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II. Présentation synthétique des entreprises

2. L’évolution de la mixité

Une répartition du travail globale traditionnelle

Depuis la dernière enquête de 1996, la répartition globale des effectifs en terme de genres n’a pas fondamentalement évoluée : l’entreprise compte toujours de l’ordre de 75% de femmes pour 25% d’hommes sur le site concerné. Le bilan social promis ne nous a pas été fourni et seules de grandes masses ont été recueillies lors de l’entretien avec le DRH. La moitié environ des effectifs sont des agents de production, des femmes à près de 90%. En revanche les femmes représentent toujours moins de 10% des cadres et elles se trouvent presque exclusivement dans les services administratifs. Elles sont encore moins représentées parmi les techniciens.

La même répartition par genre (75/25) se retrouve au niveau de la production mais les femmes sont très concentrées sur les postes d’opérateurs ou de conducteurs de machines.

Dans trois des quatre usines, la répartition du travail entre hommes et femmes en production est toujours très nettement sexuée avec 90% des postes d’opérateurs et de conducteurs de machines occupés par des femmes et les postes de maîtrise et techniques occupés par les hommes.

La seule évolution à noter est la promotion de femmes conductrices de machines aux postes d’animatrices, qui donnent une responsabilité technique d’organisation de la production, du contrôle de la qualité mais sans responsabilité hiérarchique.

Une amorce de mixité dans les fonctions annexes de la production

Depuis 1996, une mixité s’est amorcée au sein des fonctions annexes à la production comme le bureau d’étude, la qualité ou plus récemment la logistique. Quelques femmes ont en effet été recrutées sur des postes de techniciennes ou même ingénieur, celles-ci possédant les niveaux de formation requis (Bac+2 voire Bac +5). Même si ces femmes occupent des postes techniques et pas (encore) des postes d’encadrement, cette présence traduit un accès des femmes à des postes traditionnellement masculins, accès qui est facilité par la possession des diplômes exigés. Ce phénomène n’a cependant encore qu’un caractère très marginal compte tenu du nombre de postes de techniciens et ingénieurs dans l’entreprise.

Des secteurs comme le réglage et la maintenance sont encore dominés par les hommes, mais il y a depuis peu une volonté affichée de faire évoluer des conductrices de machines vers ces fonctions toujours dans le cadre de la politique d’amélioration des qualifications des femmes.

Une mixité plus affirmée à U2

A U2, la seule usine dirigée par une femme, (que nous avions eu l’occasion de la rencontrer en 1996), une évolution très nette est visible depuis 5 ans. La directrice développe une politique volontariste en terme de genres et les femmes ont pu investir des secteurs réservés aux hommes. Elles occupent de plus en plus des postes techniques (réglage, méthodes et plus récemment maintenance) mais aussi hiérarchiques (coordinatrices, chef de ligne).

L’usine compte 380 personnes qui se répartissent en 2 unités : le Relais et le Montage

Au montage, la femme responsable rencontrée en 1996 a quitté l’entreprise et a été remplacée par un homme ; cependant, 3 techniciens sur 24, 1 pilote de ligne sur 5 agents de maîtrise et 2 moniteurs sur 3 sont des femmes. Ce secteur compte également 12 animatrices, 11 opératrices-régleuses, 5 magasinières caristes et une opératrice injection. Les femmes restent largement majoritaires sur les

lignes de montage : 60 conductrices de lignes et 130 opératrices de production y travaillent. Cependant, 9 hommes ont été récemment intégrés sur ces postes.

Au Relais, l’évolution est plus modeste : il n’y a qu’une seule femme parmi les 17 cadres, techniciens et agents de maîtrise et 2 femmes coordinatrices sur 8 chefs d’équipe. Et les 70 autres femmes sont opératrices, conductrices ou caristes.

Des bastions masculins

Certains secteurs demeurent des bastions masculins comme l’injection, activité très physique où chaleur et travaux durs restent de mise ; une seule femme occupe un poste en injection « on s’habitue,

et je préfère travailler avec des hommes ». A l’outillage secteur pour lequel il existe des difficultés de

recrutement, Contactel a décidé de mettre en place une formation au Bac Professionnel par alternance et prendrait une femme si une candidate se présente.

