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Analyse microstructurale de la déformation différée des roches argileuses

2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

4 Analyse microstructurale de la déformation différée des roches argileuses

Objet : Dans ce chapitre, nous cherchons à mettre en évidence au sein de la microstructure de l’argilite de l’Est

et de la marne du mont d’Or les modifications induites par les essais mécaniques qui traduisent leur comportement différé.

Après avoir rappelé certaines caractéristiques minéralogiques des argiles et des cristaux contenus dans ces deux roches, nous exposons brièvement les techniques particulières utilisées pour réaliser des lames minces dans ces matériaux très sensibles à l’eau. Cinq lames minces d’argilite de l’Est et cinq lames épaisses de marne du Mont d’Or imprégnées d’une résine fluorescente ont été observées au microscope optique puis au microscope électronique à balayage (MEB). L’influence de la pyrite sur le mode de fissuration a pu être mis en évidence ainsi que le rôle de l’anisotropie de ces roches sédimentaires. En revanche, sur la plage de vitesse de déformation explorée lors des essais mécaniques, le rôle de ce paramètre sur la microfissuration n’a pu être clairement établi.

Chapitre

4.1 Introduction

Les matériaux rocheux sont des milieux polycristallins, poreux, hétérogènes, très souvent anisotropes. Afin de mieux comprendre leur comportement macroscopique, et en particulier leur comportement différé, il est important d’étudier les phénomènes qui se produisent à l’échelle microscopique. En effet, la composition minéralogique et la microstructure d’une roche déterminent ses propriétés physiques, et notamment sa viscosité et son potentiel de fluage.

Grâce au microscope optique et au microscope électronique à balayage (MEB), nous allons observer nos échantillons sur une plage de longueur comprise entre 10-2 et 10-8 m. En deçà de cet intervalle, nous serions à l’échelle atomique ; au delà, nous serions dans le domaine macroscopique (Figure 4.1).

Figure 4.1Définition des différentes échelles d’observation, d’après Dowling (1998).

4.2 Éléments d’analyse du comportement mécanique des roches

argileuses

4.2.1 Minéralogie, structure et propriétés des argiles

Les minéraux argileux proviennent de l’altération et de la dégradation des roches, altération physique sous l’effet des variations de température mais aussi chimique au contact de l’eau qui permet la dégradation en particules de moins de 2 µm de diamètre. Les conditions d’altération notamment la température et le pH de l’eau, ainsi que son degré d’avancement expliquent la variété des argiles.

Les minéraux argileux sont des phyllosilicates d’aluminium hydratés se présentant sous forme de petites plaquettes de quelques µm. Leur structure est caractérisée par un empilement de feuillets de silice et d’hydroxyde d’aluminium, composés de couches T de tétraèdres de [Si4O10(OH)2]6- et O d’octaèdres de Mg(OH)2 ou de Al(OH)3 (Figure 4.2).

Ces associations de tétraèdres ou d’octaèdres délimitent des cavités tétraédriques ou octaédriques de volume défini que peuvent occuper des cations (Al3+, Mg2+ …). La composition et la superposition de ces couches, T-O ou T-O-T, ainsi que l’épaisseur du feuillet, donnent aux minéraux leur spécificité et leurs propriétés (Caillere et Henin, 1963).

Figure 4.2 : Structure des minéraux argileux : Tétraèdres de silice, octaèdres d’aluminium, de magnésium et leur agencement.

(a) : Couche tétraédrique ; (b) : Couche octaédrique

Suivant l’échelle considérée, on peut distinguer trois niveaux d’organisation de la phase argileuse :

- le feuillet dont l’épaisseur est de l’ordre de quelques Å. (10-10 m). - La particule qui est un assemblage de feuillets.

- L’agrégat qui est une association de particules élémentaires dont la longueur peut atteindre 2 µm suivant la nature minéralogique de l’argile considérée.

Les minéraux argileux sont très nombreux. Les principales familles sont décrites dans le Tableau 4.1.

A partir de la structure de base des feuillets, des substitutions entre cations sont possibles. On parle de substitutions isomorphes lorsque celles-ci ne modifient pas l’épaisseur du feuillet.

Cette propriété confère aux particules argileuses une surface chargée. En effet, la substitution des ions Si4+ par Al3+ dans la couche tétraédrique et celle de Al3+ par Mg2+, dans la couche octaédrique, entraîne un déficit de charges. La surface du feuillet est donc chargée négativement et attire des ions positifs présents dans l’eau afin d’assurer une électroneutralité globale. Ces ions s’insèrent alors dans l’espace interfoliaire.

