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Les parcours de la mixisation des emplois 1. Une mixisation positive

II. Présentation synthétique des entreprises

3. Les parcours de la mixisation des emplois 1. Une mixisation positive

En 1996, l'entreprise a subi deux bouleversements importants : un plan social significatif aboutissant au départ de 190 personnes (110 femmes, 80 hommes) ainsi que le passage de tous les salariés de la production en équipes travaillant en continu et par roulement 24h/24, 7 jours sur 7 : le « 5x8 ». Ce dernier changement a impliqué l'introduction du travail de nuit des femmes. Cette transformation n'a pu se réaliser qu'en fonction de certaines conditions préalables : le changement de convention collective (CCN); dénonciation de la CCN de la chimie et adhésion à la CCN de la métallurgie qui a prévu une disposition concernant le travail de nuit des femmes ; le soutien des syndicats dans l'entreprise (sauf FO); le recours à l'expression directe des salariés par vote pour créer l'assentiment le plus large; la mise en place d'un plan de formation intégrant à la fois un élargissement des compétences techniques (vers une plus grande polyvalence) et une dimension managériale (de type management participatif) ; la situation de la mixité professionnelle dans l’entreprise.

À la veille du plan social de 2003, la situation des équipes de production mêlait différentes configurations :

- des équipes non mixtes dans le secteur de la logistique et de la manutention; « les caristes,

c'est un milieu d'hommes »; une tentative avec une « femme-homme » qui a échoué ;

- des équipes faiblement mixtes (peu de femmes, pas de femme chef d'équipe) : le secteur de l'injection audio dans lequel l'entrée des femmes est récente et surtout liée à l'introduction de la fonction contrôle-qualité;

- des équipes mixtes où l'équipe est vraiment mixte (même emploi occupé par l'homme que par la femme) et dirigée par un homme;

- des équipes mixtes où l'équipe est vraiment mixte et dirigée par une femme.

Mouvements de l’effectif depuis notre précédente enquête (embauche / démission ; départ à la retraite ; licenciement) effectif permanent (hors intérimaires)

1997 1998 2000 2001 2004

Homme 235 228 221 210 62

Femme 98 94 91 91 45

Total 333 322 312 301 107

Notons que la mixité ne concerne que les équipes tournantes de la production ; la technique (techniciens et ouvriers qualifiés) et la maintenance ne sont pratiquement pas mixtes (une femme régleuse).

3.2. Une mixisation négative

Le dernier plan social (septembre 2003) a vu le départ de près de 200 personnes sur 310. Parmi les partants, il y a eu plus d’hommes. De plus, « il n’y a plus aucun intérimaire dans l’entreprise

aujourd’hui ». Les restants semblent bien identifiables : « ceux qui ont refusé de partir (surtout des femmes) étaient apparemment moins mobiles, moins qualifiées et plus âgés. Tous étaient sûrs de ne pas pouvoir retrouver un emploi aussi bien rémunéré ». L’effectif a été ramené depuis le plan social à

107 personnes, 62 hommes et 45 femmes. À la production (donc hors administration), les deux genres sont à peu près à parité. En production aujourd’hui, il y a 45 opérateurs, dont la moitié de femmes, 2 chefs de groupes (femmes), 2 chefs d’équipe (hommes2) et 1 chef de production (homme). La proportion de femmes a ainsi augmenté dans une entreprise qui était marquée par une domination quantitative des hommes.

Âge et ancienneté. La plupart des personnes occupent ici leur premier emploi. La moyenne d’âge est de

47 ans, l’ancienneté moyenne est de 25 ans. « Nous avons arrêté toute embauche depuis plus de 4

ans ». Par ailleurs, l’entreprise a changé de Convention collective pour revenir à la chimie ; elle a

abandonné le 5 x 8 pour revenir au 2 x 8 (avec perte de la prime). Elle a appliqué les 35h en instituant des semaines courtes de 32h et des semaines longues de 38h

L’état de la mixisation à la veille de la fermeture de l’entreprise. Le licenciement massif de près des 2/3

des effectifs a abouti à des effets quantitatif et qualitatif : on assiste à une proportion plus grande de femmes dans une entreprise qui reste pourtant très majoritairement masculine. Par ailleurs, les salariés, notamment les femmes, ont bénéficié d’un « enrichissement des tâches » qui a amené des femmes à remplir des tâches dévolues aux hommes.

