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2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

2.3 Mécanismes de déformation sous sollicitation mécanique Les matériaux rocheux sont des milieux polycristallins, poreux, hétérogènes et très souvent Les matériaux rocheux sont des milieux polycristallins, poreux, hétérogènes et très souvent

2.3.3 Mouvements des défauts du réseau cristallin

A l’échelle du réseau cristallin, l’apparition et le développement des déformations visqueuses sont intimement liés à l’existence et au déplacement des défauts du réseau cristallin (Lemaitre et Chaboche, 1996).

En effet, sous sollicitation mécanique externe, les défauts linéiques se déplacent, se propagent et se multiplient. En particulier, lorsqu’un segment de dislocation de vecteur de Burgers br

se trouve ancré (en A et B sur la Figure 2.18) est sollicité par une contrainte tangentielle σ12 de même direction, celle-ci oblige la dislocation à se déplacer jusqu’à entourer les points A et B. Lorsque les deux branches se rejoignent en C, elles s’attirent et se donnent naissance à une grande boucle et un nouveau segment AB qui peut à son tour générer une autre boucle. Ce développement des dislocations par le mécanisme de Frank-Read a été couramment observé dans les cristaux. L’augmentation de la densité des défauts par empilement à l’intérieur d’un cristal rend les processus de déformation plus difficile. La manifestation macroscopique de ce phénomène est connue sous le terme d’écrouissage.

Figure 2.18: Source de dislocation par le mécanisme de Frank-Read, d’après Lemaitre et Chaboche (1996). Comme nous le verrons dans les paragraphes qui suivent, la réponse différée d’une roche à une sollicitation mécanique ou thermique externe est fonction de nombreux paramètres intrinsèques (composition minéralogique, teneur en eau, taille des grains et porosité) et extrinsèques (état de contrainte, vitesse de chargement, température). Cependant, les processus microscopiques responsables de la déformation de la roche sont dus uniquement à des mouvements fondamentaux des défauts cristallins que Poirier (1995) a récapitulé. Les déformations permanentes plastiques ou viscoplastiques correspondent à des déplacements relatifs d’atomes qui restent stables après cessation de la sollicitation. Nous décrivons ici deux processus simples de déplacement des dislocations, qui peuvent ensuite être associés et donner lieu à des déplacements plus compliqués de glissement dévié.

- Le déplacement des dislocations par glissement suivant un plan

La Figure 2.19 illustre ce mécanisme dans le cas d’une déformation coin au sein d’un cristal cubique simple monoatomique soumis à une contrainte tangentielle σ12. Les ruptures de liaison ne se produisent qu’au voisinage de la ligne de dislocation. Le glissement se propage progressivement d’une extrémité à l’autre du cristal. Il est gouverné par la contrainte de cisaillement locale σ12 si celle-ci dépasse le seuil, caractéristique intrinsèque du cristal, nécessaire

pour activer le mécanisme. Une augmentation de la température diminue ce seuil, mais le processus de glissement peut avoir lieu à basse température si le niveau de contrainte locale est suffisamment élevé.

Pour une dislocation coin, le plan de glissement est unique et défini par la direction du vecteur de Burgers. Pour une dislocation vis, le vecteur de Burgers étant colinéaire au plan de glissement, tous les plans passant par la ligne de dislocation sont de potentiels plans de glissement.

Les plans de glissement sont en général les plans les plus denses du cristal, comme les plans <111> dans les structures cubiques à faces centrées, mais le glissement est facilité par la proximité des atomes du plan considéré.

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Figure 2.19 : Déplacement par glissement d’une dislocation sous l’action d’une contrainte de cisaillement σ12, d’après Lemaitre et Chaboche (1996) : Le cristal est soumis à une contrainte de cisaillement σ12 (1) suffisante pour rompre localement une liaison atomique et générer une dislocation (2) qui se déplace dans le cristal (3et 4). Chaque étape élémentaire requiert le basculement d’une seule liaison atomique, jusqu’au cisaillement du cristal (5).

Si l’on considère un cristal de hauteur h et de longueur l contenant une dislocation localisée en A et qui sous l’action d’une contrainte de cisaillement σ12 se déplace en A’, il est possible d’évaluer la vitesse de déformation du cristal,ε&. En effet, lorsque que celle-ci aura traversé le cristal, il en résultera un cisaillement ε = hb, avec b, l’épaisseur de la couche ; donc en se déplaçant de A en A’, seule une fraction δε de ε a été réalisée :

δε = l x h b δ [2.2] σ12

Si δt est la durée du déplacement δx, on peut écrire : ε&= V hl b [2.3] avec V = t x δ

δ : vitesse de glissement de la dislocation.

