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2 Déformation viscoplastique et endommagement des roches

3 Etude expérimentale du comportement mécanique différé des roches argileuses

3.6 Conclusions de l’étude expérimentale

Cette étude expérimentale composée d’essais de fluage et de chargement quasi statique a montré que l’argilite de Tournemire, l’argilite de l’Est et la marne du Mont d’Or, ont un comportement mécanique très similaire sous compression uniaxiale.

En chargement quasi statique, il est notamment caractérisé par un développement de la déformation volumique, linéaire avec la contrainte, jusqu’à l’initiation de la dilatance, quelle que soit la vitesse de chargement ou l’orientation de la stratification.

La dilatance n’apparaît pas systématiquement lors de ces essais. Mais elle est en général assez tardive donnant une contrainte de contraction maximale, σcd proche de la contrainte de rupture

σf. En compression simple, dès que la propagation des fissures devient instable, les caractéristiques mécaniques de ces roches argileuses se dégradent rapidement, menant l’échantillon à la rupture. La détermination de σcd est donc difficile et le petit nombre de valeurs obtenu la rend relativement imprécise bien que σcd soit un paramètre important pour les essais de fluage : cette contrainte représente, en théorie, le déviateur minimal à imposer pour atteindre le fluage tertiaire.

En ce qui concerne l’influence de la vitesse de déformation sur le comportement mécanique de ces trois roches, on observe, de manière classique, une augmentation de la résistance à la compression simple avec la vitesse de chargement sur l’argilite de l’Est. Aucun effet n’est décelable sur l’argilite de Tournemire (plage de vitesse explorée trop étroite) ou la marne du Mont d’Or (dispersion des résultats).

Ces premières conclusions mériteraient d’être affinées au moyen d’autres essais sur une plage de vitesse plus large et d’être complétées par des essais sur des éprouvettes d’orientation intermédiaire, 30°, 60° et 75°. Ces essais devraient permettre de quantifier plus précisément l’évolution des contraintes σf et σcd en fonction de l’orientation, θ, des éprouvettes et de la vitesse de sollicitation, pour ainsi déterminer des contraintes caractéristiques plus représentatives.

Les essais de fluage ont montré qu’une part importante des déformations de l’argilite de l’Est, la marne du Mont d’Or et l’argilite de Tournemire sont d’origine viscoplastique. Les déformations différées sous charge constante de ces trois roches argileuses peuvent représenter 30 à 55 % de la déformation totale après quelques semaines ou quelques mois d’essai.

Lors des essais de fluage, le calcul de la déformation volumique fait apparaître que les déformations viscoplastiques ne se développent pas à volume constant (hypothèse de la loi de Lemaitre). Lors de l’essai réalisé sur l’argilite de l’Est, après une importante contraction de l’échantillon durant le fluage primaire, nous avons mesuré une forte dilatance accompagnant la phase de fluage secondaire et se développant à la vitesse constante de 1,0.10-10 s -1. La marne du Mont d’Or a eu un comportement strictement contractant même durant la phase de fluage secondaire que nous avons atteinte sous de forts déviateurs lors des deux essais réalisés sur cette roche. En revanche, l’argilite de Tournemire a montré un comportement contractant en fluage primaire et secondaire puis dilatant en fluage tertiaire. Cependant, certains échantillons, comme le AT M5 400.1, sont entrés en dilatance dès le premier palier de chargement.

Nous avons pu mettre en évidence, en compression uniaxiale, avec des déviateurs proches de la résistance à la rupture (q > 90 % de σf), l’existence d’une phase de fluage secondaire dans l’argilite de l’Est, la marne du Mont d’Or et l’argilite de Tournemire.

Cette observation est plus classique dans le sel gemme ou la glace. L’existence d’une phase de fluage secondaire dans les roches dites “dures” ou “fragiles” est souvent remise en question ; cette phase ne serait pour certains auteurs qu’apparente et confondue avec le passage du fluage primaire ou fluage tertiaire (Dusseault et Fordham, 1993).

De plus, lors d’essais antérieurs réalisés en laboratoire, sur des durées variant de quelques heures à quelques mois, l’argilite de l’Est n’avait jusque là pas présenté de phase de fluage secondaire nettement identifiable : sa vitesse de déformation viscoplastique continuait à diminuer (fluage primaire) tant que l'endommagement du matériau n’est pas atteint (fluage tertiaire). Notre essai a été réalisé en compression uniaxiale sous un fort déviateur (q > 90 % de σf) mais sa reproductibilité n’ayant pu être testée faute d’échantillon, nous resterons prudents sur sa conclusion. En revanche sous fort déviateur, l’argilite de Tournemire et la marne du Mont d’or présentent nettement des phases de fluage secondaire où la vitesse de déformation viscoplastique est constante.

De plus, d’après les résultats obtenus sur l’argilite de Tournemire, il semble que cette vitesse de fluage secondaire soit une fonction croissante du déviateur de contrainte appliqué. Les vitesses de déformations mesurées sont très faibles, de l’ordre de quelques µm par jour, mais une augmentation du déviateur accélère le développement des déformations viscoplastiques.

