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Le cadre éthique interne à la relation éducative à laquelle toute pratique pédagogique doit faire appel renvoie à un idéal déontologique qui exige la clarification du rapport entre le service à la personne (individu, groupe ou communauté) et lʼéthique de ce service: -« toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées.

Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité [verantwortungsethisch] ou selon l'éthique de la conviction [gesinnungsethisch]. Cela ne veut pas dire que l'éthique de conviction est identique à l'absence de responsabilité et l'éthique de responsabilité à l'absence de conviction. Il n'en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l'attitude de celui qui agit selon les maximes de l'éthique de conviction - (…) -, et l'attitude de celui qui agit selon l'éthique de responsabilité qui dit : “Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes.” (…).

Lorsque les conséquences d'un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthique n'attribuera pas la responsabilité à l'agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu qui a créé les hommes ainsi. Au contraire le partisan de l'éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l'homme (car, comme le disait fort justement Fichte, on n'a pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l'homme) et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu'il aura pu les prévoir. Il dira donc: “Ces conséquences sont imputables à ma propre action”. » - (Weber, 1963, p.64).

En éducation et en particulier en ce qui concerne son versant professionnel, lʼéthique de conviction doit absolument se confronter à une éthique de la responsabilité et réciproquement, sans quoi les convictions nʼont pas de mise à lʼépreuve et, inversement, la responsabilité nʼa pas de points de repère.

La volonté dʼinscrire la préoccupation dʼune accessibilisation dʼoccasions dʼexpériences significatives par rapport à la construction de lʼautodétermination à lʼintérieur dʼun corpus pédagogique tel que nous lʼavons décrit auparavant, situe directement notre travail dans un cadre déontologiquement déterminé avec les responsabilités, les compétences et les habiletés que cela comporte et les principes (voire les postulats) qui en sont à la base. La réflexion déontologique dʼun service à la personne à lʼintérieur dʼun système donné doit se référer constamment et simultanément aux deux. Elle doit faire appel à des principes de lʼaction, non pas pour légitimer cette dernière (valeur), mais pour lʼorienter.

Les principes sʼinspirent de valeurs, mais leur but est essentiellement celui de permettre à quelque chose de commencer et de se développer en conséquence et par des actions cohérentes avec ce même principe et, si nécessaire, avec dʼautres principes. C'est une éthique de la responsabilité, sensible aux valeurs

mais également aux contingences, elle est ouverte à la dimension des buts et des actions possibles à court et moyen terme sans pour autant, à lʼintérieur du « possible» à long terme, renoncer à la progression indiquée par les principes retenus.

Lʼéducation spécialisée et inclusive de même que lʼaccompagnement de la personne avec des incapacités de développement doit prêter une attention particulière (1) aux dimensions éthiques en jeu dans lʼœuvre de médiation, (2) aux contingences du système environnemental et hiérarchique dʼinfluence, (3) aux compétences et aux habiletés nécessaires pour garder le rapport dʼinfluence et de force souhaité de ces trois vecteurs sur la situation de handicap de la personne. Sa proposition s'articule au moins sur les cinq principes suivants :

• le principe du respect de la personne ; • le principe dʼéducabilité de la personne ; • le principe dʼaccompagnement et de tutelle ; • le principe de lʼécoute sans réserve ;

• le principe de la citoyenneté de chacun.

Ces principes ont la prétention de considérer au même temps le caractère dʼuniversalité du respect de la personne, cʼest-à-dire le respect de la dignité humaine identifiée avec la conception sociale de la personne, des préoccupations ponctuelles dérivées de ce principe plus général qui est à la base de la configuration des prérogatives fondamentales revendiquées pour toute personne : les droits de lʼhomme (Occhipinti, 2008, p.32).

La situation de handicap, en particulier celle associée à des incapacités de développement, demande en effet d'expliciter quelques autres principes spécifiques de lʼéducation/lʼaccompagnement.

Tout dʼabord le principe dʼéducabilité (Crahay, 1996, pp. 289-292), principe qui est à la fois le postulat de base de la médiation éducative et le principe heuristique du questionnement éducatif dans la mesure où il oriente lʼéducateur vers la recherche de nouvelles solutions éducatives, plutôt que des nouvelles attributions causales à des variables hors de sa portée, face à des situations dʼéchec de son action.