Le secteur commercial reste encore dominé par une présence masculine. Le contexte de travail en agences réparties sur le territoire national avec des zones géographiques à couvrir importantes exige une très grande mobilité.

Conditions d’emploi et de travail

Tous les horaires de travail existent : de jour, à la carte, 3x7, 4x7, horaires de week-end ; les femmes en production travaillent de nuit. « On s’organise, les rythmes sont réguliers et on gagne plus ». Elles ne sont pas volontaires pour travailler les week-ends. L’entrée au sein de Contactel pour les postes de production s’effectue par contrat d’intérim qui peut se prolonger par un CDD puis un CDI. Les recrutements de type BAC+2, BAC+4 s’effectuent plutôt au niveau national mais également par candidatures spontanées. La mobilité interne, horizontale ou verticale, est très forte.

3. La gestion de la mixité

Contactel n’a pas engagé d’actions spécifiques favorisant la mixité du travail et des emplois si ce n’est récemment dans le domaine du réglage. Mais, l’entreprise développe depuis plus de 15 ans une stratégie de ressources humaines pour améliorer le niveau global des compétences. Cette politique a été initiée dans un contexte de croissance importante. Elle passe soit par le recrutement, en offrant des possibilités d’évolution de carrière, soit par une politique de formation interne de grande ampleur. Cette politique n’est pas sans effets sur l’évolution de la mixité.

Par ailleurs, la réorganisation de la répartition des activités, accompagnée de formations techniques de base, a contribué au développement de l’accès des femmes à des fonctions traditionnellement masculines et à l’inscription durable de la mixité professionnelle dans l’entreprise

Des recrutements ouverts aux hommes et aux femmes : une lente évolution

La politique de recrutement est fondée sur une exigence de capacité d’évolution professionnelle. Cela conduit l’entreprise à appliquer des procédures de sélection portant sur les compétences tout en affichant une volonté d’indifférenciation du sexe à l’embauche. Les femmes sont peu nombreuses parmi les candidats, ce qui s’explique par le fait que Contactel recherche des qualifications techniques de la mécanique et de l’électricité, du BEP au BTS. L’entreprise déplore la rareté de candidatures féminines correspondant à ces profils. La jeune femme avec un BEP Outillage recrutée il y a deux ans reste une exception. Cependant pour les niveaux de technicien et d’ingénieur, les candidatures féminines sont moins rares, et ces dernières années Contactel n’hésite pas à recruter des femmes sur ces postes. Affectées plutôt sur des postes techniques dans les services annexes de la production (méthodes, études), elles n’occupent pas de postes d’encadrement. Le mouvement semble amorcé, les jeunes femmes donnent satisfaction.

Contactel semble valoriser les qualités féminines pour les agents de production et recrute principalement des femmes. Des hommes ont cependant été embauchés à U2, mais la directrice de l’usine ne sait pas si elle va renouveler l’expérience parce que les hommes déclarent ne pas arriver à faire le travail et souhaitent changer de poste. « Je pense que cette inaptitude est plus subjective

qu’objective » nous dit-elle.

Une politique de formation intense

Une caractéristique de la gestion de la mixité peut se lire sans doute au travers de la politique de formation de l’entreprise, élément primordial dans la gestion des ressources humaines de Contactel. Depuis la fin des années 80, de vastes programmes ont été mis en oeuvre pour permettre à toutes les catégories de personnel de se former, d’améliorer leurs qualifications et de leur offrir des chances de promotion. Les femmes agents de production, très peu qualifiées, ont suivi une formation pour développer la polyvalence et celles qui avaient des potentiels ont pu obtenir le CAP CMAT (Conducteurs de machines automatisées de transformation) et passer conductrices de machines. Mais peu d’entre elles ont accédé à des postes masculins sauf deux techniciennes en méthodes et études et deux chefs d’équipe.

Dans la fin des années 90, les actions de formation se sont intensifiées, tout particulièrement les formations diplômantes mais aussi plus récemment celles qui sont proposées dans le cadre du « Plan 24 ». Autant d’hommes que de femmes suivent ces formations.