L’adsorption de cations compensateurs dans l’espace interfoliaire pour assurer l’électroneutralité des particules d’argile peut modifier leurs propriétés. Ces cations parmi lesquels on peut citer : Ca2+, Mg2+, Na+ et K+, sont hydratés, c’est-à-dire associés à des molécules d’eau qui concourent à l’écartement des feuillets et donc au gonflement macroscopique. La charge du feuillet conditionne donc à l’échelle microscopique le gonflement observé. La Capacité d’Echange Cationique, CEC, exprimée en milléquivalents pour 100 g d’argile sèche (meq) quantifie la quantité d’ions échangeables : une valeur élevée est associée à un fort potentiel d’adsorption de cations.

Cette électronégativité qui est une caractéristique fondamentale varie selon les familles de minéraux argileux et le pH de l’eau. Les propriétés des argiles, notamment leurs formes et l’épaisseur des agrégats, dépendront donc du pH et des ions présents dans l’eau.

(a)

Principales familles de particules argileuses Structure du feuillet élémentaire Caractéristiques

du feuillet Propriétés du feuillet

Kaolinite

2 couches Al4[Si4O10](OH)8

Type T-O épaisseur : 7 Å cristaux étendu (jusqu’à 15 µm)

Forte porosité

Feuillet neutre (pas de substitution) Argile raide

Surf. spécifique : 10-20 m2.g-1

Vermiculite

Petites particules généralement associées à d’autres types d’argiles

Epaisseur : 12 Å Type T-O-T

Augmentation du volume par chauffage (20 fois) Exfoliation en vermicules Surf. spécifique : 40-80 m2.g-1 Illite Kx Al2[Si4-xAlxO10](OH)2 Feuillet irrégulier Epaisseur : 10 Å Type T-O-T Surf. spécifique : 65-100 m2.g-1 Smectite 3 couches

Epaisseur : 14 Å variable selon la teneur en eau

Type T-O-T

Argiles gonflantes : substitution importante (montmorillonite) Faible porosité Surf. spécifique : 50-120 m2.g-1 Chlorite 3 couches (Mg, Fe, Al)3

Mg3[(Si,Al)4O10(OH)2](OH)6

épaisseur : 14 Å cristaux aplatis à clivage parfait

Interstratifiés Alternance plus ou moins régulière de feuillets de natures différentes Propriétés dépendantes des argiles constituantes

Tableau 4.1 : Caractéristiques des principales familles de minéraux argileux, d’après Nuclear Energy Agency (1996).

La cohésion au sein des particules argileuses est assurée par deux types de liaisons entre les éléments :

- les liaisons iono-covalentes (mise en commun de deux électrons et attraction électrostatique entre ions de charge contraire) existantes entre les atomes de Si et O ou Al et O qui sont des liaisons très fortes,

- les liaisons interfoliaires ou interparticulaires.

Les liaisons interfoliaires ou interparticulaires peuvent être de différentes natures :

- les forces de Van der Waals : liaison faible entre les électrons et les noyaux d’atomes constituant les particules d’argiles,

- les liaisons hydrogène entre les ions H+,

- les liaisons coulombiennes dues à la présence de cations compensateurs entre les feuillets comme les ions K+ dans l’illite.

Les forces qui associent les éléments du feuillet élémentaire sont de nature iono-covalente et donc particulièrement stables. En revanche, les liaisons qui associent les feuillets successifs sont toujours beaucoup moins intenses, ce qui permet parfois de les séparer (exfoliation). Les liaisons entre couches ainsi que les liaisons entre les feuillets et les cations hydratés adsorbés sont des liaisons de type Van der Waals, coulombiennes ou hydrogène beaucoup plus faibles.

De plus, les ions K+, qui ont parfois pris place entre deux feuillets d’argile, participent à la résistance au cisaillement. Ils contribuent à la liaison des feuillets, jusqu’au dépassement d’un certain taux de déformation (Figure 4.3).

Figure 4.3 : Pénétration des ions K+ entre feuillets d’illite.

L’argilite de l’Est a été étudiée par différents auteurs (ANDRA 1999, Coquinot 2000, Chiarelli 2000, Scholtus 2001, Wright 2001, entre autres). Des analyses par diffraction X ont montré que la fraction argileuse représentait jusqu’à 45 % de la composition de cette roche et qu’elle était essentiellement composée d’interstratifiés illites/smectites désordonnées avec un fort pourcentage de smectites (50 à 70%).

La composition minéralogique de l’argilite de Tournemire a été déterminée et étudiée par de nombreux auteurs (Schmitt 1994, Niandou et al. 1997, Rejeb 1999, Cabrera 2001). Des analyses minéralogiques ont montré que cette roche contenait en moyenne 55 % d’argile dont 28 % de kaolinite, 16 % d’Illite, 3 % de chlorite et 8 % d’Interstratifiés illites/smectites.

A notre connaissance, la marne du Mont d’Or n’a fait l’objet d’aucune étude approfondie de sa microstructure à l’aide de lame mince. Cette roche contient une faible proportion d’argile (25 %).