Effectifs de l’entreprise O-Band au 16/6/2004

107 personnes dont 62 hommes et 45 femmes Production : 54 dont 30 femmes

Technique sécurité : 18 hommes Qualité : 5 dont 3 femmes Achats : 4 dont 2 femmes Logistique : 15 dont 2 femmes Planification : 3 dont 1 femme

Administration : 8 dont 7 femmes et le directeur général

Le paradoxe de la situation est que l’état de crise aiguë de l’entreprise a amené à affecter les personnes à tous les postes qui l’exigeaient compte tenu de carnets de commandes encore assez fournis : des personnels de bureau sont venus en production, des hommes, assez anciens mais qualifiés, ont été chargés de tâches d’opératrices… La mixité de genres et de fonction n’a ainsi jamais été aussi poussée qu’à la veille de la disparition de cette entreprise…

Apparemment, la mobilité professionnelle des femmes dépend de

- la possibilité de retrouver un emploi (dans la zone – c’est bien ! - / hors de la zone – c’est mieux ! )

- souvent lié à l’emploi, les salaires versés et notamment l’écart de ressources entre l’avant et l’après de la mobilité

- le niveau de formation initiale (et éventuellement continue, mais ce n’est que peu déterminant pour la population concernée)

- la volonté et la capacité à s’adapter à d’autres milieux de travail, d’autres modes d’existence - la dépendance vis-à-vis des charges domestiques : directes ou indirectes, liées aux enfants ou

aux personnes âgées gardées à la maison

L’absence de mobilité ou la faible mobilité produit des effets dont certains sont cumulatifs. C’est particulièrement vrai pour la formation : une tendance très nette à la baisse de la formation (cf. tableau) accompagne le vieillissement de la population à la veille du plan social de 2003, comme si cela présageait des difficultés radicales d’aujourd’hui.

Nombre de journées de formation par genres et catégories professionnelles

Cadres maîtrise etAgents de

techniciens Employés Ouvriers Total

Hommes 7 104 0 159 270 Femmes 0 17 14 14 45 1996 Total 7 121 14 173 315 Hommes 10 96 0 144 250 Femmes 1 15 8 30 54 1998 Total 11 111 8 174 304 Hommes 0 115 0 106 221 Femmes 0 13 4 14 31 2001 Total 0 128 4 120 252 Hommes 0 40 0 37 77 Femmes 0 8 1 4 13 2002 Total 0 48 1 41 90 Personnes rencontrées :

- la directrice des ressources humaines - le secrétaire du CE

E. BOITEMATIQUE

Cette grande entreprise de 1750 personnes, installée dans une des zones industrielles de Strasbourg, conçoit et fabrique des transmissions de vitesse pour le groupe auquel elle appartient, et pour un certain nombre d’autres clients. Dans cette entreprise, l’accès des femmes à des métiers masculins est un phénomène maintenant ancien, puisque les premières embauches de femmes en production datent du début des années 80. Cette première « expérience » a été renouvelée au début, puis au milieu des années 90, ce qui a conduit à installer durablement les femmes dans l’emploi dit masculin. Même si elles ne représentent aujourd’hui encore qu’une minorité du personnel, leur présence ne semble plus liée aux aléas de la conjoncture et à la seule pénurie de main d’œuvre masculine. C’est la quatrième fois, en l’espace de 15 ans, que cette entreprise fait l’objet d’une enquête de notre part, ce qui a permis d’établir des relations de confiance avec une direction relativement stable. Lors de notre dernière visite en 1996, on y avait relevé une certaine banalisation de la place des femmes dans l’activité de production, mais également le maintien d’une division sexuée du travail et un sentiment de dévalorisation individuelle et collective chez les femmes.

1. L’évolution de l’entreprise dans son contexte : la recherche de l’innovation