• Aucun résultat trouvé

Le paradigme « bioécologique » et la personne avec des incapacités de développement

Lʼinteraction de la personne avec lʼunivers social et physique qui compose son environnement est une question dʼéchanges réciproques entre cette personne et des contextes multiples plus ou moins spécifiques (figure 16).

Figure 16 – La relation éducative et les contextes de vie.

Lʼinteraction (2) de notre modèle de la relation éducative est en réalité une interaction qui doit considérer lʼexistence de ces autres contextes, ne serait-ce que pour le transfert des apprentissages (Tardif, 1999), mais aussi pour prendre en considération des relations existantes entre les facteurs dʼinfluence et les effets internes au contexte spécifique de la situation éducative structurée par rapport aux autres contextes dʼinfluence.

Il est tout aussi possible et fréquent que le rôle de responsabilité à lʼintérieur de la relation éducative structurée soit assumé, par moments ou simultanément, par dʼautres professionnels (figure 17), ou par dʼautres personnes (parents, enseignants, …) à lʼintérieur dʼun même contexte ou lors du passage dʼun contexte à lʼautre.

Ces phénomènes ont des conséquences évidentes sur le plan de la coordination, la cohérence et la cohésion de lʼaction éducative, tout particulièrement au sein de l'équipe éducative (Mainardi, Solcà, Fratus, 2006 ; Mainardi, 2008).

Des réflexions analogues peuvent être faites pour les deux autres axes des interactions, ceux de la relation éducateur-enfant et de la relation éducateur- univers social et physique, à chaque fois que d'autres personnes, dʼautres contingences supplémentaires spécifiques aux contextes (lʼintervention de nouveaux acteurs – la famille, lʼéquipe, la direction,…– ou de facteurs cadre

comme les lois, les conceptions, la mission et la culture institutionnelle) concourent significativement à déterminer la situation de lʼéchange éducatif et, dʼune manière ou dʼune autre, lʼaction et les effets de lʼaction de lʼéducateur au sein de la relation « orientée » avec lʼenfant et/ou avec lʼenvironnement.

Figure 17 - La relation éducative et les agents de lʼéducation.

Un apport à la conceptualisation de ce type de relations et dʼinfluences est incontestablement celui développé par Bronfenbrenner (1979, 1992).

En fonction de la complexité du modèle associé au paradigme bioécologique du développement nous allons focaliser notre attention sur les trois aspects anticipés auparavant dans ce travail :

1. les attributs personnels qui ont le pouvoir dʼaffecter le développement psychologique et social successif ;

2. le système environnemental et hiérarchique dʼinfluence; 3. la dimension du temps.

Il sʼagit des aspects qui ont davantage intéressé lʼétude des spécificités du système multifactoriel dʼinfluence sur des personnes ayant une déficience intellectuelle, leur entourage ainsi que les niches écologiques qui caractérisent leurs relations réciproques (Sontag, 1996).

Premier aspect: les attributs personnels et lʼinteraction

Pour Bronfenbrenner (1992), la personne dispose dʼattributs personnels capables dʼinfluencer significativement son propre développement psychologique et social. Cʼest cela quʼil appelle des caractéristiques instigatrices du développement et quʼil différencie en deux types principaux :

(1) les « qualités personnelles de stimulation » (personal stimulus qualities ), cʼest-à-dire les caractéristiques personnelles qui invitent ou découragent un

certain type de réactions chez lʼentourage qui peuvent soit favoriser, soit déranger le développement. Elles incluent la personnalité et le tempérament tout comme les caractéristiques physiques et elles seraient aussi en relation avec la perception de lʼacceptabilité sociale de lʼenfant de la part des parents et des proches (Sontag, 1996).

(2) les attributs de structuration développementale (developmentally structuring attributes) tels que lʼinitiation et le maintien de patterns dʼéchanges réciproques avec les personnes qui sʼoccupent de leurs soins, la curiosité intellectuelle, lʼexploration de lʼenvironnement, une conception de soi comme étant un agent actif dans un monde réactif (Bronfenbrenner, 1992, p.219). Ils seraient plus importants que les qualités personnelles de stimulation car ils déterminent une orientation active vers, et une interaction avec, lʼenvironnement (Sontag, idem, p.325). Lʼimportance de la limitation de lʼorientation active de lʼindividu vers son environnement va influencer sensiblement la progression du développement qui sera plus lente et inscrite dans un ensemble de parcours « inachevés » (Sontag, idem, p.325).

