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2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

2.5 Déformations des roches anisotropes et mode de rupture en compression simple compression simple

2.5.3 Déformations irréversibles et modes de rupture

Bien que peu nombreuses, toutes les études sur des roches orthotropes de révolution concernant leur comportement inélastique révèlent l’importance de l’anisotropie de structure sur le développement des déformations irréversibles.

Lors d’essais de compression isotrope réalisés sur des échantillons de diatomite à symétrie orthotrope de révolution, Allirot et al. (1977) ont mis en évidence le développement de déformations irréversibles à déviateur non nul. Lorsque l’axe de révolution des éprouvettes ne coïncide pas avec les axes de symétrie matérielle de la roche, les échantillons initialement cylindriques à section circulaire se déforment en cylindres obliques à section elliptique (Figure 2.51). Cette roche anisotrope soumise à une pression isotrope subit donc des distorsions.

Lors d’essais de fluage de longue durée, Zhang et Rothfuchs (2004) ont comparé les courbes de déformations en fonction du temps de deux échantillons d’argilite de l’Est, chargés l’un parallèlement et l’autre perpendiculairement aux plans de litage de la roche. Ils ont observé une déformation totale supérieure lorsque le déviateur de contrainte est perpendiculaire au litage. Cependant, l’amplitude des déformations viscoplastiques et la vitesse de déformation différée ne semblent pas influencées par la direction du chargement, comme on peut le voir sur la Figure 2.52. Ils confirmèrent ainsi les résultats déjà obtenus par Rejeb (2003) : ces essais de fluage triaxiaux sur des échantillons d’argilite de Tournemire d’orientations différentes (β = 0°, 30°, 45° et 90°) ont montré que la déformation axiale d’un échantillon d’orientation θ = 90° est en moyenne 30% inférieure à celle d’un échantillon d’orientation θ = 0° sous le même déviateur de contrainte. Elle est maximale pour θ = 45°.

Gatelier (2001) a réalisé une série d’essais de compression cyclique sous différentes pressions de confinement afin de déterminer si l’endommagement du grès des Vosges est influencé par l’anisotropie structurale de la roche. Les résultats obtenus montrent que sous une pression de confinement supérieure à la moitié de la résistance à la compression simple, l’influence de l’anisotropie sur l’endommagement est négligeable. En revanche, en compression uniaxiale, l’évolution des modules directionnels et des déformations irréversibles dépendent fortement de l’anisotropie de la roche. Les plans des strates agissent comme des plans de faiblesse où se développent la microfissuration.

(a)

(b)

Figure 2.51 : (a) : Anisotropie des déformations irréversibles d’échantillons cylindriques de diatomite sous une contrainte hydrostatique de 100 MPa (le chiffre sous chaque échantillon correspond à l’orientation θde

l’échantillon), d’après Allirot et al., 1977. (b) : Schémas réalisés par Kwasniewski (1993) sur la base de ces photos (orientation β)

Figure 2.52 : Influence de l’anisotropie sur le comportement en fluage de l’argilite de l’Est : essais de fluage sous différents déviateurs de contrainte orientés parallèlement ou perpendiculairement au litage de la roche, d’après

Comme pour les roches isotropes, le mode de rupture des roches anisotropes dépend de la pression de confinement (transition fragile-ductile). Il dépend également fortement de l’orientation des plans de litage par rapport à la contrainte principale majeure. En effet, l’orientation d’une fissure par rapport au champ de contraintes détermine son mode de sollicitation et donc de propagation. Trois modes élémentaires de propagation existent ; ils sont décrits sur la Figure 2.53.

Mode I Mode II Mode III Figure 2.53 : Modes de propagation d’une fissure.

Le mode I de propagation conduit facilement à la rupture de l’échantillon car il n’induit pas de frottement sur les lèvres de la fissure qui se propage donc dans son propre plan de symétrie (rupture en traction). Dans le cas des essais de compression, les modes II et III deviennent prépondérants à l’approche de la rupture. Pour un chargement quelconque, plusieurs modes élémentaires peuvent se superposer ; on parle alors de mode de rupture mixte.

L’anisotropie des matériaux rocheux est généralement planaire, induite par des caractères génétiques comme la stratification dans le cas des matériaux sédimentaires ou la foliation et la schistosité dans le cas des matériaux métamorphiques. On distingue trois positions principales d’une fissure par rapport à la structure anisotrope de la roche (Figure 2.54).