Contactel favorise les formations diplômantes qui permettent l’acquisition de nouvelles compétences par les salariés, mais aussi une validation par un diplôme qui légitime l’accès à des postes qualifiés, à des promotions. Elles favorisent l’employabilité interne mais aussi externe si besoin, et permettent une mobilité nécessaire dans le cadre du Plan 24. De nombreuses femmes n’ayant pas de formation initiale technique souhaitent se lancer dans ce type d’action pour obtenir un diplôme. Les formations vont du CAP-BEP au BTS principalement dans le domaine de la maintenance (MSMA Maintenance des Systèmes Mécaniques Automatisés). L’évolution des conductrices de machine doit se faire en direction du réglage et de la maintenance compte tenu de la complexification des machines. En 1998-99 quelques femmes obtiennent le BEP MSMA. En 2003, 57 femmes volontaires se sont engagées dans la formation Bac Pro MSMA. C’est une formation lourde, sur 2 ans, qui demande un investissement personnel important. Celles qui obtiendront le diplôme pourront occuper un poste en fonction des besoins. Les formations ciblent aussi l’outillage, avec peu de succès

Pour le moment, seule une technicienne maintenance ayant déjà obtenu son CAP CMAT en 1988 a réussi son Bac Pro Maintenance en 2003 et a eu un poste en rapport avec son diplôme en 2004 (à U2), elle est particulièrement fière de son parcours.

Par ailleurs, le plan « Passeport projet » permet à des personnes de réaliser un projet personnel nécessitant une formation pour une employabilité à l’extérieur de l’entreprise (aide-soignante, boulanger).

Une gestion anticipée de la mixité à U2

La directrice d’U2 a déjà depuis longtemps engagé son usine dans une profonde restructuration. Chaque directeur a sa propre vision de son usine et adapte l’organisation du travail, constitue son équipe, définit sa politique de recrutement et de formation avec une préoccupation particulière pour les femmes qu’elle incite à se former et à évoluer.

En 1999, quand elle reprend la direction de U2 (après avoir été chargée de fermer une autre usine de Contactel), la directrice sait que l’usine sera de plus en plus automatisée, vu les exigences de rentabilité et le niveau du coût du travail. Elle sait également que cela va se traduire par la suppression des postes les moins qualifiés, qui sont occupés presque exclusivement par des femmes. La directrice décide d’anticiper une organisation adéquate tout en protégeant le travail des femmes. Elle supprime le poste

de régleur, et crée au montage le poste d’opérateur régleur, qualification nouvelle qui intègre à la conduite de machine le réglage et le 1er niveau de maintenance. Elle se bat pour créer ce niveau de qualification, évaluée à P3, accessible par des femmes conductrices de machine ayant validé un BEP MSMA. Elle n’a pas de problèmes pour repérer à U2 (lors des entretiens annuels) la première vague de femmes volontaires et capables de se former. Ces 11 femmes diplômées occupent le poste depuis le début de 2004 : « On ne pensait pas qu’on y arriverait, mais on a été beaucoup soutenu ». Une vingtaine de femmes sont engagées dans la deuxième vague de formation principalement d’U2 aussi mais avec quelques volontaires des autres usines

Parallèlement, la directrice d’U2 se préoccupe beaucoup des promotions des femmes et pratique en quelque sorte une discrimination positive. « A qualité égale, je mets une femme ». Elle a pu ainsi donner une promotion à deux femmes qui sont devenues coordonnatrices process titulaires du BEP MSMA au Relais alors qu’il n’y avait que des hommes avant. Elle a particulièrement innové en nommant une femme pilote de ligne, agent de maîtrise très compétente (qui a tout de même un BTS Maintenance.) ; elle a également promu la première technicienne maintenance de Contactel qui a réussi son Bac Pro Maintenance en 2003 et occupe le poste depuis le début 2004.

Malgré tout, elle avoue avoir quelques difficultés à placer des femmes au sein de certains secteurs encore très masculins et « durs » tels l’injection où il n’y a qu’une seule femme. Elle sait qu’il y a encore beaucoup à faire pour arriver à une répartition du travail équilibrée.

Les femmes sont très satisfaites des possibilités d’évolution que la Directrice propose, même si au départ elles craignaient de ne pas être à la hauteur. Les hommes ont aussi contribué à leur intégration. Quelques régleurs ont été moins coopératifs, parce qu’ils craignaient pour leurs propres postes.