• Aucun résultat trouvé

deS maçonS

LA CONSCIENCE ANATOMIQUE

La Maçonnerie adogmatique, fille des Lumières, se place sous les auspices de la liberté absolue de conscience, s’exprimant à travers une raison éclairée. En théorie... A suivre la vie des Loges et des Obédiences, des frères et soeurs, on est parfois fondé à se demander où peut donc bien se loger cette pensée que nous sommes supposés utiliser et maîtriser pour comprendre le monde et contribuer à l’améliorer. Beaucoup de philosophes se sont posé la même question, et il faut bien avouer que les réponses divergent ! Mais ce n’est pas une raison pour ne pas nous la poser de nouveau : si la conscience s’exprime au travers des jeux de la parole et de la pensée, où se niche donc cette pensée, quels sont ses lieux d’existence (ou d’occultation) ? La pensée et le cerveau

Les philosophes grecs et romains assimilaient la pensée à un discours. Aujourd’hui, la pensée est un terme générique pour désigner tous les phénomènes mentaux conscients : analyser une situation, des objets, faire des rapprochements entre des faits... Le cerveau n’a pas toujours eu l’importance que nous lui accordons : les égyptiens le retiraient des momies et ne le conservaient pas. La pensée était plutôt localisée du côté du coeur, envisagé comme le siège des émotions. Démocrite était partisan d’une âme sous forme de particules dispersées dans le corps. Il faut attendre Galien au IIe siècle pour que le cerveau s’impose comme lieu de la pensée, nichée en son centre dans les ventricules cérébraux, le reste n’étant qu’enveloppe de protection.

Au 17e siècle Descartes mettra la glande pinéale en avant. Elle était le lien entre l’âme et le corps : pour lui la perception est le fait des esprits animaux qui animent le corps, agissant sur l’âme, d’essence spirituelle, au moyen de la glande pinéale. Mais c’est au début du 19e siècle que les choses semblent se fixer et se médicaliser : « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile » écrit Cabanis en 1802.

De nos jours, peu de gens doutent que le siège de la pensée est le cerveau. C’est à dire un ensemble complexe mais organisé de réseaux neuronaux, câblés entre eux et communiquant via des neuromédiateurs, dont la Dopamine (impliquée dans le plaisir et le bien-être) et la Sérotonine (impliquée dans l’humeur), et

bien d’autres. Les pensées conscientes sont produites dans la partie la plus récente du cerveau (dans l’évolution des espèces) : le néo-cortex, permettant perceptions, prise de conscience, rai-sonnement, langage, mouvements volontaires, etc. Une incita-tion à l’humilité : la pensée n’est que le grésillement de neu-rones, produit par des échanges de molécules chimiques.

L’humilité est encore plus de mise si on considère qu’une bonne partie de nos phénomènes cérébraux sont automatiques et inconscients : captation de sensations, stockage, comparaison à des traces de mémoire, réaction réflexe, etc. Ce n’est pas que l’avis des neurophysiologistes, c’est aussi celui des psychana-lystes : il n’y a rien de plus important que ce que nous avons refoulé dans notre inconscient, qui influence tous nos choix, nos émotions, nos pensées, sans que nous nous en apercevions...

sauf indirectement dans nos rêves, et sauf sur le divan des psy-chothérapeutes. Nos ne sommes pas totalement des êtres de raison, et une bonne partie de nos actes est dictée par des fan-tasmes archaïques ou des automatismes autonomes... Mais pas tout : nous sommes aussi des êtres de parole et de culture.

Intelligence des signes

C’est le philosophe Ludwig Wittgenstein qui sort la pensée de son carcan physique cérébral au 20e siècle : pour lui la pensée est une activité qui utilise des signes. Pas de lieu où l’enfermer, sauf la bouche qui parle, et le papier qui reçoit l’écriture. L’important, ce n’est pas la réalité matérielle, mais ce qu’on en dit, sa description.

On entre là dans l’intelligence des symboles, que nous avons à intérioriser et faire vivre, pour faire exister le monde. Une part de liberté et de créativité, qui nous permet d’exprimer et de maîtriser nos mondes intérieur et extérieur, et en même temps le risque de nouveaux carcans, ceux des systèmes symboliques clos, des dogmatismes. Les historiens (sérieux) des religions le savent bien. Les maçons aussi.

Mais la pensée est placée dans bien d’autres lieux que les tréfonds de notre cerveau et de nos consciences, de nos inconscients ou de nos paroles.

La pensée et le coeur

Pas mal d’expressions associent la pensée et le coeur. C’est le cas de nombre de citations bibliques, et de représentations

Le siège de la conscience des maçons (et des autres…)

populaires : le coeur y est conçu comme le siège des émotions, des sentiments, de l’amour, quand ce n’est pas celui de la pensée et du jugement, voire de la volonté. Et bien sûr de la spiritualité.

L’apôtre Paul utilise le mot coeur pour désigner la conscience morale (« les yeux du coeur » Ephésiens 1:18). Les mystiques vivent donc bien une intelligence du coeur que ne partagent pas les physiologistes... encore que l’on sache que le coeur soit doté d’un important réseau de neurones, qui régulent ses battements en fonction de nos efforts... et de nos émotions...

Intelligence du ventre

Les expressions populaires avaient déjà eu cette intuition (ne dit-on pas qu’une émotion est « restée sur l’estomac », ou qu’on a « des tripes »...). Des études scientifiques affirment maintenant que nous serions dotés d’un « 2e cerveau », dans notre ventre... En effet, nos intestins sont dotés eux aussi de quelques centaines de millions de neurones, qui n’hésiteraient pas à se connecter, au besoin, aux autres neurones (centraux dans le cerveau ou délocalisés dans diverses parties du corps), mais qui vivraient leur vie autonomement la plupart du temps.

C’est encore de l’inconscient, mais s’occuper de digérer tout ce que nous ingérons, et nous protéger des microbes hostiles qui vont avec, est un sacré travail « intellectuel » dont dépend notre survie... sans compter les cent milliards de bactéries que nous abritons, et dont l’activité est tout aussi essentielle pour notre équilibre physique et psychique.

Encore de l’humilité à cultiver devant notre dépendance à ces neurones et ces bactéries qui nous gouvernent et sur lesquelles nous avons peu de prise.

Intelligence des fesses

Récemment, des scientifique de l’Université d’Oxford ont trou-vé d’étranges corrélations. Les femmes dotées d’un postérieur large et rebondi auraient une meilleure efficience intellectuelle que les autres, ainsi qu’une meilleure santé. En fait, leur taux de glucose et de cholestérol dans le sang étaient plus bas, ex-pliquant leur meilleure santé physique et psychique. La pensée n’est jamais complètement séparable du corps, et on peut se demander si les fesses ne sont pas aussi un des lieux de l’intel-ligence...

On le voit, on s’enfonce toujours plus loin dans les divers recoins de notre corps, et les psychanalystes ont bien raison, c’est l’inconscient qui nous domine ! Mais si beaucoup de processus sont automatiques et inconscients, la machine à penser ne tourne pas toujours très « rond ».

Documents relatifs