Pour une rupture en traction (mode I), l’énergie nécessaire à la propagation de la fissure dans le cas (b) sera plus élevée que dans le cas (c). Le cas (a) est un cas intermédiaire. Whittaker et al. (1992) expliquent ces observations par le fait que dans le cas (c) la fissuration se développe selon un plan d’isotropie qui présentent généralement une résistance mécanique plus faible alors que dans les cas (a) et (b), les dissipations d’énergie se font en dehors du plan d’avancée de la fissure. Dans le cas de rupture en mode II ou III, c’est l’orientation de la contrainte principale par rapport aux plans d’anisotropie qui conditionne la propagation de la fissuration. Cette influence se traduit généralement par une résistance à la rupture plus élevée quand la direction de la contrainte principale de compression est parallèle ou perpendiculaire à la direction principale de l’anisotropie.

(a) (b) (c)

Figure 2.54 : Positions principales d'une fissure par rapport à la structure anisotrope d'un matériau rocheux, d'après Schmidt (1976), cité par Whittaker et al, (1992).

L’étude du comportement mécanique des roches anisotropes réalisée par Donath (1960-1964) et l’analyse du mécanisme de rupture de l’ardoise de Martinsburg ont permis de préciser le rôle joué par ce paramètre sur le mode de rupture de la roche. Pour des angles β compris entre 15° et 60°, Donath a observé que la rupture se produit généralement parallèlement aux plans de litage. En revanche, pour des angles β = 60-90°, la surface de rupture recoupe les plans de stratification, formant un angle de 45° à 60° avec la direction de la contrainte principale maximale (Figure 2.55). Niandou (1994) en réalisant le même genre d’étude sur l’argilite de Tournemire est arrivé aux mêmes conclusions. Comme d’autres, il a observé lors de ses essais de compression triaxiale :

- des ruptures par glissement le long des plans de stratification pour β = 15° à 45°.

- des ruptures par cisaillement pour β = 60 à 90°: les plans de rupture forment en général un angle le 20 à 30° avec la direction de la contrainte principale majeure quelle que soit l’orientation de l’échantillon.

- des glissements ‘plastiques’ le long d’un plan de stratification pour β = 40°-90°, surtout sous confinement élevé.

- des écoulements déviés : rotation du plan de faiblesse pour β = 0°-30°.

Figure 2.55 : Angle et mode de rupture de l’ardoise de Martinsburg suivant l’orientation de la contrainte principale majeure par rapport à la stratification, d’après Donath (1964).

Toutes les études antérieures sur ce sujet ont montré que le mode de rupture des roches anisotropes varie continûment suivant l’orientation β et la pression de confinement.

En compression simple, on observe des plans de rupture par extension structurale (le long des plans de stratification) pour les orientations θ proche de 90°, par extension astructurale pour θ

proche de 0° et des ruptures par cisaillement le long des plans de litage pour les orientations θ

telles que 45° ≤ θ ≤ 75°. Sous faible pression de confinement, la rupture survient par cisaillement structural pour 45° ≤ θ ≤ 75° et par cisaillement astructural pour les autres orientations. Sous fort confinement, on observe des ruptures cataclastiques. La Figure 2.56 illustre ces différents modes de rupture pour des échantillons de diatomite testés en compression simple et triaxiale (Allirot et Boehler, 1979).

Entre 1995 et 1998, une série d’essais de fluage a été réalisée par l’ANDRA afin d’étudier l’influence de l’anisotropie de l’argilite de l’Est sur ces propriétés mécaniques à long terme. Les résultats obtenus ont mis clairement en évidence que les vitesses de fluage à long terme étaient similaires sur des échantillons carottés perpendiculairement et parallèlement au litage. (cité par Gasc-Barbier, 2002). Bien que l’anisotropie de structure de cette roche induise une anisotropie des caractéristiques mécaniques à court terme, tel que le module d’élasticité, il semblerait donc qu’elle n’influence pas la vitesse des déformations viscoplastiques de la roche à long terme.

Figure 2.56 : Influence de l’orientation θ et de la pression de confinement sur le mode de rupture de la diatomite en compression, d’après Allirot et Boehler (1979).