• Aucun résultat trouvé

2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

2.6 Détection de l’endommagement

2.6.2 Apport des mesures de vitesses de propagation des ondes P

Lors d’un essai de compression, il est possible de détecter l’initiation de l’endommagement et de suivre son évolution par des observations et mesures indirectes, comme la mesure des vitesses de propagation d’ondes.

L’auscultation ultrasonique d’échantillons de roches consiste à émettre un signal ultrasonore (fréquence supérieure à 20kHz) sous forme d’une impulsion (Dirac) et d’analyser sa propagation dans l’échantillon. On mesure le temps de parcours, t, de l’onde entre deux capteurs piézo-électriques, un émetteur et un récepteur, placés au contact de l’échantillon, distant de la longueur L de l’échantillon et on en déduit la vitesse de l’onde :

V [m.s-1] = t L

[2.37]

avec L : distance entre l’émetteur et le récepteur.

t : temps de parcours de l’onde.

Deux types d’ondes sont couramment utilisés : les ondes de compression (P, premières ou longitudinales) et les ondes de cisaillement (S, secondes ou transversales). La vitesse de propagation de ces ondes est étroitement liée aux caractéristiques physiques du matériau (composition minéralogique, porosité, état de saturation, anisotropie) mais également à ses caractéristiques mécaniques (résistance, caractéristiques élastiques). Cette méthode est donc également utilisée pour évaluer l’homogénéité d’un lot d’échantillons avant essais.

Le temps de propagation t est mesuré par le pointage de la première arrivée. Cette onde directe est la plus rapide mais elle n’a pas forcément transité en ligne droite de l’émetteur vers le récepteur. En réalité, l’onde directe traverse les discontinuités de la roche, pores et fissures, qui constituent des ‘ralentisseurs’ (vitesse des ondes dans l’air : 330 m.s-1 et vitesse dans l’eau : 1400 m.s-1). Sa vitesse est donc surestimée puisque son parcours est sous-évalué.

La vitesse des ondes P et des ondes S est affectée par la porosité de la roche et sa nature (porosité de pores ou de fissures). Expérimentalement, sur des roches de même composition minéralogique, on a observé que la vitesse des ondes décroît lorsque la porosité augmente, mais cette diminution de la vitesse est aussi fonction de la nature des discontinuités : pores ou fissures. Ces mesures peuvent donc permettre de quantifier et qualifier la porosité d’une roche.

Dans les roches poreuses, la première arrivée passe généralement par les ponts de ciment entre grains et transite à une vitesse constante bien supérieure à celle mesurée dans l’eau ou l’air, mais son trajet est d’autant plus long que la porosité est élevée. Pour les roches fissurées, la première arrivée a généralement traversé les fissures qui de part leur morphologie très allongée et peu épaisse ne sont pas contournées par la première onde arrivée.

A partir d’observations empiriques sur différentes familles de roches poreuses et fissurées Fourmaintraux (1975) a construit des abaques établissant les corrélations entre la vitesse des ondes P et la porosité. Afin de s’affranchir des caractéristiques minéralogiques, Fourmaintraux a utilisé un paramètre adimensionnel basé sur la mesure de vitesse et la composition de la roche testée : l’indice de continuité, IC exprimé en % et calculé avec la formule suivante :

IC = Vlc

Vl

x 100 [2.38]

où Vl est la vitesse mesurée et Vlc la vitesse théorique maximale que l’on aurait dans le même matériau à porosité nulle.

roche est polyminérale, Vlc est la somme des vitesses mesurées dans chaque minéral pondérées par sa proportion dans la roche. Dans le Tableau 2.4, sont données à titre d’exemples quelques valeurs de vitesses des ondes P mesurées dans différents minéraux.

Des mesures de vitesses sur des échantillons secs permettent avec l’abaque de Fourmaintraux, présenté sur la Figure 2.58, d’identifier et de quantifier la nature de la porosité de la roche.

L’augmentation de la porosité de fissures a une influence plus importante sur la vitesse des ondes P que l’augmentation de la porosité de pores. En théorie, le développement de fissuration due à l’endommagement peut donc être mesuré au cours d’un essai grâce à cette méthode. L’évolution de l’endommagement est ainsi suivie de manière indirecte.

Minéraux Vlc [m.s-1] Minéraux Vlc [m.s-1] Quartz 6050 Muscovite 5800 Calcite 6660 Amphibole 7200 Dolomite 7500 Gypse 5200 Feldspaths 5800-6250 Magnétite 7400 Biotite 5150 Pyrite 8000 Tableau 2.4 : Quelques valeurs de vitesses d’ondes ultrasoniques dans différents minéraux.

