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CHAPITRE 2 : ÉTAT DE LA RECHERCHE

7.   Les  parents  et  l’école

Le   gouvernement   français   espère   que   l’introduction   et   l’usage   du   CTN   auront pour effet   l’implication   des   parents   dans   la   scolarité   de   leurs   enfants.   Ainsi,   lors   de   l’annonce  de  la  généralisation  des  ENT,  le  Ministre  de  l’éducation  de  l’époque,  Xavier   Darcos,   fait   référence   au   CTN   en   disant   que   l’intégration   de   cet   outil   dans   les établissements éducatifs permettra de : « mieux informer les familles, tout en introduisant une souplesse nouvelle dans la personnalisation des travaux demandés aux élèves »(Darcos, 2008). Cette stratégie de faire des parents des « partenariats privilégiés  de  l’école»  (Migeot-Alvarado, 2000, p. 9) peut être basée sur les résultats des recherches qui montrent un lien fort entre réussite scolaire et accompagnement parental.

Selon plusieurs recherches (Bardou et al., 2010; Deslandes, Rousseau, Rousseau, Descôteaux, & Hardy, 2008; Deslandes, 2010; Dubet, 2010; Meirieu, 2004; OECD, 2006; Schito, 2011; Suárez, Fernández, & Cerezo, 2012) la réussite scolaire des enfants est directement liée aux caractéristiques et comportements des familles. Les études menées en France par les sociologues Bourdieu et Passeron (1970) révèlent que les inégalités sociales se reproduisent  à  l’école.  Le  capital  culturel  des  familles  est   pour  ces  auteurs,  une  des  clés  qui  expliquerait  la  réussite  ou  l’échec  scolaire.  Ainsi,  les   étudiants  qui  réussissent  à  l’école  seraient  aussi  ceux  qui  sont  les  plus  soutenus  par   leurs familles (Deslandes & Potvin, 1998; Deslandes et al., 2008; Deslandes, 2010) Les recherches (Deslandes & Potvin, 1998; Dornbusch & Ritter, 1992) montrent également, que les parents qui suivent le plus la scolarité de leurs enfants, sont ceux qui  ont  le  plus  haut  niveau  d’études.  De  surcroît,  Kherroubi  (2009) met en évidence que les étudiants issus de classes sociales   privilégiées   peuvent   bénéficier   de   l’aide   parentale combinée à des cours particuliers payants, tandis que les élèves des classes sociales plus défavorisées sont accompagnés uniquement par leurs proches « autres membres de la famille ou du voisinage, camarades » (Kherroubi, 2009, p. 22).

7.1. Les  devoirs  et  l’accompagnement  parental

Les  recherches  associent  souvent  l’implication  des  parents  dans  la  scolarité  de  leurs   enfants  à  l’accompagnement  parental  pour  la  réalisation  des  devoirs. A ce propos, une étude sur les représentations des enseignants à propos du travail hors de la classe (Caillet & Sembel, 2009) a été réalisée par une équipe de chercheurs et de formateurs des  IUFM  d’Aquitaine,  de  Créteil  et  de  Versailles,  auprès  des  enseignants  de  collège  et   de   lycée   des   établissements   éducatifs   classés   en   Zone   d’Éducation   Prioritaire   (ZEP)   des divers départements de la France (telles que : Val-de Marne, SeineSaintDenis, la Somme)  ainsi  qu’en  milieu  rural  et  dans  des  écoles  et  collèges  de  classe  moyenne,  et  

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moyenne supérieur à Bordeaux et Val de Marne. Les résultats de cette étude montrent que pour les enseignants, donner des devoirs a aussi un but de communication avec les familles : « les enseignants pensent que le travail hors de la classe peut renforcer  les  lien  avec  les  familles  et  susciter  l’implication  des  parents » (Caillet & Sembel, 2009, p. 39).

Le travail à la maison, donne aussi aux parents un droit au regard sur ce qui a été fait en classe, ce qui fait partie du contrat didactique, qui est implicite dans la relation de l’école  avec  les  familles  (Caillet & Sembel, 2010; Glasman & Besson, 2004). Perrenoud (1996),  quant  à  lui,  ajoute  qu’au  moyen  des  devoirs  les  enseignants  et  les  parents  ont   adultes. Parents et enseignants se surveillent mutuellement »(Perrenoud, 1996, p. 80)

Parmi les facteurs qui expliquent pourquoi certains parents aident plus leurs enfants à  faire  leurs  devoirs  que  d’autres,  on  trouve  en  premier  lieu  le  niveau  des  études  des   parents, lui-même  directement  lié  à  leur  sentiment  d’auto-efficacité. A ce propos, une recherche québécoise (Deslandes et al., 2008) révèle que les parents moins scolarisés ont   aussi   le   sentiment   d’être   moins   compétents   pour   aider   leurs   enfants   lorsqu’ils   sont   en   difficulté   à   l’école.   Plusieurs   chercheurs  (Bardou et al., 2010; Barrère &

Sembel, 2005; Deslandes & Potvin, 1998; Deslandes et al., 2008; Deslandes, 1999, 2010; Kherroubi, 2009) observent   également   que   l’aide   parentale   diminue   progressivement  en  fonction  de  l’âge  des  enfants : « Les parents ont tendance à aider davantage un enfant du niveau primaire que du niveau secondaire » (Deslandes, 1999, p. 35).