Les deux types de caractéristiques instigatrices, à lʼintérieur dʼun environnement, produisent un seul pattern dʼinteraction qui consisterait en un répertoire personnel et spécifique qui est fonction des interactions avec le contexte et qui est plus ou moins favorable au développement de la personne avec des incapacités de développement.

Le type dʼincapacité et la constitution physique de lʼenfant ont naturellement une influence significative sur le développement.

Des aspects de la niche écologique, tels que les supports sociaux, sont également indiqués comme étant des facteurs incisifs pour lʼexploitation de lʼenvironnement, lʼinstigation au développement et la présence de comportements avantageux pour lʼinteraction réciproque.

Sans les inscrire dans un pattern dʼinteraction personnel, nous avons pris en considération la possibilité de lʼexistence de traits particuliers dans les situations dʼéchanges dʼun enfant avec une déficience intellectuelle et ses proches lors de lʼinteraction avec et sur son environnement. Ces traits peuvent jouer un rôle significatif sur lʼinteraction elle-même et exercer un impact au niveau de lʼontogenèse de compétences chez lʼenfant notamment en ce qui concerne le développement de compétences communicatives et de prise de possession de lʼenvironnement .

Avec Lambert (Mainardi et Lambert,1984), lʼapprofondissement de la littérature de l'époque à propos de la genèse des compétences communicatives et des bases de la communication chez lʼenfant en général nous avait permis de mettre en évidence lʼimportance de la structure sociale et des caractéristiques de lʼinteraction précoce à lʼintérieur de la niche écologique mère-enfant avec une déficience intellectuelle:

- 47« Chez le jeune enfant, les premiers modèles de communication concernent lʼutilisation intentionnelle de signaux lui permettant dʼatteindre des "buts" individuels, en agissant sur autrui. Cela implique que la personne à laquelle ces signaux sont adressés puisse reconstruire lʼintention qui a été à lʼorigine de leur production. Nous avons observé, précédemment, comment des comportements précoces de lʼenfant, essentiellement dépendants de stimulations internes, ont un effet de signaux pour les personnes qui lʼentourent. Cependant, ces comportements ne peuvent être produits intentionnellement par lʼenfant, avant la prise de conscience des corrélations existantes entre leur production et leurs effets sur le milieu. La question qui sʼimpose donc à notre attention est de voir comment lʼenfant parvient à dépasser le stade dʼémission de signaux non- intentionnels, mais déjà fonctionnels au niveau des réponses de son entourage, pour atteindre celui de la production de signaux intentionnels.

Dès sa naissance, le jeune enfant dispose de toute une série de compétences précoces et de comportements "protosociaux", constituants lʼéquipement de base nécessaire à promouvoir ou à soutenir des échanges interpersonnels, lorsquʼil est en situation de face-à-face. Les yeux, le visage, la voix, le mouvement, ainsi que dʼautres sources de stimulations caractéristiques de lʼêtre humain, évoquent presque automatiquement une réponse dʼattention chez le nouveau-né, lorsque celui-ci est complètement éveillé. Cette réponse induit chez la mère, presque inévitablement, la manifestation de réponses sociales impliquant lʼutilisation de sources de stimulations auxquelles lʼenfant est particulièrement sensible et qui évoquent chez lui une nouvelle réponse d"ʻintérêt". De cette manière, lʼenfant est, dès son plus jeune âge, impliqué dans des "rituels" dʼéchanges caractérisés par lʼalternance des productions comportementales des deux partenaires, cʼest-à-dire des échanges possédant une qualité conversationnelle distincte. Il sʼagit, cependant, dʼinteractions à "apparence conversationnelle", parce quʼil nʼy a pas de communication au sens propre du terme.

Dans de nombreuses situations, la presque totalité des mères pratiquent une surinterprétation évidente des comportements produits par lʼenfant. Ces échanges se chargent de signification pour lʼenfant et pour la mère, bien avant que le langage verbal puisse être considéré comme opérationnel. Les manifestations comportementales réciproques de lʼenfant et de lʼadulte sont organisées, dans le temps, dans des séquences interactives hautement répétitives, fondées sur un modèle dʼéchange caractéristique de lʼinteraction dyadique : lʼalternance de prise de tours (turntaking).

