avis des neurophysiologistes, c’est aussi celui des psychana- lystes : il n’y a rien de plus important que ce que nous avons refoulé dans notre inconscient, qui influence tous nos choix, nos émotions, nos pensées, sans que nous nous en apercevions...

sauf indirectement dans nos rêves, et sauf sur le divan des psy- chothérapeutes. Nos ne sommes pas totalement des êtres de raison, et une bonne partie de nos actes est dictée par des fan- tasmes archaïques ou des automatismes autonomes... Mais pas tout : nous sommes aussi des êtres de parole et de culture.

Intelligence des signes

C’est le philosophe Ludwig Wittgenstein qui sort la pensée de son carcan physique cérébral au 20e siècle : pour lui la pensée est une activité qui utilise des signes. Pas de lieu où l’enfermer, sauf la bouche qui parle, et le papier qui reçoit l’écriture. L’important, ce n’est pas la réalité matérielle, mais ce qu’on en dit, sa description.

On entre là dans l’intelligence des symboles, que nous avons à intérioriser et faire vivre, pour faire exister le monde. Une part de liberté et de créativité, qui nous permet d’exprimer et de maîtriser nos mondes intérieur et extérieur, et en même temps le risque de nouveaux carcans, ceux des systèmes symboliques clos, des dogmatismes. Les historiens (sérieux) des religions le savent bien. Les maçons aussi.

Mais la pensée est placée dans bien d’autres lieux que les tréfonds de notre cerveau et de nos consciences, de nos inconscients ou de nos paroles.

La pensée et le coeur

Pas mal d’expressions associent la pensée et le coeur. C’est le cas de nombre de citations bibliques, et de représentations

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…)

(32)

populaires : le coeur y est conçu comme le siège des émotions, des sentiments, de l’amour, quand ce n’est pas celui de la pensée et du jugement, voire de la volonté. Et bien sûr de la spiritualité.

L’apôtre Paul utilise le mot coeur pour désigner la conscience morale (« les yeux du coeur » Ephésiens 1:18). Les mystiques vivent donc bien une intelligence du coeur que ne partagent pas les physiologistes... encore que l’on sache que le coeur soit doté d’un important réseau de neurones, qui régulent ses battements en fonction de nos efforts... et de nos émotions...

Intelligence du ventre

Les expressions populaires avaient déjà eu cette intuition (ne dit-on pas qu’une émotion est « restée sur l’estomac », ou qu’on a « des tripes »...). Des études scientifiques affirment maintenant que nous serions dotés d’un « 2e cerveau », dans notre ventre... En effet, nos intestins sont dotés eux aussi de quelques centaines de millions de neurones, qui n’hésiteraient pas à se connecter, au besoin, aux autres neurones (centraux dans le cerveau ou délocalisés dans diverses parties du corps), mais qui vivraient leur vie autonomement la plupart du temps.

C’est encore de l’inconscient, mais s’occuper de digérer tout ce que nous ingérons, et nous protéger des microbes hostiles qui vont avec, est un sacré travail « intellectuel » dont dépend notre survie... sans compter les cent milliards de bactéries que nous abritons, et dont l’activité est tout aussi essentielle pour notre équilibre physique et psychique.

Encore de l’humilité à cultiver devant notre dépendance à ces neurones et ces bactéries qui nous gouvernent et sur lesquelles nous avons peu de prise.

Intelligence des fesses

Récemment, des scientifique de l’Université d’Oxford ont trou- vé d’étranges corrélations. Les femmes dotées d’un postérieur large et rebondi auraient une meilleure efficience intellectuelle que les autres, ainsi qu’une meilleure santé. En fait, leur taux de glucose et de cholestérol dans le sang étaient plus bas, ex- pliquant leur meilleure santé physique et psychique. La pensée n’est jamais complètement séparable du corps, et on peut se demander si les fesses ne sont pas aussi un des lieux de l’intel- ligence...

(33)

On le voit, on s’enfonce toujours plus loin dans les divers recoins de notre corps, et les psychanalystes ont bien raison, c’est l’inconscient qui nous domine ! Mais si beaucoup de processus sont automatiques et inconscients, la machine à penser ne tourne pas toujours très « rond ».