Enfin, les croyances des parents constituent aussi un facteur explicatif de l’accompagnement   parental. Ainsi, certaines études (Deslandes et al., 2008;

Deslandes, 1999; Ritter, Mont-Reynaud, & Dornbusch, 1993) mettent en évidence le fait  que  les  parents  qui  croient  que  l’enseignement  est  l’affaire  des  enseignants  sont   moins   impliqués   dans   la   vie   de   l’école.   Ils   présentent   aussi   une   tendance   à   ne   pas   aider leurs enfants à préparer leurs leçons ou à faire leurs devoirs à la maison.

7.2. Le  développement  de  l’autonomie  chez  les  enfants

L’accompagnement   parental,   bien   que   souhaité   par   l’école,   entre   parfois   en   contradiction   avec   l’attente   du   développement   de   l’autonomie   chez   l’enfant.  

Kherroubi note que les enseignants « jugent négativement  l’intervention  parentale  si   elle   affecte   l’autonomie   de   l’enfant   dans   son   activité   scolaire » (2009, p. 19). A ce propos, le sociologue Lahire (2005) note   que   l’école   française   associe   la   notion  

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d’autonomie  au  fait  de  réaliser  le  travail  tout  seul,  sans  demander  de  l’aide.  Dans le secondaire en France, cette autonomie souhaitée, devient vite « une autonomie prescrite » (Kherroubi, 2009, p. 19). Cela pourrait aussi expliquer pourquoi les parents  aident  moins  leurs  enfants  au  secondaire  qu’en  primaire  (Deslandes, 1999).

Finalement, une recherche conduite par Greenfield et Suzuki (1998) souligne que le développement   de   l’autonomie   est   plus   souhaité   dans   les   sociétés   dont   le   cadre   de   référence   culturelle   est   ‘individualiste’   par  opposition   aux   sociétés   dont   le   cadre   de   référence culturelle est le collectivisme. En effet, ces dernières privilégient l’interdépendance  comme  modèle  de  développement  et  donnent  plus  d’importance  à   la collaboration.

8. Synthèse

De la révision de la littérature nous retenons pour la suite que :

 Si   dans   certains   contextes   des   variables   telles   que   l’ancienneté   d’enseignement,   le   genre   et   la   discipline   montrent   une   relation   significative   avec  un  type  d’usage,  cela  ne  peut  pas  être  analysé  comme  la cause univoque d’un   comportement,   car   la   relation   est   beaucoup   plus   complexe.   Ainsi,   une   analyse qui vise à comprendre et expliquer les usages et les non usages des technologies par les enseignants doit prendre en compte une multiplicité des variables provenant des dimensions individuelles et sociales des sujets.

 Les   modèles   sur   l’acceptation   des   technologies,   sur   l’ergonomie   des   TICE   et   sur   l’intégration   de   l’innovation   apportent   des   nouvelles   variables   à   prendre   en compte pour comprendre les intentions d’usages  et  les  comportements  des   acteurs. Aussi, ces modèles proposent des relations possibles entre les variables, tendant à prédire (modèle TAM et ses dérivés) ou à comprendre l’intégration   d’une   innovation   (modèle   ASPI)   ou   la   genèse   des   usages   (zone   proximale de la genèse instrumentale).

 Les  études  sur  les  dispositifs  hybrides,  mettent  en  relevance  l’importance  de   bien identifier les caractéristiques qui différencient les dispositifs pour mieux distinguer leurs effets, en termes de médiation, dans les comportements des utilisateurs.

 Les   études   exploratoires   sur   le   déploiement   des   ENT   et   l’usage   du   CTN   en   France  montrent  principalement  l’écart  entre  les  usages  prescrits  et  les  usages   réels. Notons comme exemple, que les usages gestionnaires sont plus développés que les usages pédagogiques.

 Les études sur le CTN identifient des effets qui peuvent être analysés en termes de médiation praxéologique et relationnelle.

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 Les  recherches  montrent  le  caractère  utopique  de  l’engagement  parental  dans   la scolarité de leurs enfants, dans la mesure où tous  les  parents  n’ont  pas  les   mêmes compétences ni les mêmes ressources pour aider leurs enfants à réussir  à  l’école.  Ainsi,  l’école  tendrait  à  reproduire  les  inégalités  sociales.  

 Les devoirs peuvent être sources de conflits dans les relations entre parents, enfants et école.

Par la suite, nous allons approfondir les concepts retenus de cet état de la recherche et   qui   nous   serons   utiles   pour   élaborer   notre   modèle   d’analyse   et   guider   notre   recherche.

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