Deuxièmement, le principe dʼaccompagnement et de tutelle sʼinscrit dans la définition même dʼéducation en tant que « relation dissymétrique, nécessaire et provisoire, visant à lʼémergence dʼun sujet » et cela de façon indépendante de la situation des individus, de leur condition et/ou de leur singularité. Ce principe, dans son acception pédagogique et dans le respect des droits (et des devoirs) de la personne, exige que lʼon laisse à chacun prendre sa place, cʼest-à-dire, avec les mots de Freinet, -« que je fasse tout pour quʼil puisse le faire mais que je me refuse à me substituer à lui »- (in Meirieu, 2000, p. 154).

Le principe dʼaccompagnement et de tutelle entraîne également des devoirs éthiques rigoureux à l'égard des personnes vulnérables quant à la protection de leurs intérêts par le respect de la personne, de la justice et de l'inclusion.

Dans certains cas, cela demande aussi que, dans lʼaction et dans lʼintérêt de la personne, on se substitue à lui dans nos prises de positions face à ses actes ou à

ses propos. Cette responsabilité, cependant, ne doit mettre en aucun cas en discussion le principe de la légitimité dʼopinion et du droit à lʼécoute dont chacun doit pouvoir bénéficier (Mainardi, 2003 ; Mainardi et Crivelli, 2003 ; Mainardi et Solcà, 2004).

Lʼécoute est une prestation due -« lʼascolto (in senso lato) e la sua considerazione, non è qualche cosa di “esterno” ma fa parte della prestazione »- (Mainardi et Crivelli, 2003, p.17). Lʼécoute de la personne (y compris lʼobservation de manifestations comportementales autres que verbales à lʼintérieur de situations et de contextes dʼinfluence) est la considération effective de la condition subjective, mais il faut également reconnaître une deuxième spécificité de lʼécoute chez la personne avec des incapacités de développement : -« la valorizzazione della sua capacità di farsi ascoltare »- (Mainardi et Crivelli, idem, p.18).

Nous avons également énoncé ce principe par rapport aux processus dʼévaluation institutionnelle sollicités par lʼintroduction de système dits de gestion de la qualité dans les structures de service à la personne : - « Eine eingeschränkte Verwantwortlichkeit, wie auch die eingeschränkte Fähigkeit zu verstehen und zu wollen, sind nicht ausreichende Elemente, die Mitbeteiligung, d.h. den Beitrag des Leistungsbezügers am Evaluationsprozess der Qualität in der Einrichtung, von vornherein auszuschliessen »- (Mainardi, 2003, p.30).

Lʼinclusion prétend la considération et la participation ; dans la mesure du possible, cette considération doit être assurée à chacun.

Ce que nous venons dʼaffirmer fait également appel au principe de citoyenneté. Dans des formes et selon des modalités diverses, tout le monde doit pouvoir contribuer à la société à laquelle il appartient.

Pour mieux illustrer ce concept, nous allons faire appel à des réflexions issues dʼune expérience dʼadoption de la part dʼun atelier protégé de la Fondazione Diamante, « Il Ronchetto », dʼun modèle de fonctionnement durable (en italien : « sostenibile »).

- 49« La sostenibilità non è necessariamente comprensibile spontaneamente, così come la cittadinanza, implica partecipazione, azione comunitaria, considerazione e reciprocità di diritti e di doveri. Lavorare su ciò che esiste (le abilità) e non fermarsi di fronte a ciò che è deficitario (le carenze) permette a tutti, senza eccezione per le persone in situazione di handicap, di essere maggiormente partecipi delle realtà circostanti e di sentirsi più addentro alla società sul piano individuale e collettivo. (…) Per fare in modo che progetti di questo tipo abbiano un senso per tutti, bisogna affrontare concretamente la diversità. È importante riconoscere lʼutilità e la compatibilità di un obiettivo con le capacità ed i bisogni dellʼutente. Bisogna agire nella consapevolezza che per qualcuno i risultati saranno più manifesti e il lavoro più semplice, mentre per altri lʼobiettivo sarà eventualmente poco percepibile, meno visibile, ma non per questo meno ambizioso.

Alcuni utenti hanno la capacità di comprendere ciò che stanno facendo e

dispongono di maggiore consapevolezza rispetto alle proprie azioni ed al loro valore. Ci sarà chi invece, nel limite delle sue capacità cognitive, imparerà senza esserne consapevole, attraverso un apprendimento per pregnanza che porterà allʼacquisizione di un comportamento quasi automatico, unʼabitudine. Queste azioni, se attivate in autonomia, saranno altrettanto sostenibili di un gesto consapevole. » -