Chaque partenaire produit un certain comportement et cède ensuite son tour à lʼautre, de façon à ce que ce dernier puisse produire un comportement et céder à nouveau le tour au premier, etc... De cette façon, bien avant que les deux

partenaires parviennent à sʼengager dans un véritable échange communicatif, leurs interactions présentent une alternance au niveau des prises de tour et fournissent la base pour la construction de rôles complémentaires (émetteur- récepteur).

Cependant, enfant et adulte jouent des rôles différents au niveau de la réalisation de ces modèles dʼéchanges fondés sur lʻalternance des prises de tour et sur le renversement des rôles. Cʼest lʼadulte qui est le responsable réel de ce type de structuration des échanges socio-communicatifs, dans la mesure où il parvient à harmoniser ses interventions à la périodicité des manifestations comportementales de lʼenfant. En effet, le comportement spontané de lʼenfant apparaît comme étant organisé en séquences temporelles, à la base desquelles il y aurait des mécanismes endogènes caractérisés par un "mouvement de va et vient" (succion - pause - succion - pause; vocalisation - pause - vocalisation; etc.). La capacité de lʼadulte de percevoir cette périodicité et dʼintervenir activement durant ces pauses (toucher, bercer, parler, regarder, etc.) permet dʼinférer aux toutes premières interactions mère-enfant la structure typique de lʼéchange.

Ce modèle dʼinteraction est, dʼune part, le reflet de la sensibilité de lʼadulte aux manifestations comportementales de lʼenfant et, dʼautre part, est lié au respect que Iʼadulte manifeste vis-à-vis des comportements spontanés de lʼenfant.

En effet, dans tous les cas où lʼon observe lʼapparition de ce type dʼinteraction, lʼacte spontané de lʼenfant se trouve toujours à lʼorigine de la séquence dʼéchange (Camaioni, 1980). Il sʼagit dʼéchanges extrêmement structurés, qui se produisent en fonction des comportements de lʼenfant et du contexte dans lesquels ces comportements apparaissent (routines quotidiennes liées aux soins corporels et aux autres attentions maternelles).

Les réponses maternelles reflètent donc la sensibilité de lʼadulte vis-à-vis de ces facteurs (comportement - contexte) et sont concernées à la fois par les interactions, les attentes, les interprétations ou surinterprétations que celui-ci développe par rapport aux exigences probables de lʼenfant à un moment déterminé.

Les routines journalières, en ce sens, fournissent à lʼenfant des occasions privilégiées, au cours desquelles il peut exercer et expérimenter son rôle de participant actif dans lʼinteraction socio-communicative. En dʼautres termes, la séquence temporelle de lʼinteraction mère-enfant présente très précocement la structure typique du dialogue, mais il est évident quʼen réalité il sʼagit dʼun "pseudo dialogue", parce que les deux partenaires ne jouent pas des rôles égaux ou symétriques (Schaffer, 1977; Camaioni, 1980): la mère répond à lʼenfant, en attribuant à ses comportements une signification communicative et intentionnelle quʼen effet ils nʼont pas. Ces "dialogues" facilitent cependant le partage de ce qui pourrait devenir un événement signifiant pour lʼenfant.

Au début, les comportements de lʼenfant nʼont fonction de signaux que pour la mère. Cependant, la constance des interprétations maternelles (attributions de significations), ainsi que la répétition de ses réponses à ces comportements

"signaux", au cours des routines interactives mère-enfant, amènent peu a peu lʼenfant, en fonction également du développement des compétences dʼextraire et traiter lʼinformation sensorielle, à développer des attentes par rapport à ces comportements. De cette façon, lʼinteraction de type "alternance" prépare et soutient lʼenfant à extraire, de lʼaction combinée mère-enfant, la relation qui lie la réponse maternelle au comportement déclenchant et, en ce sens, favorise la compréhension éventuelle de la signification que certains comportements peuvent assumer au niveau de lʼinteraction mère-enfant. En dʼautres termes, la structure de lʼinteraction prépare lʼenfant à développer des attentes quant au "contenu" de lʼinteraction. Cʼest essentiellement en fonction des "bénéfices" quʼil peut extraire de lʼinteraction que lʼenfant parvient à manifester des comportements complémentaires à ceux de son partenaire :