LES PATHOLOGIES DE LA PENSEE

Du côté du cerveau, tout ne marche pas forcément comme prévu... Certains enfants naissent viables sans cerveau, la médecine porte le diagnostic d’anencéphalie. Ils n’ont qu’une brève vie végétative, et ne font généralement qu’une courte apparition parmi les humains. Ils sont privés de pensée consciente, mais l’intelligence de leur corps les fait survivre plus ou moins longtemps.

De nombreuses pathologies peuvent altérer le cerveau et la pensée. Qu’on se rassure nous n’allons pas s’égarer dans un cours de neurologie sur toutes les encéphalopathies, ni de psychiatrie avec un inventaire de tous les troubles psychiques.

Il s’agit seulement de s’interroger sur quelques usages de nos facultés cognitives, où la pensée va s’égarer dans quelques autres localisations. De haut en bas je vous propose une visite de la psychopathologie des “encéphalogastres”, “encéphalobit(e)s”,

“encéphalopodes” et “encéphalobibles”.

Encéphalogastres

Nous avons vu que nous aurions tous un 2° cerveau dans le ventre, qui fonctionne en toute indépendance de l’autre cerveau, qui est ainsi déchargé de tâches aussi ingrates qu’essentielles. Ils sont seulement reliés, ce qui peut parfois occasionner quelques parasites réciproques. Chez les “encéphalogastres”, il n’y a plus qu’un seul cerveau, et c’est celui du ventre. Chez les maçons, le but des Tenues et Conseils s’y réduit à accumuler des adresses pour remplir des carnets qui pourront servir tout de suite pour faire du bizness, ou plus tard pour obtenir quelque information, faveur ou avantage. Les porteurs de cette affection pratiquent une maçonnerie dénommée comme “alimentaire”, même s’ils ne se contentent pas de banqueter, et quoique l’agape soit essentielle pour traiter des affaires en cours...

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…)

(34)

Il en existe une variante, où l’important est de se gaver : de grades, de titres, de fonctions, de plateaux. Dès qu’il passe à portée d’un plateau ou d’un maillet, le céphalogastre “bave”

dessus. Mais à peine obtenu, il a du mal à le digérer...Il se déçoit vite, se met à lorgner sur un autre. Il élimine alors dès qu’il peut ses précédentes conquêtes dans une grande diarrhée nauséabonde de ressentiment... avant d’aller se gaver de nouveaux plateaux ou maillets dans la cambuse d’à côté... qu’il rejoint ou qu’il invente. Et ainsi de suite.

Encéphalobit(e)s

Attention, quand cette pathologie de la pensée se conjugue au masculin, elle concerne tous les humains, mais au féminin, elle est surtout réservée à la gent masculine.

Au masculin, “l’encéphalobit” voit le monde en 2 dimensions, 2 bits : 0 et 1, comme en informatique. Tout est blanc ou noir, bon ou mauvais, masculin ou féminin, traditionnel ou hérétique, français de souche ou immigré menaçant, etc (chacun saura compléter). Chez les maçons, ce sont ceux qui restent figés à la périphérie du pavé mosaïque, incapables de s’engager dans les chemins sinueux de la quête du ternaire, qui pourrait synthétiser, dépasser, recadrer, recréer. Ils jugent, en général sévèrement, les autres, affectés à l’une de leurs catégories cloisonnées, et campent dans leur psychorigité défensive : pas question de risquer le compromis ou l’incertitude. La certitude impose le clivage et l’opposition.

Au féminin, pour sa part, “l’encéphalobite” ne perçoit le monde qu’à travers son pénis, où se concentrent toutes ses pensées conscientes et inconscientes. L’univers se limite aux cycles de sa jouissance personnelle. Toute rencontre est celle d’une proie potentielle, dans la rue, au travail ou en loge. Il saute sur tout ce qui bouge, séduit, soumet ou possède, utilise, avant de vite passer à la proie suivante pour ne pas avoir à rendre compte. Eventuellement, il se transforme en gourou, et son phallus se transforme en instrument “initiatique” plus souvent aliénant que libérateur.

