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L'interaction éducative et lʼaccès à la maîtrise de lʼoccasion dʼexpérience autonome

Les paragraphes qui précèdent évoquent le concept de médiation et en particulier ils introduisent celui de « zone proximale de développement ».

-« Le concept de zone suggère la présence d'une fonction diagnostique évidente. Un enfant peut présenter diverses zones proximales de développement dans une variété de domaines. Au contraire, le testing classique "rabote" la variabilité intra individuelle: un enfant obtenant un QI de 75 sera considéré comme uniformément faible dans l'ensemble de son fonctionnement cognitif. Ensuite la notion de zone proximale de développement elle est exposé dans un contexte dynamique, celui de l'interaction entre deux personnes, contrairement aux tests traditionnels qui enferment les rares interactions dans le sacro-saint principe de la "neutralité bienveillante", dernier refuge de psychologues et autres testeurs mal à l'aise face au dialogue avec un enfant »- (Lambert, 1988, p.138).

La zone proximale de développement interpelle les partenaires en présence et son observation intéresse de fait un individu à l'intérieur dʼun « collectif » expérientiel. Lors de lʼinteraction sociale, lʼobservation des manifestations de la zone proximale de développement est plutôt simple et renvoie directement à la variabilité comportementale intra individuelle interne à l'interaction et caractéristique de la définition même de cette zone (ou, mieux, de ces zones) en relation avec le contexte.

Théoriquement, lʼintervention de soutien à lʼactivité individuelle du partenaire plus compétent devrait se limiter au strict nécessaire pour permettre à une tâche dʼêtre menée à bout par le « tandem » éducateur - éduqué/accompagné.

Si tel est le cas, lʼobservation des apports du membre plus compétent à lʼintérieur dʼun échange orienté permet dʼobserver ce qui nʼest pas encore dans les capacités de performance du sujet et par là, de parvenir à connoter la distance existante entre la performance actuelle du sujet et la performance autonome souhaitée.

Le comportement de soutien à la performance souhaitée nous dit beaucoup quant aux compétences et aux caractéristiques dʼun sujet par rapport à une situation donnée et cela en particulier si cette action dʼaccompagnement est sensible (1) à l'enfant ; (2) à ses réactions ; (3) aux conditions de lʼexpérience ; cʼest-à-dire, si elle est calibrée sur les possibilités et les capacités de ce sujet dans cette situation.

Ces conditions données, cette interaction réciproque peut nous restituer des indications très utiles (voire indispensables) pour la promotion de l'expérience individuelle et de découverte d'un pouvoir d'action personnel par rapport à des constats issus de lʼobservation dʼune mise en situation non participante.

Ces interactions réciproques jettent également les bases pour les processus dʼinférence et dʼattributions causales aux événements et aux phénomènes, elles créent les conditions pour lʼémergence de possibles attentes, elles donnent substance et structure aux intentions, aux modèles de comportement et dʼéchange, à lʼintérieur de situations activées à cet effet. Ce type dʼexpériences supportent également une certaine complicité dans cette histoire de réussite commune entre lʼéduqué et lʼéducateur. Elles accueillent, orientent et valorisent lʼapport des sujets à lʼintérieur de lʼéchange.

La conséquence de chaque expérience dʼéchange devient, ou peut devenir, la cause de la quête de cette expérience, de sa réplique, de la constitution dʼattentes et de routines dʼéchanges (Bruner,1981) au cours desquelles les sujets agissent, observent, expérimentent et, selon ces possibilités et ses rythmes, la personne « éduquée » parvient ainsi à sʼapproprier de compétences jusque là assurées par la dyade ou des instruments dʼactions associés à la dyade et à la situation (les ressources environnementales disponibles dans une situation).

Le handicap de situation est de cette façon affronté par lʼaction réciproque des partenaires en présence selon un principe dʼanalyse interne de situations dʼinteraction qui impliquent des échanges, cʼest-à-dire sur la base de la considérations de variables situationnelles qui dépassent la dimension de la composante individuelle au sein de lʼinteraction pour sʼintéresser aux dynamiques internes aux situations éducatives/dʼaccompagnement.

Prenons lʼexemple dʼune situation dʼéchange adulte-jeune enfant.

Lʼadulte, partenaire responsable ou préoccupé de lʼissue de la relation dissymétrique, en attribuant une intention à lʼenfant à lʼintérieur de lʼéchange, oriente lʼapprentissage sur cette intention, il lʼinduit ou la précise par les effets des échanges, par les attentes que lʼéchange va déterminer dans ce contexte précis. Lʼéducateur présume la recherche dʼun effet et par là il renforce la constitution de rapports de causalité à lʼintérieur dʼun contexte donné et influence lʼintérêt de la part de lʼenfant vers ce type de situations et de relations dʼéchange. Il attire, oriente et focalise lʼattention de lʼenfant en particulier sur les effets de sa propre action, ou de lʼaction dʼautrui, sur un univers social et physique spécifique et déterminé dont il fait également partie: sur les faits qui se produisent à lʼintérieur de cet environnement à certaines conditions (particulières et spécifiques ou générales).