Le "contenu" de lʼinteraction peut être également conçu comme quelque chose qui est inféré de lʼinteraction, en fonction des significations et des intentions que la mère attribue aux comportements de lʼenfant, et que lʼenfant, en fonction de la sensibilité et de la constance des réponses maternelles, parvient très tôt à sʼapproprier. Prenons lʼexemple dʼun enfant qui prête attention à un objet nouveau :

Indépendamment de lʼensemble de la séquence, on peut remarquer que la mère attribue au fait de prêter attention la signification de "requête de possession" et, en répondant de façon conséquente à son interprétation, elle donne à cet acte un aboutissement fonctionnel. En dʼautres termes, en présentant lʼobjet à lʼenfant, elle infère de lʼacte spontané de lʼenfant (réponse dʼattention) une fonction bien déterminée (approcher Iʼobjet). Des séquences interactives de ce type

mère

“oh, ce qu’il est beau! …” enfant < regarde, touche et vocalise > “ga” mère < approche l’objet à l’enfant et commence > “tu le veux?” enfant < prête attention à un objet >

caractérisent la plupart des échanges socio-communicatifs entre la mère et son jeune enfant. Cependant, pour quʼelles puissent se vérifier, il faut que certaines conditions soient remplies. Camaioni (1980) distingue deux types de conditions susceptibles de faciliter lʼémergence de tels épisodes interactifs : a) la proximité dans lʼespace, et b) lʼorientation de lʼattention visuelle (orientation du regard des deux partenaires). Cette dernière condition se différencie comme suit :

-lʼattention du partenaire sur celui qui initie lʼinteraction et/ou sur lʼobjet/lʼactivité de celui qui initie lʼinteraction ;

-le copartage de lʼattention de chaque partenaire sur lʼautre ;

-le copartage de lʼattention des deux partenaires sur un "focus" commun (objet, activité, événement).

Lorsque les deux pré requis, la proximité et lʼorientation, sont présents en même temps, les conditions optimales pour lʼémergence de lʼinteraction sont réalisées et cela, par opposition aux conditions favorables pour la non interaction survenant lorsquʼil nʼy a pas copartage de lʼattention et quand les deux partenaires sont éloignés. Ce phénomène de "co-orientation de lʼattention" joue un rôle fondamental au niveau du copartage de centres communs dʼintérêt entre enfant et adulte. Tout comme dans lʼalternance des prises de tour, cʼest essentiellement la mère qui produit ce phénomène, en suivant la ligne du regard de lʼenfant. Lʼattention que lʼenfant prête spontanément à certains stimuli de lʼenvironnement est copartagée par la mère et contrôlée au niveau de lʼinteraction par lʼexploitation quʼelle fait de ces stimuli. Grâce à ce focus commun, lʼinteraction mère-enfant évolue autour dʼun même "objet de contemplation".

Cependant, avant de commencer à se porter sur les objets, lʼattention de lʼenfant se focalise essentiellement sur le visage humain. Ce nʼest que lorsque lʼenfant parvient à prendre les objets que le contact oculaire face-à-face diminue brusquement. Si, auparavant, on pouvait observer un contact oculaire mère- enfant qui prenait les huitante pour cent du temps de lʼinteraction en présence dʼun objet, maintenant, dans la même situation, le contact oculaire avec la mère ne constitue plus quʼenviron quinze pour cent du temps total (Bruner et Garton, 1978). Cʼest essentiellement à ce moment que lʼorientation de lʼattention maternelle assume un rôle extrêmement important au niveau du développement des compétences communicatives précoces.

Un enfant de cinq mois, par exemple, ne regarde jamais sa mère, lorsquʼil ne parvient pas à atteindre lʼobjet auquel il prête attention. Cependant, si on observe lʼensemble des comportements produits par lʼenfant (main et bras complètement tendus, la main sʼouvre et se referme, le tronc du corps est plié en avant, la bouche est active, les yeux fixent lʼobjet, etc... ), son attitude révèle à chaque moment lʼintention de posséder lʼobjet. Il est assez aisé de comprendre en fonction de quoi les décharges motrices et les vocalisations produites par lʼenfant, lorsquʼil ne parvient pas à prendre lʼobjet, sont interprétées par la mère comme des productions à intention communicative. En effet, elle y répond presque invariablement par lʼapprochement de lʼobjet à lʼenfant.

La mère, en prêtant attention à lʼactivité de son enfant et aux objets qui lʼintéressent, elle permet à lʼenfant dʼêtre confronté continuellement à ce type de réponse dʼaide.

