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Développement de la microfissuration et mécanique de la rupture

2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

2.3 Mécanismes de déformation sous sollicitation mécanique Les matériaux rocheux sont des milieux polycristallins, poreux, hétérogènes et très souvent Les matériaux rocheux sont des milieux polycristallins, poreux, hétérogènes et très souvent

2.3.7 Développement de la microfissuration et mécanique de la rupture

Entre les différents cristaux de minéraux constituant une roche, s’établissent des liaisons métalliques, covalentes, ioniques ou électrostatiques qui assurent la stabilité de l’ensemble. Comme nous l’avons vu, cette structure granulaire peut comporter certains défauts (dislocations) qui sont alors la source du développement de microfissures. De plus, lorsqu’un matériau, contenant déjà des discontinuités (pré-existantes) est soumis à une contrainte déviatoire croissante, de nouvelles fissures, dites secondaires, apparaissent et se propagent dans le matériau. La nucléation et la croissance de ces microfissures conduisent, après coalescence, à la rupture macroscopique de la roche bien avant que le seuil de contrainte de rupture des liaisons atomiques ne soit atteint.

Griffith (1924) a expliqué cette observation expérimentale en étudiant le problème de la rupture des solides avec une approche énergétique. Il a démontré qu’au voisinage des défauts la concentration de contrainte peut atteindre la limite théorique de rupture des liaisons atomiques. En effet, au cours de leur déplacement, les dislocations peuvent venir buter contre les obstacles que constituent pour elles les joints de grains ou les inclusions au sein de la roche. Elles s’accumulent alors sur l’obstacle engendrant, au niveau de la tête de l’empilement, une forte concentration de contrainte. Selon la théorie de Griffith, les surfaces de séparation granulaire qui concentrent les contraintes internes aux extrémités des microfissures permettent la nucléation de nouvelles fissures ou l’amorce de propagation de fissures existantes. Ce mécanisme est schématisé sur la Figure 2.28 pour une fissure elliptique inclinée arbitrairement par rapport à la direction principale de compression. Dans un milieu élastique linéaire, isotrope, en déformation plane, la contrainte locale critique de traction se concentre en des points situés sur les lèvres de la fissure près de ses deux extrémités. Lorsque le déviateur dépasse un seuil critique, deux fissures secondaires apparaissent en ces points et se propagent en s’orientant dans la direction de stabilité maximale, c’est-à-dire dans la direction de la contrainte principale majeure de compression. Cette amplification de la microfissuration s’accompagne généralement d’une augmentation de volume.

Figure 2.28 : Schéma de propagation d’une fissure pré-existante, d’après Eberhardt et al. (1999).

σ1 est la contrainte principale majeure de compression, σt la contrainte locale en traction et τ la contrainte locale en cisaillement.

Le critère de Griffith est basé sur une relation linéaire entre l’énergie dissipée par la propagation d’une fissure et la longueur de la fissure nouvellement créée lors de la propagation :

dWS = 4γ.dc [2.14]

avec : dWS l’énergie dissipée par la propagation de la fissure

γ, l’énergie spécifique de surface, caractéristique du matériau dc, la longueur de fissure créée.

Dans son analyse, Griffith considère que l’énergie dissipée par la propagation de la fissure est uniquement due à la création de nouvelles surfaces, comme si la rupture était instantanée. En réalité, d’autres formes de dissipation d’énergie doivent être prises en compte au cours de la propagation de la fissure, en particulier l’énergie cinétique liée à son accélération. Cette extension de l’analyse de Griffith a été proposée par Mott (1948).

Pour un solide élastique contenant une fissure, le bilan énergique du système conduit à exprimer l’énergie totale W comme la somme des efforts extérieurs, Wext, de l’énergie de déformation élastique Welas,de l’énergie de surface Ws dissipée par la création de nouvelles surfaces de fissure et de Wcin, l’énergie cinétique liée à la propagation de la fissure :

W = Wext + Welas + Ws + Wcin [2.15]

Au cours de la propagation d’une fissure de la longueur 2c à la longueur 2(c+dc), la conservation de l’énergie totale s’écrit :

c W ∂ ∂ = c W c W c W c

Wext elas s cin

∂ ∂ + ∂ ∂ + ∂ ∂ + ∂ ∂ =0 [2.16]

Le taux de restitution d’énergie, G, est défini par : G =

(

Welas Wext Wcin

)

c 2 1 + + ∂ ∂ − [2.17]

La propagation de la fissure sera stable si l’énergie cinétique reste constante au cours de la propagation, soit :

c Wcin

= 0 [2.18]

Les équations [2.2] et [2.5] donne la condition de stabilité :

G = 2γ [2.19]

La propagation devient instable si l’énergie cinétique croit : s

Wcin

> 0 [2.20]

soit : G > 2γ [2.21]

Selon l’évolution de G au cours de l’avancement de la fissure, le mode de propagation peut rester stable ou devenir instable (Figure 2.29). Dans le plan force-déplacement, F-u, la courbe G=2γ donne donc la limite entre la zone de propagation stable et la zone de propagation instable des fissures.

Figure 2.29 : Représentation dans le plan force-déplacement F-u des modes de propagation d’une fissure, d’après Amitrano (1999).

La limite de propagation est donnée par la courbe G = 2γ. Tant que la charge reste faible, la courbe suit la loi d’elasticité linaire, : F=K.u avec K, la rigidité du solide (chemin OA). Si la courbe de charge dépasse le critère (point C), la propagation devient instable et peut mener l’échantillon à la rupture (chemin CH) ou la fissure peut retrouver un état de stabilité après une certaine propagation (chemin CBD). La propagation reprendra alors dès que le critère sera de nouveau atteint (point E).

Figure 2.30 : Schéma des principaux modes d’interaction de microfissures, d’après Kranz (1979). La contrainte déviatoire est verticale.

Figure 2.31 : Concept de coalescence des microfissures accompagnée de déformations permanentes axiales importantes, d’après Eberhardt et al. (1999)

Cependant, l’apparition d’une fissure macroscopique dans une roche soumise à un état de contraintes de compression ne résulte pas de la propagation d’une seule microfissure pré-existante mais de l’interaction et de la coalescence d’un ensemble de micro-discontinuités. Trois mécanismes fondamentaux d’interaction ont été observés dans le granite de Barre par Kranz (1979) ; leurs représentations schématiques sont données à la Figure 2.30.

Eberhardt et al. (1999) ont soumis des échantillons de granite du Lac du Bonnet à une sollicitation uniaxiale cyclique. Alors que le niveau de contrainte excédait à chaque cycle le seuil d’endommagement de la roche, la nucléation de nouvelles fissures n’a pas été observée. En revanche, la propagation et la coalescence des microfissures pré-exitantes ont généré des fissures de taille plus importante et une rupture selon un plan bien défini. Pour expliquer cette observation, les auteurs ont émis l’hypothèse que la coalescence des petites fissures pré-existantes pouvait engendrer des fissures longues dont la pointe se trouverait dans des zones potentiellement plus stables ce qui augmenterait le seuil de propagation (Figure 2.31).