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2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

2.4 Paramètres influençant le comportement différé

2.4.5 Paramètres intrinsèques

Figure 2.41 : Influence de la température sur le fluage de l’argilite de l’Est, d’après Gasc-Barbier (2002).

Figure 2.42 : Influence de la température sur les vitesses de fluage de l’argilite de l’Est, d’après Gasc-Barbier (2002).

2.4.5 Paramètres intrinsèques

La composition minéralogique d’une roche, la taille des grains qui la composent et sa teneur en eau influencent également son comportement différé.

Poirier (1995) rappelle que le taux de déformation viscoplastique est inversement proportionnel au carré de la taille moyenne des grains pour le fluage de Nabarro-Herring (diffusion intragranulaire) et au cube de la taille moyenne pour le fluage de Coble (diffusion dans les joints de grains). Cependant, la viscosité par diffusion n’est activée que lorsque la température est élevée

… 5697-4 (80°C)

  5698-1 (80°C) S 5698-3 (T ambiante) T 5897-6 (T ambiante)

(T>1/3Tf) et dans des roches dont les polycristaux sont de petite taille. Les déformations viscoplastiques des roches à température ambiante et sous fort déviateur qui sont dues aux déplacements de dislocations semblent être indépendantes de la taille des grains.

En étudiant l’influence de la taille des grains du sel gemme sur le développement de la déformation viscoplastique lors d’essais de fluage, Lecomte (1965), a pu observer une diminution du taux de déformation anélastique avec la croissance de la taille des grains : une augmentation de la taille de 0,1mm à 0,63mm réduit l’amplitude des déformations différées d’un facteur 2 environ (Figure 2.43).

Figure 2.43 : Influence de la taille moyenne des grains sur le fluage du sel gemme, d’après Lecomte (1965). Même peu perméables, les roches présentent une grande sensibilité aux conditions hydriques dans lesquelles elles se trouvent et leur aptitude au fluage augmente avec leur teneur en eau et l’hygrométrie. L’eau peut être présente sous trois formes au sein d’une roche. On distingue généralement :

- L’eau libre qui peut circuler même lorsque la perméabilité de la roche est très faible (10-8 à 10-10 m/s).

- L’eau adsorbée à la surface des grains et fortement liée aux particules argileuses pouvant être contenues dans la roche.

- L’eau de constitution qui appartient à la structure moléculaire.

L’eau exerce diverses actions qui dépendent de la composition minéralogique de la roche et de sa porosité. Il n’existe pas de relation directe entre la porosité et la perméabilité des roches. Deux roches de même porosité peuvent avoir des capacités de transfert très différentes selon la taille et la forme de leurs pores et selon le degré de connectivité du réseau poreux. La microporosité ne favorise pas l’écoulement de l’eau libre mais permet la diffusion de l’eau adsorbée par les microstructures et les frontières granulaires. L’eau étant une substance chimiquement agressive, sa présence, même négligeable en volume, cause une altération des liaisons chimiques intercristallines et lubrifie les frontières granulaires. Elle peut ainsi contrôler la cinétique d’ouverture des fissures, l’adsorption de molécules d’eau pouvant entraîner l’hydrolyse des liaisons convalentes en tête des fissures dans les minéraux silicatés.

0,1 mm

0,55 mm 0,63 mm

Dans les roches silicatées, l’eau agit comme un catalyseur chimique. L’hydrolyse des liaisons silice-oxygène se produit suivant la réaction :

Si – O – Si + H2O Ö Si – OH • HO – Si [2.22] Cette réaction provoque un radoucissement des cristaux de silicates et augmente l’aptitude de la roche au fluage, les liaison H • H étant moins fortes que les liaisons Si-O. (Griggs, 1967). Ce remplacement de liaison fortes par des liaisons plus faibles conduit à une altération de la texture, à une augmentation locale des contraintes puis à la rupture.

Dans les roches argileuses, certains minéraux, comme les smectites ou les interstratifiés illites-smectites, permettent l’infiltration de molécules d’eau entre leurs feuillets ce qui augmentent sensiblement l’amplitude des déformations différées (gonflement). De plus, les ions compensateurs, comme le potassium K+,qui ont parfois pris place entre deux feuillets d’argile, participent à la résistance au cisaillement jusqu’au dépassement d’un certain taux de déformation.

Les interactions entre particules argileuses et l’eau chargée d’ions peuvent être interprétées physiquement avec le modèle de la double couche développé par Gouy et Chapman au début du siècle. La théorie de la double couche dans les roches argileuses repose sur l’existence d’une couche dite diffuse à proximité de la surface chargée négativement des feuillets d’argiles. Dans cette couche diffuse, la concentration et la distribution en ions compensateurs sont déterminées par les interactions électrostatiques et les mécanismes de diffusion liés à l’agitation thermique. A l’équilibre, la distribution des cations a la forme d’une double couche électrique avec un gradient de concentration négatif vers l’extérieur des cristallites (Figure 2.44).

Figure 2.44 : Distribution des ions près de la surface des particules argileuse selon la théorie de la double couche, d’après Mitchell (1991) cité par CFMR (2000).

Valès et al. (2004) ont mis en évidence l’influence du degré de saturation sur les propriétés mécanique de l’argilite de Tournemire. En réalisant notamment des essais de compression triaxiale sur des échantillons présentant des degrés de saturation variant de 20 à 95%, ils ont observé une augmentation de la résistance de la roche pour des degrés de saturation faibles, lorsque la contrainte principale est perpendiculaire aux plans de stratification de la roche. De la même manière, Zhang et Rothfuchs (2004) ont observé que la résistance d’un échantillon d’argilite de l’Est séché à l’air libre peut être presque deux fois supérieure à celle d’un échantillon saturé

(41,7 MPa pour l’échantillon sec contre 24,5 MPa pour l’échantillon saturé).

Si la présence d’eau diminue donc la résistance de la roche, elle influence également son comportement visqueux. Dans la plupart de ces essais de fluage, réalisés sur des échantillons de gypse prélevés dans la carrière souterraine de Grozon (Jura), Hoxha et al. (2003) ont observé une phase de fluage primaire, suivie par un fluage secondaire qui, en fonction de l’âge de la roche, de l’hygrométrie et de la contrainte, s’est parfois développé jusqu’à une rupture. La Figure 2.45 illustre bien l’influence de l’hygrométrie, Hr, sur la vitesse des déformations viscoplastiques et l’apparition de la dilatance. L’influence du degré d’hygrométrie sur l’apparition du fluage tertiaire a été également démontrée expérimentalement.

Figure 2.45 : Influence de l’hygrométrie sur le comportement différé d’un gypse, d’après Hoxha et al. (2003).

2.5 Déformations des roches anisotropes et mode de rupture en