Déjà vers huit mois, on peut observer que les comportements émis par lʼenfant, par rapport à un objet quʼil veut atteindre, sont plus proches dʼun signal que dʼune recherche indépendante de saisie de lʼobjet . Le bras est seulement partiellement tendu, la main est un peu pliée vers le haut, les doigts ne sont plus en position de préhension, le corps nʼest plus complètement tendu en avant et, chose extrêmement intéressante, le regard passe alternativement de lʼobjet à la mère (Bruner et Garton, 1978).

Dans cette attitude, on peut déjà retrouver une intention communicative claire et aussi un modèle communicatif assez complexe. La recherche du contact oculaire avec la mère et lʼattitude dʼensemble du corps manifestent une requête bien déterminée et lʼalternance du contact visuel entre Iʼadulte et lʼobjet induit lʼadulte à partager le même focus dʼattention de lʼenfant et à reproduire son intention. Au cours des mois suivants, on observe que lʼindication liée à la requête de possession devient de plus en en plus indépendante de lʼintention de prendre lʼobjet. Lʼenfant indique, mais ne prend pas lʼobjet lorsquʼon le lui propose. Par ailleurs, cette indication sʼadresse à des objets toujours plus éloignés de lʼenfant. Pour la mère, lʼacte dʼindication produit par son enfant âgé dʼun an ne signifie plus uniquement une "requête de possession". Il peut également vouloir dire "lʼintérêt" pour lʼobjet.

Entre un an et quinze mois, lʼindication apparaît sous de nouvelles formes : pour explorer dans la communication avec lʼadulte les relations entre les objets ou pour vérifier des hypothèses (image - objet réel, objet - propriétaire, etc.). Dans ce cas également, comme le note Bruner (in Bruner et Garton, 1978), la mère sʼadapte rapidement aux nouvelles compétences de lʼenfant, en sʼappropriant lʼindication de lʼenfant et en prêtant beaucoup dʼattention aux vocalisations et aux dénominations qui apparaissent au cours de lʼinteraction socio-communicative. Cʼest particulièrement au niveau des échanges corrélés avec des activités de jeu social que lʼon peut retrouver des modalités interactives susceptibles dʼinfluencer le développement de la capacité de dénommer ce qui est perçu.

Pour mieux comprendre lʼévolution des compétences nécessaires à lʼapparition des premiers mots dans lʼinteraction sociale, il est nécessaire de faire un pas en arrière dans lʼexposé.

Comme nous lʼavons déjà noté, la coorientation visuelle qui se produit au cours de lʼinteraction mère-enfant permet la constitution dʼun focus dʼattention commun entre ces deux partenaires. Ceux-ci créent en quelque sorte un "objet de contemplation" qui a la caractéristique dʼêtre un référent possible dʼun signe éventuel de niveau symbolique. Vers neuf mois, adulte et enfant utilisent lʼindication gestuelle au cours de leurs interactions, afin de renforcer lʼattention visuelle de lʼautre partenaire. Plus tard, généralement entre douze et quinze mois, il y a apparition des jeux de nomination. Ces jeux se produisent dans des

contextes interactifs bien précis et sont caractérisés par des routines hautement conventionnelles.

Si lʼon prend, par exemple, la lecture dʼun livre dʼimages, lʼévolution de lʼinteraction pourrait être illustrée comme suit. Initialement, la mère attire lʼattention de lʼenfant sur une image, en indiquant et en disant "regarde" ou "tu vois ?". Dès que lʼenfant prête attention à son indication, elle lui demande "cʼest qui?", "cʼest quoi?" et elle nomme. Plus tard, petit a petit, lʼenfant, dans la même situation, parviendra à indiquer, à nommer et il pourra ainsi poser la question à sa mère.

On passe donc dʼune situation où cʼest la mère qui pose la question à lʼenfant, attend la réponse dʼattention et répond à sa question, à différentes étapes intermédiaires où lʼenfant peut soit indiquer une image, soit nommer, pour aboutir à un stade où lʼenfant pose la question à la mère (Bruner et Garton, 1978).

Comme on peut le constater, le contexte donné est un contexte qui rend lʼenfant extrêmement sûr, parce que le jeu social considéré, comme la plupart des jeux sociaux enfant-adulte, est constitué par des routines hautement répétitives et