Figure 2.58 : Abaque de Fourmaintraux : Détermination de la porosité. Si pour une roche, on mesure IC = 70 % et n = 10 %, alors la porosité de pores , np = 9,3 % et la porosité de

Dans un milieu solide, la vitesse des ondes est fonction des caractéristiques élastiques du matériau. Si on suppose le milieu homogène, isotrope et élastique, les expressions du coefficient de Poisson et du module d’Young en fonction des vitesses VP et VS des ondes P et S sont :

ν = 2 P S 2 P S V V 1 V V 2 1       −       − [2.39] E = ρ

( )( )

(

−ν

)

ν − ν + 1 2 1 1 V 2 P [2.40]

Lorsque l’on ne peut mesurer que VP, E est calculé en supposant ν = 0,25. De plus, la vitesse des ondes P et S s’écrit également :

VP = ρ + G 3 4 K [2.41] VS = ρ G [2.42] avec : G, le module de cisaillement

K, le module de compressibilité

ρ, la masse volumique

Le module d’Young, Ed, dit dynamique déduit par cette méthode est généralement plus élevé que le module d’Young, Estat, dit statique mesuré à partir d’un essai mécanique. En mesurant la vitesse des ondes P et S au cours d’un essai mécanique, il est en théorie possible de suivre l’évolution de E et ν en fonction de la contrainte appliquée ou du temps. La diminution de ces caractéristiques élastiques traduit l’endommagement de la roche.

D’une manière similaire, pour les roches anisotropes, des mesures de vitesses soniques peuvent permettre de calculer les paramètres élastiques. Cette méthode a été appliquée sur l’argilite de l’Est par Cuxac et al. (1992) qui ont réalisé des mesures de vitesses dans différentes directions (Figure 2.59) et ont pu déterminer à partir de l’équation de Christoffel (élasticité dynamique), les modules élastiques de argilite de l’Est qui sont répertoriés dans le Tableau 2.5.

E1 = 7,885 GPa ν12 = 0,05

E2 = 29,290 GPa G21 = 5,995 GPa ν23 = 0,08

Tableau 2.5 : Modules élastiques dynamiques de l’argilite de l’Est déterminés par mesures des vitesses des ondes P et S, d’après Cuxac et al. (1992).

Figure 2.59 : Directions de propagation et de polarisation minimales nécessaire au calcul de la matrice de raideur d’une roche orthotrope de révolution, d’après Cuxac et al. (1992).

Sammonds et al. (1989) ont suivi la variation des ondes P et S, mesurée suivant l’axe de chargement dans le grès de Darley Dale, testé en compression avec une pression de confinement de 50 MPa (Figure 2.60). Ils ont ainsi observé une augmentation initiale des vitesses qui correspond à la phase de serrage puis une décroissance due à l’ouverture de nouvelles fissures principalement verticales. En effet, alors que les ondes P sont surtout affectées par des fissures perpendiculaires à la direction de propagation, les ondes S le sont davantage par des fissures parallèles à cette même direction. Les variations de vitesses soniques révèlent donc l’anisotropie de la distribution des fissures.

Sur les courbes de la Figure 2.60, on constate que les vitesses des ondes P et S commencent à diminuer dans la phase élastique de la déformation axiale mais σci marquant le début de l’endommagement est définie par la perte de linéarité de la déformation transversale, courbe non donnée ici.

Figure 2.60 : Variation des vitesses des ondes de compression, VP, et de cisaillement, VS sur le grès de Darley Dale sous 50 MPa de confinement, d’après Sammonds et al. (1989).

Par une méthode d’analyse inverse des vitesses des ondes de compression et de cisaillement mesurées suivant les trois directions orthogonales d’un échantillon cubique de grès de Berea, Sayers et al. (1990) ont retrouvé sa densité de fissures, supposées circulaires, et leur distribution. Le résultat de leur étude confirme que les fissures se propagent préférentiellement dans la direction parallèle à la contrainte de compression maximale.

Cuxac et al. (1992) se sont servis de la mesure de propagation d’ondes ultrasoniques pour déterminer les paramètres élastiques de différentes roches anisotropes, notamment un schiste, un gneiss et une argilite. S’étant limité à la phase élastique dans la plupart de leurs expériences, ils n’ont pas détecté de diminution de vitesse liée à l’endommagement de la roche. Lors de ces essais mécaniques, ils ont tout de même observé une augmentation des vitesses avec la contrainte du fait de la fermeture des fissures, plus sensible pour les roches orthotropes de révolution lorsque l’onde se propage perpendiculairement au plan du litage, qui correspond généralement au plan de fissuration.

Nur et al. (1969) ont mis en évidence que la formation de microfissures parallèles à la direction de la contrainte principale majeure de compression, uniformément réparties dans l’échantillon, provoque une augmentation de l’atténuation du signal alors que la vitesse de propagation reste stable. Mais, à la localisation, l’atténuation croit brutalement et la vitesse chute.

Pettitt et al. (2002) ont utilisé la mesure de propagation d’ondes soniques in situ pour étudier l’impact du creusement de forages sur le granite du laboratoire souterrain d’Äspö (Suède). Ils mirent en évidence l’homogénéité et l’isotropie de la roche intacte puis observèrent une variation de vitesse des ondes P et S due à l’excavation. Ces variations ont ensuite pu être corrélées avec la fracturation de la zone endommagée par le champ de contrainte induit par ce creusement. Les informations apportées par ces mesures ont donc permis d’estimer quantitativement l’endommagement de la roche à proximité des forages.

Les variations de la vitesse des ondes soniques étant assez faibles au cours d’un essai, la mesure de l’atténuation de l’énergie transmise pendant le temps de parcours de l’onde est souvent un paramètre plus significatif. Cette méthode a été utilisée par Couvreur et Thimus (1998) pour étudier la rupture progressive d’un calcaire en compression uniaxiale cyclique.