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Les conditions d’un développement durable de la mixité Promouvoir une autre conception des ressources humaines

La mixité professionnelle : les conditions d’un développement

3. Les conditions d’un développement durable de la mixité Promouvoir une autre conception des ressources humaines

La gestion par les compétences semble plutôt défavorable aux femmes quand elle implique une

référence à des « fondamentaux » du travail dans l’industrie. La gestion par les qualités (ou les compétences sociales) serait sans doute plus favorable aux femmes s’il s’agit de prendre en compte la totalité des capacités susceptibles de produire de la valeur ; la prise en compte d’une approche plus collective du travail et de son évaluation pourrait aller dans ce même sens favorable. Enfin, les employeurs doivent marquer plus d’intérêt, et plus continûment, pour la formation initiale, en particulier celles des jeunes filles.

Les prévisions d’emploi et la formation restent lacunaires et trop peu inspirées par un volontarisme,

pourtant indispensable. De nouvelles alliances peuvent s’élaborer entre les directions, l’encadrement de proximité et les salariés, à condition de prendre la question de la mixisation à une plus juste valeur : comme les questions de sécurité, de sûreté environnementale…

Soutenir la mixisation de l’encadrement

L’attention au « plafond de verre », qui peut se situer à des niveaux d’encadrement assez modestes,

doit permettre d’identifier le faisceau de résistances masculines et féminines qui fait obstacle à l’accès à certains postes supposant notamment la gestion et le management des personnes. Et si la question de la mixisation pouvait être portée dans les entreprises comme a souvent été portée la question des risques professionnels et de la sécurité (concertation interprofessionnelle et a-hiérarchique, définition d’objectifs évaluables, communication interne et externe…), cela permettrait de soutenir les volontés individuelles.

La responsabilisation des femmes cadres devrait être soutenue davantage : compte tenu de

l’importance stratégique des cadres et de la compréhension qu’elles peuvent avoir de notre problématique, il convient d’accorder la plus grande attention à celles qui occupent des postes décisionnels, non seulement pour soutenir leurs actions, mais aussi pour les faire connaître et les diffuser comme de “bonnes pratiques“…

Accompagner les changements du marché du travail

Une action peut avoir lieu en direction du travail temporaire, centrée sur son rôle dans le fonctionnement des marchés du travail : recrutement, formation, qualification, en somme entretien d’une capacité de travail diversifiée. Son rôle plus récent dans la gestion des demandeurs d’emploi plus ou moins éloignés de l’emploi ne peut que renforcer l’intérêt de le mobiliser sur cette question.

Nonobstant les injonctions bruxelloises à l’origine des textes sur l’égalité professionnelle, apparemment plus préoccupées de développer une concurrence entre les genres et d’élargir la main d’œuvre disponible pour tous les secteurs, il faut travailler à l’intégration de la problématique « féminisation »

dans les politiques d’emploi : entre les actions visant la pénurie d’emploi et celles visant plutôt la pénurie de travail.

Travailler le rapport à la technique

Dans la formation initiale, on ne peut espérer une véritable féminisation des filières masculines que si le milieu professionnel d’abord montre qu’il est aussi accueillant pour les femmes que pour les hommes… Ensuite, il faudrait pouvoir sortir du couple infernal “difficultés scolaires = orientation dans les formations professionnelles industrielles“ ; la plus grande réussite des filles les éloigne de fait de cette orientation et celle-ci se trouve ainsi doublement marquée : par le genre et par le scolaire. Enfin, la formation continue reste dans une logique d’accumulation primitive ; il faut donc en sortir, non seulement en favorisant les formations qualifiantes pour les femmes, mais également en diversifiant les situations de formation (et de certification) ainsi que les critères de réussite professionnelle (pas seulement les savoir-faire strictement techniques).

Poursuivre les recherches sur la mixité au travail… et ailleurs

L’objectif doit être de faire de la mixité une nouvelle norme sociale, de faire en sorte qu’elle devienne comme une modalité élémentaire de la « naturalité de la population » (Foucault). Cela concerne principalement le travail bien sûr, mais aussi la sphère domestique, le pouvoir politique… En France, certains phénomènes marquent des évolutions sensibles : la conjugalité, la fécondité, la scolarisation, notamment. Mais l’activité elle-même (professionnelle, domestique, politique) reste clivée, et les femmes, plus que les hommes, paraissent n’avoir que peu de latitude dans leurs choix dans ces différents domaines (Ferrand, Fortino, Okba…). Apparemment, c’est sans doute le travail domestique qui est déterminant (Méda, Wagner, notamment) : il tend à conforter des positions et des représentations respectives, à légitimer des inégalités ou des barrières d’accès, à conditionner matériellement les marges de manœuvre possibles dans les autres sphères…

Les travaux sur cette question précise étant encore assez décevants (Fortino, Guionnet et Neveu, notamment), la nouveauté dans le questionnement pourrait venir d’une saisie plus fine de la mixité

elle-même12, ses conditions (matérielles, sociales, politiques), son fonctionnement (divers, multidimensionnel et plus ou moins contrasté), ses effets (matériels, psychosociaux, symboliques). Il s’agit d’étudier non plus seulement les rapports hommes / femmes, les différences entre des positions et des parcours, souvent déclinées en inégalités, mais le cœur même des activités sociales, leur substance mais aussi les représentations et peut-être plus encore les discours croisés qui leur donnent un sens.

Références bibliographiques

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Forté M., Niss M., Rebeuh M.C., Trautmann J., Triby E. (1998), De la division sexuée au partage du travail ?, Travail et emploi n°74.

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Triby E. (2004), « Le travail entre sphère publique et sphère privée », in C. Guégnard (coord), À la

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Annexes