Les résultats d’études expérimentales antérieures sur l’argilite de Tournemire ont mis en évidence que les vitesses de fluage à long terme étaient similaires sur des échantillons carottés perpendiculairement et parallèlement au litage. (cité par Gasc-Barbier, 2002). Bien que l’anisotropie de structure de cette roche induise une anisotropie des caractéristiques mécaniques à court terme, se répercutant entre autres sur les paramètres élastiques de la roche (Niandou, 1994), elle n’influence pas la vitesse de déformation de la roche à long terme. Sur la base de cette conclusion, l’orientation des échantillons (θ = 90°) utilisés pour cette étude expérimentale du comportement à long terme de l’argilite de Tournemire n’a donc pas d’influence sur les vitesses de déformation calculée.

Au cours des essais de fluage sur la marne du Mont d’Or, nous avons mis en œuvre une série de cycle de charge-décharge pour vérifier la validité de l’hypothèse d’une activation du fluage par ce procedé (Goodall et al., 1980 ; Graiss, 2000). Même si, avec des régressions linéaires aux coefficients de corrélation très mauvais, les vitesses calculées étant faibles, une augmentation de la vitesse de fluage après un cycle de charge-décharge est perceptible, les effets des cycles varient d’un palier à l’autre et ce résultat reste à confirmer. Il est donc difficile de conclure quant à l’influence de cycles de charge-décharge sur l’accélération des déformations viscoplastiques.

habituellement dans les essais de fluage cyclique (de 0,25 à 20 Hz pour les essais de fatigue de Mora, 1982). Cependant, ces cycles entrecoupés de période de recouvrance ont montré qu’à cette fréquence, avec une période de recouvrance de 24h, un cycle de décharge-recharge n’influence pas le comportement de la roche. Les niveaux de déformations axiales et transversales atteints avant la décharge et après la recharge sont identiques et le fluage reprend à la même vitesse. En revanche, après une période de recouvrance plus longue, on retrouve la courbure du fluage primaire après la recharge de l’échantillon.

Nous avons présenté une superposition des courbes donnant la déformation axiale viscoplastique en fonction du temps obtenue pour chacun palier lors de tous les essais de fluage réalisés. Cette représentation facilite la comparaison des courbures des phases de fluage primaire et l’identification de l’apparition du fluage secondaire, difficilement repérable sur la courbe complète. Ces représentations nous ont permis de vérifier que la forme de la courbe de la phase primaire est caractéristique de la roche. Lors des essais multipaliers, nous avons également constaté qu’au-delà d’un certain seuil de contrainte et/ou de déformation, le comportement en fluage de la roche n’est pas affecté par une augmentation faible du déviateur : lorsque le fluage secondaire est atteint au palier précédent, il se poursuit après l’augmentation de la charge, à une vitesse légèrement supérieure.

La durée des essais de fluage et leur difficulté de réalisation n’ont pas permis leur multiplication qui aurait pourtant amélioré la représentativité des résultats. Les conclusions présentées ici n’ont donc pas encore un caractère général pour le comportement des roches étudiées.

Des mesures de vitesses soniques ont été réalisées pour évaluer l’endommagement des échantillons lors d’un essai de chargement quasi statique et d’un essai de fluage sur l’argilite de Tournemire. Le dispositif mis au point dans cet objectif est très facilement utilisable et ses capteurs piézo-électriques en PVDF peuvent être incorporés sans difficulté d’instrumentation à aux cellules d’essais.

Les résultats de ces mesures restent conformes aux prédictions théoriques (Sammonds et al., 1989). Lors du chargement quasi statique, on observe une augmentation de la vitesse due à la contractance du matériau puis une diminution due à l’endommagement de la roche (ouverture de fissures). Lors de l’essai de fluage, on mesure une augmentation de la vitesse des ondes P linéaire avec le temps, puis une diminution de la vitesse due à l’endommagement progressif du fluage secondaire et enfin, une chute lors de la phase de fluage tertiaire. Ces premières mesures de vitesses d’ondes soniques sur un essai de fluage de longue durée sont conformes aux conclusions de Nur et al. (1969).

La rupture des échantillons testés en fluage ou chargement quasi statique s’est produite de manière classique. Elle est de type fragile et se développe de manière structurale, dans les plans de litage pour les échantillons orientés à θ = 90° et astructurale, dans des plans de verticaux lorsque

θ = 0°et θ = 45° où ils sont alors légèrement déviés par la stratification.

Tous les essais de compression ont été réalisés en conditions drainées, la membrane étanche limitant les pertes hydriques lors des essais de longue durée n’empêchant pas le drainage du matériau. Cependant, les déformations volumiques mesurées sont suffisamment faibles pour éviter une resaturation au cours de la compression : aucune surpression interstitielle ne s’est donc développée dans nos échantillons.

La cellule de compression uniaxiale transparente développée au cours de cette thèse permet un suivi visuel de la déformation qui améliorera l’analyse des essais chargement quasi statique. Elle peut également être utilisée en fluage bien que nous n’ayons pu le faire.

A partir des échantillons rompus d’argilite de l’Est et de marne du Mont d’Or, plusieurs lames minces ont été réalisées. Elles vont être observées au microscope optique et électronique afin d’identifier à l’échelle microscopique les mécanismes de déformations viscoplastiques dans ces roches argileuses. Cette étude microstructurale est l’objet du chapitre 4.

De plus, l’étude expérimentale sera complétée par le calage analytique d’un modèle rhéologique utilisant la loi de Lemaitre, modifiée pour tenir compte des comportements volumiques observés. Cette modélisation analytique du comportement différé de l’argilite de l’Est, la marne du Mont d’Or et l’argilite de Tournemire sera traitée dans le chapitre 5 qui exploitera tous les résultats expérimentaux présentés dans ce chapitre 3.

4 Analyse microstructurale de la déformation différée