Encéphalopodes

Les céphalopodes sont une espèce connue dans le monde animal, avec les pieuvres et les calamars, qui ont la tête aux pieds

(35)

(ou vice-versa). Pour se nourrir “l’encéphalopode” humain se cache, pour mieux surprendre. Il immobilise de ses bras plein de ventouses avides, ou camoufle sa fuite en s’entourant d’un épais nuage d’encre. L’important dans cette psychopathologie, n’est pas d’être intelligent, mais plutôt d’être malin, et surtout aussi peu visible que possible.

“L’encéphalo-gastéropode” a pour a part à la fois le cerveau et l’estomac dans les pieds. Chez les maçons cette espèce se présente sous 2 variantes.

La variante “soumise”, pour laquelle le chemin est tracé par une hiérarchie rassurante, qui indique le chemin et vérifie qu’il se déroule dans la bonne direction. La pensée est au service d’une “carrière” que l’on remet entre les mains de Grands Hiérophantes, de Grands Inspecteurs, ou autres autorités auxquelles on se soumet.

L’autre variante est de type « courtisan », pour laquelle le chemin dépend plutôt de la salive que l’on étale dans la bonne direction, de la bave que l’on sacrifie à son projet. On prend y prend le temps qu’il faut, mais on se faufile, se contorsionne, on se glisse... discrètement.

Encéphalobibles

Dans cette forme de pathologie, la pensée n’est plus localisée dans quelque partie du corps mais dans des livres et publications extérieures, glanées au fil des rencontres. Les questions que l’ont pourraient s’inventer soi-même comptent moins que les réponses déjà écrites par d’autres. On ne pense pas, on cite;

on ne réfléchit pas, on répète, on récite... Les formes en sont nombreuses, classiques avec la récitation de versets de tel ou tel livre sacré, ou la référence à tel auteur, maître ou gourou. J’ai une pensée particulière pour les Témoins de Jéhovah qui se sont dévoués pendant des années pour m’amener des réponses déjà écrites dans leurs revues, à des questions que je ne me posais pas, et que j’embarrassais tellement avec mes raisonnements iconoclastes.

Une forme moderne est l’art du “copié-collé» de textes ramassés sur Internet. Dans ce domaine Wikipédia est un grand pourvoyeur de planches maçonniques, de devoirs de philosophie ou d’articles de vulgarisation... en dépit de l’incerti-

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…)

(36)

tude de ses sources et de l’anonymat de ses auteurs... Sans oublier ces innombrables blogs, aux choix conspirationnistes, révisionnistes, manipulatoires, ou parfois humoristiques, déversant des tonnes de fausses informations, “hoax” et autres nouvelles fausses ou tronquées. Bien souvent ces (dés) informations sont reprises sans critique par des cohortes de lecteurs qui prennent tout au premier degré et renoncent à vérifier, recouper, remonter aux sources, bref qui renoncent à leur discernement. Cette pathologie est en forte croissance, et de plus en plus dématérialisée, déshumanisante : l’inflation des messages dont les humains sont bombardés par les médias ou les réseaux sociaux sature la conscience avec grand bruit de fond. Dans la profusion des messages qui s’entrecroisent, on ne sait plus qui parle à qui, ni de quoi. Les statistiques pleuvent, les sondages s’alternent, les “avatars” et les “pseudos” s’affichent.

Les personnes disparaissent derrière des images, les migrants sont des chiffres, la réalité une accumulation d’indicateurs et d’index. Cette pathologie contribue cependant à la prospérité des webmestres et des comptables.

Une forme maçonnique particulière parasite les Convents de certaines Obédiences et parfois les colonnes de certaines loges.

L’”encéphalobible” y sévit avec son règlement général sur les genoux, lisant et relisant ses articles pour mieux contester les procédures, mieux parasiter les discussions avec des appréciations de forme plutôt que des productions de fond, préparant une énième modification du règlement général pour préciser une sémantique jamais assez satisfaisante. Adeptes des vieilles méthodes trotskystes pour plomber les assemblées générales, ou esclaves d’une passion triste de sodomite de diptère, quand ce n’est pas dépendant d’une obsession textuelle mortifère, ils stérilisent la pensée créatrice au profit de l’argutie morbide.

