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Des facteurs plus favorables à la féminisation des emplois masculins?

II. Présentation synthétique des entreprises

3. Des facteurs plus favorables à la féminisation des emplois masculins?

Indépendants de l’activité et de la zone, ces facteurs se présentent au premier abord comme des conditions favorables à la féminisation, mais produisent finalement des effets plutôt ambivalents ou peu significatifs.

L’émergence d’acteurs porteurs du projet de mixisation. Les prétendues contraintes imposées par le

marché ne sont jamais suffisamment impérieuses pour imposer des pratiques, des actions ou des politiques. Il y faut toujours la rencontre d’une volonté de l’un ou de l’autre acteur, s’emparant de cette contrainte en l’interprétant selon une intention particulière et la traduisant dans les faits avec plus ou moins d’opportunité et d’efficacité. C’est assez exactement ainsi que les choses se sont passées entre 1988 et 1990, lorsque l’entreprise se trouve confrontée à une brusque pénurie de main d’œuvre, notamment pour les activités de soudure. Le DRH de l’époque (remplacé 4 fois depuis) profite de cette situation pour mobiliser l’ANPE (et les médias) et organiser une vaste opération de recrutement de main d’œuvre féminine et de formation de soudeuses. La particularité de cette action ne tient pas seulement au recours à la conversion d’une main d’œuvre obligée très souvent de faire le deuil d’une orientation

l’entreprise (son DRH, plus précisément) veut bénéficier à la fois financièrement et surtout socialement et symboliquement d’un effet de médiatisation. Une évolution sociale encore incertaine, l’orientation professionnelle des filles, se trouve identifiée comme élément de distinction, et convoquée pour les besoins de cette entreprise.

La législation en faveur de la non-discrimination et de l’égalité hommes-femmes. À l’initiative du

législateur français mais surtout sous la pression des directives d’une Europe sociale naissante, des dispositions favorables à l’égalité entre hommes et femmes ont vu le jour tout au long de la dernière décennie. Cependant, la pression politique pour les faire appliquer paraît bien faible dans ce canton très reculé du Bas-Rhin. L’entreprise ne se sent pas particulièrement concernée par cette injonction.

Les emplois occupés par les femmes

Les 54 femmes présentes sur les 3 sites se répartissent ainsi : En production (37)

- 18 agents de fabrication - 1 cintreuse

- 6 soudeuses - 2 ingénieurs (logistique et métrologie-qualité) - 6 conductrices de machine - 1 cariste

- 3 employées à la logistique - 1 chef de quai Autres fonctions (17)

- 6 secrétaires - 2 agents administratifs

- 3 magasinières - 2 divers

- 4 employées à la comptabilité (1 chef, 1 paie, 2 aides) 4. Les parcours de la féminisation

4.1. Les 3 phases du processus

Il faut prendre garde à une trop grande schématisation et à une approche trop globale, indifférenciée, de la situation et de son évolution. On peut tenter pourtant d’esquisser des mouvements et une tendance, assez caractéristiques de l’impact du marché sur les modalités d’organisation de la production quand l’entreprise voit son pouvoir de marché se restreindre.

o L’envol enthousiaste

La période de la féminisation volontariste a emprunté trois modalités : la plus connue (localement) est la qualification de filles et de femmes dans un métier masculin : la soudure. La seconde, la plus profonde, a visé à affecter, autant que faire se peut, des femmes aux postes les plus divers, tant du point de vue des capacités des femmes que de l’état des rapports de travail entre les genres. Fondée sur le volontariat, cette politique a rapidement atteint ses limites : niveau de qualification des femmes, rotation ralentie de la main d’œuvre, tâches encore reconnues comme trop « lourdes »…

o Le repli en catastrophe

Le retournement conjoncturel de la moitié des années 1990 combiné au progrès de la mondialisation (et de ses exigences apparentes) ont entraîné une forte contraction des effectifs qui a touché les salariés les plus récemment embauchés, notamment les femmes, y compris les femmes qualifiées en soudure (« qu’on a quand même tenté de garder »). De même, ce double mouvement a accéléré la mobilité de la main d’œuvre, ce qui a pu se traduire par le départ de femmes « suivant leur mari » dans sa mobilité

plus ou moins contrainte. Au début des années 2000 et alors que la conjoncture s’assombrit, le résultat est que le processus de féminisation semble s’être arrêté ou être suspendu.

o Le réalisme des origines

Le réalisme de la direction actuelle ne se traduit pas seulement par son refus d’actions volontaristes en faveur des femmes (« si je fais cela, mes ouvriers musulmans me tuent » remarque le DRH), mais également par une forte résistance à appliquer les nouvelles dispositions sur l’égalité professionnelle et une difficulté certaine à reconnaître dans les faits les apports incontestablement positifs de la main d’œuvre féminine. Le marché du travail et le marché des produits décideront : le premier en portant le besoin de main d’œuvre à un niveau tel que seul le recours à la main d’ouvre féminine sera possible, le second en imposant des normes de qualité qui appelleront l’intervention des femmes. Cela ne suffira sans doute pas pour aboutir à une féminisation significative. Le tableau ci-dessous montre combien l’évolution spontanée des effectifs et du renouvellement des salariés ne va pas vraiment vers la mixisation, alors même que rien ne vient vraiment s’opposer à ce mouvement.

Ancienneté dans l’entreprise pour les 3 sites (30/6/2004)

Nb d’années Hommes Femmes

0-5 ans 23 6 6-10 35 4 11-15 41 11 16-20 15 1 21-25 21 12 26-29 16 4 TOTAL 151 38

4.2. Les actions orientées vers la mixisation des emplois masculins

La formation et les qualifications. Sans que l’on puisse affirmer qu’il s’agit d’une politique volontariste,

certaines actions montrent que la direction et les salariés opèrent lentement leur conversion à la

mixisation. Cela transparaît dans des actions de formation et de certifications : sur le marché interne, la

direction semble déterminée à permettre une meilleure certification des salariés les moins qualifiés, et de porter attention aux femmes. Pourtant, les exigences de qualification à l’embauche (marché externe) restent élevées et auraient plutôt tendance à se durcir ; avec toujours aussi peu de candidates ayant des formations techniques requises, cet obstacle est de fait assez discriminant.

“La gestion de l’ethnique“ dans les relations de travail (pour parler crûment). C’est en ce domaine que la

féminisation montre toute son ambiguïté. Le recours aux femmes peut être le moyen de ralentir la croissance des effectifs immigrés. Ce recours a d’autant plus d’intérêt qu’il concerne plutôt des femmes françaises disposant d’un certain niveau d’alphabétisation, à défaut de qualification. Enfin, l’importance de la part des immigrés peut permettre de justifier le fait qu’on ne cherche pas à favoriser les femmes…. Une salariée note quand même : « il y a beaucoup de racisme, on entend parfois de ces

réflexions ! » ; elle reconnaît pourtant que personnellement, elle n’a « plus de problème avec les immigrés ».

Personnes rencontrées :

- le directeur des ressources humaines - la responsable logistique clients - une chef de quai

- une soudeuse/animatrice - une soudeuse