En généralisant ce résultat à une distribution de N dislocation sur la surface S = hl, avec ρ la densité de dislocations (ρ =

S N

), on obtient l’équation de transport d’Orowan :

ε&=ρbV [2.4]

- Le déplacement des dislocations par montée

Ce déplacement est lié à la diffusion de lacunes atomiques. Une lacune proche d’une ligne de dislocation sous l’action d’une force extérieure peut recevoir un atome qui appartenait initialement à la dislocation. Toute la rangée d’atomes ayant permuté, la dislocation est montée d’un espace interatomique (Figure 2.20). Contrairement au mécanisme de glissement, le déplacement par montée est indépendant du niveau de contrainte. Le taux de déformation est déterminé par la capacité de diffusion des atomes constituant le minéral.

Figure 2.20 : Déplacement d’une dislocation par montée, d’après Lemaitre et Chaboche (1996).

L’activation thermique favorise le déplacement des dislocations ; ces phénomènes se manifestent donc plutôt pour des températures élevées, supérieures à 1/3 de la température de fusion, Tf. Dans les roches où les liaisons entre atomes sont fortes et empêchent le déplacement des dislocations, ces mécanismes ne peuvent être observés que dans des conditions de température élevée, généralement de 50 % à 90 % de la température de fusion mais parfois même inférieure, suivant la nature de la roche, ses minéraux, et sa teneur en eau structurale comme l’a rappelé Gatelier (2001).

Dans les polycristaux dont les grains sont de petites tailles, on observe une diffusion de ses défauts intragranulaire ou intergranulaire.

Lors de la diffusion intragranulaire, appelé également fluage de Nabarro-Herring, les éléments du réseau cristallin, ions ou atomes, se déplacent à l’intérieur de celui-ci, générant un mouvement en sens inverse des lacunes du réseau. Ce mécanisme n’est important qu’à température élevée, proche de la température de fusion du minéral. Dans ces conditions, les atomes sont

suffisamment mobiles pour générer une déformation non négligeable par déplacement de matière des zones en compression vers les zones en extension (Figure 2.21).

Figure 2.21 : Diffusion des atomes depuis les faces comprimées du cristal vers les faces tendues, d’après Guéguen et Palciauskas (1992).

Il est possible de calculer la vitesse du fluage de Nabarro-Herring ; la démonstration est rappelée par Guéguen et Palciauskas (1992).

Les concentrations de lacunes sur chaque face du cristal sont différentes ; elles valent : - faces en compression :

C1 = C0 exp(-σv/RT) [2.5]

- faces en extension :

C1 = C0 exp(σv/RT) [2.6]

avec : C0 la concentration à l’équilibre en l’absence de contrainte V, le volume atomique

T, la température

R, la constante des gaz parfaits

Si le transport de matière s’effectue en sens inverse de la migration des lacunes, le flux de lacunes entre 2 faces vaut d’après l’équation de Fick (Dv est le coefficient de diffusion des lacunes en volume) : Jv = - Dv       − hC C2 1 [2.7]

Le nombre de lacunes transportées d’une face à l’autre par seconde est :

N = - Jvh2 = Dv(C2 – C1)h [2.8]

∆ε = h b

[2.9] Une couche représente un nombre de lacunes égal à :

n = bhb32 [2.10]

Donc pour N lacunes, la déformation produite en 1 seconde s’écrit :

ε&= N h b 3 3 = 3 h Nv [2.11] v représentant le volume atomique.

Si la contrainte et faible et la température élevée, on peut écrire : N = Dv(C2 – C1) h ≅ h

RT D

[2.12]

Avec D = C0vDv = D0 exp(-E/RT)

D’où l’expression de la vitesse de fluage de Nabarro-Herring (diffusion) :

ε&= 2 h D RT v 2σ [2.13]

ε& est donc une fonction linéaire de σ mais varie avec l’inverse du carré de la hauteur du cristal et de façon exponentielle avec la température dans l’expression de D. Le fluage par diffusion domine donc à haute température et pour des grains de petite taille.

Lors de la diffusion intergranulaire, ou fluage de Coble, les atomes se déplacent dans les joints de grains. Ce mécanisme plus rapide, qui intervient à des températures moins élevées que le fluage de Nabarro- Herring, engendre des déformations plus importantes.

Les mécanismes décrits ici se manifestent lors d’essais de fluage et de chargement quasi statique. Il est important de noter que d’après Cristescu et Hunsche (1997), la relaxation des contraintes ne génère pas de modification de la microstructure du matériau.