LA CONSCIENCE PROCESSUS

En dépit de tous les efforts faits pour la circonscrire, la conscience n’est ni un lieu, ni un organe, ni un état, ni une certitude. Elle est processus actif. Construction. Récit. Il faut donc nous résoudre à l’imperfection de nos constructions intellectuelles.

Le défi toujours renouvelé est de “prendre conscience», ce qui nous situe bien dans un processus d’appropriation et de

(37)

constructions actives. Et ceci n’est pas le fruit d’un flux continu, d’une inspiration permanente, mais plutôt une production qui germe comme elle peut au milieu d’un bouillon incertain semé de fragmentations et de recompositions.

Cette construction se nourrit de nos perceptions et de nos rencontres. Celles-ci peuvent nous “remettre en question” et nous renouveler. Mais nous faisons beaucoup d’efforts pour qu’elles se contentent de nous conforter, nous rassurer. La conscience est en fait d’abord un filtre : on filtre ce que l’on perçoit en fonction de ce qu’on a appris de ses expériences précédentes et des mots disponibles pour le décrire. On sélectionne les morceaux de mémoire que l’on croit utiles (ou ressent agréables). Avant que de percevoir, on croit savoir...

et on vérifie...

Cette construction de la conscience (réflexive) s’érige avec les mots puisés dans la langue et la culture de chacun, qui s’organisent en récits, alimentant une mémoire, avant d’engendrer une histoire et peut-être un destin. Ce sont ces matériaux qui donnent du sens à l’existence, de la consistance à l’identité. L’objet de toute culture, religion ou discours, est de construire ce sens et cette identité individuelle et collective.

La conscience ne peut donc être qu’une expérience fragile, incertaine, mouvante. Interprétée mais jamais fidèlement.

Partageable mais jamais complètement, et donc porteuse d’incompréhensions (parfois qualifiées de “folie”).

Il n’y a donc pas de conscience sans illusion, de pensée sans préjugé, de connaissance sans erreur. La prise de conscience est une conquête toujours fragile. Comme dans la démarche scientifique, l’important est des s’autoriser à l’expérience, mais pour la confronter à d’autres expériences, les siennes ou celles de ses semblables. On a droit à l’erreur, et on n’est pas coupable de se tromper, pourvu que l’on ne soit pas imperméable aux leçons de ses essais. Pourvu que l’on accepte l’autre et son regard autre, ses expériences autres, sa parole autre. Pourvu que l’on s’accepte sans avoir besoin de falsifier, ni l’histoire, ni les textes, ni ce qu’on est. … L’expérience de la confrontation, la dynamique de la perfectibilité sont plus essentielles que l’apparence (ou le discours) de la perfection…

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…)

(38)

CONCLUSION

Le questionnement qui nous a préoccupés ne peut que se poursuivre. Si la conscience peut se nicher ou s’égarer dans maints espaces physiologiques, psychologiques, sociaux, son exploration impose d’écouter ses propres pensées et expériences, d’où qu’elles viennent, sans censure, mais avec une constante humilité et un permanent effort de discernement.

Pour qu’il s’épanouisse et se perpétue, le processus de la conscience nécessite néanmoins que l’on soit capable de supporter l’ambiguïté, valoriser la conflictualité, interroger l’incertitude, traverser les ruptures, sécréter la nouveauté, et bien d’autres défis encore. Ce n’est jamais simple, mais la complexité n’empêche pas l’engagement...

« Aude sapere » dit Emmanuel Kant, « Osez savoir ! »

Médaille éditée

pour la 13ème fête annuelle de l’adolescence par les Loges parisiennes le 9 mai 1909

(collection privée)

(39)

« Le symbole rend l’homme à sa majorité, en le libérant des scories de la croyance et en le confrontant à sa liberté. Mais en ces temps de détresse, est-il beaucoup de maçons pour relever ce défi ? » Charles Porset 1995

Notre regretté Charles, dixuitièmiste reconnu s’inscrivait par ces lignes dans la veine d’Emmanuel Kant, philosophe marquant du siècle des Lumières.

L’hypothèse novatrice proposée par Kant, considère l’homme en tant qu’unité potentiellement capable d’accéder au savoir par lui-même et apte à atteindre la « majorité » intellectuelle alors que le constat social montre que beaucoup y renoncent et restent des « mineurs » asservis.

Doit-on considérer que tous hommes ont la capacité de devenir libres, d’accéder à leur majorité ou bien la plupart sont-ils au contraire inaptes à la liberté, incapables de penser et d’agir par eux-mêmes, comme le laisserait entendre le fait que le plus grand nombre est sous la dépendance du plus petit nombre ?

Jean Xech

d e La Liberté de conScience

du r ite F rançaiS

à L ’ engagement SociaL

(40)

Penser que cette soumission est irrémédiable signifierait qu’elle est inhérente à la nature humaine alors qu’elle peut être dépassée si elle résulte d’une histoire.

Pour Kant, la minorité n’est pas une fatalité et tous les hommes peuvent se libérer grâce à l’effort, le courage et la persévérance, alors que les causes de la soumission sont la paresse, la lâcheté et la facilité à être un « suiveur ».

C’est pour cela qu’il reprend le cri d’Horace « Sapere aude » comme devise des Lumières : « Ose savoir » qu’il précise en

« Aie le courage de te servir de ton propre entendement »

Ces combat porté par les Lumières, véritable révolution intellectuelle avant de se concrétiser en révolution sociale, a donné des valeurs émancipatrices aux connaissances acquises par la raison, les sciences, la philosophie et les arts que niait l’obscurantisme religieux tout comme il avait nié l’héliocentrisme Copernicien et condamné Galilée à abjurer « ses erreurs et ses hérésies » au nom de la bible.

Ose penser et évoluer

C’est dans ce souffle libérateur que naît la maçonnerie spéculative Andersonienne dont descendent, par évolutions successives les maçonneries devenues adogmatiques. 1877 pour le GODF lors du convent mémorable où le pasteur Frédéric Desmond obtient un vote favorable dégageant l’obédience de l’obligation de croire en l’immortalité de l’âme et d’invoquer le GADLU, institutionnalisant ainsi la liberté absolue de conscience.

Nous demandons la suppression de cette formule parce qu’elle nous paraît tout à fait inutile et étrangère au but de la Maçonnerie. – Quand une société de savants se réunit pour étudier une question scientifique, se sent elle obligée de mettre à la base de ses statuts une formule théologique quelconque ? – Non n’est-ce pas ? – Ils étudient la science indépendamment de toute idée dogmatique ou religieuse. Ne doit-il pas en être de même de la Maçonnerie ? Son champ n’est-il pas assez vaste, son domaine assez étendu, pour qu’il ne lui soit point nécessaire de mettre le pied sur un terrain qui n’est point le sien ? Non. Laissons aux théologiens le soin de discuter les dogmes. Laissons aux Églises autoritaires le soin de formuler leur syllabus. Mais que la Maçon- nerie reste ce qu’elle doit être, c’est-à-dire une institution ouverte à tous les progrès, à toutes les idées morales et élevées, à toutes les aspirations larges et

Références

Documents relatifs

Malheureusement l’idée d’un veto (pouvant s’exercer 200 ms avant l’exécution du mouvement) proposée ultérieurement par le même Libet, comme une ultime possibilité

Dans ce TP, nous délaissons la fonction rand pour utiliser la fonction grand qui présente l’avantage de pouvoir simuler très simplement l’observation d’un échantillon de N

Première S2 Exercices sur le chapitre 18

En ce début du XXIe siècle le Grand Orient de France, fort de plus de 1 250 loges et de plus de 52 000 membres, hommes et femmes depuis 2010, s’oriente vers une action

C’est donc une liberté funeste que la SIMPLE POSITIVE , et avant de parler des 3 e et 4 e , on reconnaît déjà au parallèle des 1 re et 2 e , qu’il n’y a de bonheur

[r]

Sullivan , A.M. This study examined whe t her instructional TV could produce as high a level of student achievement as live lectures and under what circumstances

Le 8 juin à 18 heures, le général Frère reçoit du général Besson l'ordre d'effectuer dans la nuit le repli sur l'Oise et l'annonce de deux nouvelles divisions : la 5 7 e et l