L'expérience personnelle et la relation dissymétrique: réussir et comprendre

Réussir et comprendre, sont des mots empruntés à Piaget (1974) pour signifier l'importance de l'issue de lʼexpérience personnelle dans la construction de la connaissance.

Par rapport à la théorie de Piaget où prime l'interaction individu-environnement physique, le paradigme de l'influence réciproque, comme nous venons de le voir, considère l'expérience socialement copartagée comme une expérience personnelle extrêmement significative. Il s'agit d'une expérience achevée dans l'interaction sociale, orientée par la présence d'autrui et dans beaucoup de cas rendue accessible dans son développement ou dans la discrimination de l'une ou l'autre de ses composantes particulières et spécifiques par cette présence.

Figure 22 - La pédagogie de lʼaccessibilisation aux interfaces de lʼexpérience (figure 21).

-« The process of other to self regulation from joint to independent problem solving, does not simply happen automatically or by chance, but rather involves very specific teaching interaction on the part of the adult » - (Moll, 1990, p.210). Surtout avec des personnes chez lesquelles la quantité et la qualité de lʼexpérience dʼaction peut être moindre par rapport à dʼautre personnes de par la situation de handicap quʼelles vivent, il apparaît avantageux que les occasions

dʼexpériences (au moins dans un contexte intentionnellement éducatif) puissent assurer un résultat positif et significatif par rapport à la qualité et la quantité des actions.

Une expérience sous une forme directe ou vicariante qui aboutit à quelque chose de subjectivement intéressant pour le sujet (renforcement direct en retour de lʼaction elle même, des effets de lʼaction sur un matériel ou sur des personnes) est certainement plus profitable à lʼindividu lui-même, quʼune expérience qui nʼaboutit quʼà des échecs, à des résultats insignifiants, à des actions inachevées ou suspendues, ou encore à des effets hors de la portée des capacités ou des intérêts du sujet.

L'importance de l'interaction sociale au cours du développement est indiscutable pour Vygotskij ainsi que les pratiques éducatives parce quʼelles fournissent certaines occasions et certains milieux cruciaux pour le développement de l'enfant (Lambert, 1988, p.137).

La construction de lʼobjet et lʼinteraction socio-communicative

- 51« Pour comprendre lʼimpact de lʼinteraction socio-communicative, au niveau de la construction de lʼobjet chez lʼenfant, il est nécessaire dʼanalyser lʼévolution de Iʼaction combinée mère enfant caractérisant les premières activités dʼinteractions de lʼenfant avec son environnement physique. Nous avons déjà souligné quʼau cours de ces interactions le comportement spontané de lʼenfant est lʼobjet dʼune attention particulière de la part de la mère. Les réponses que celle-ci manifeste vis-à-vis des comportements produits par lʼenfant se diversifient et deviennent constantes par rapport aux différents contextes dʼapparition de ces comportements. Il est caractéristique dʼobserver, par exemple, que la mère attribue presque invariablement à la réponse dʼattention de son enfant vis-à-vis dʼun objet lʼintention de posséder cet objet. Cependant, il apparaît que la réponse maternelle nʼest constante que jusquʼau moment où les compétences manifestées par lʼenfant donnent un sens à cette constance, dans le contexte de lʼinteraction mère-enfant. Si, au cours des premières interactions, la mère "donnait" lʼobjet à lʼenfant, il apparaît que, dès que celui-ci parvient à mieux contrôler son action, au lieu de lui donner lʼobjet, la mère Iʼapproche uniquement de lʼenfant. En quelque sorte, on pourrait dire que la mère induit lʼenfant à essayer de prendre lʼobjet de manière autonome. Lʼétape suivante est celle de se faire rendre lʼobjet. Initialement, la mère reprend lʼobjet, dés quʼil y a perte dʼintérêt de lʼenfant pour lʼobjet et/ou dès que lʼenfant, par ses comportements, semble manifester une "requête dʼattention" sociale. Dans la plupart des cas, la mère essaye dʼattirer à nouveau lʼattention de lʼenfant sur lʼobjet, en le lui donnant ou, en fonction des propriétés de lʼobjet, en lʼutilisant de manière à capter lʼattention de lʼenfant et en le lui donnant ensuite. Pendant longtemps, la mère est lʼagent principal de ces échanges interindividuels de lʼobjet. Cependant, entre neuf et douze mois, on observe une évolution extrêmement intéressante au niveau du passage du rôle

dʼagent dans les échanges (figure 23).

Vers lʼâge dʼun an, les jeux sociaux de lʼenfant sembleraient dominés par lʼexercice de cette structure dʼéchange de lʼobjet, plutôt que par lʼexigence de possession. Parallèlement, en ce qui concerne lʼobjet, lʼattention de lʼenfant est toujours "attirée" par certaines dimensions particulières ou/et par certains "effets" corrélés à sa manipulation. Au cours de lʼinteraction mère-enfant, lʼenfant parvient à intégrer certaines propriétés de lʼobjet au niveau de la structure dʼéchange. En particulier, lorsquʼil perçoit un effet subjectivement intéressant produit par lʼinteraction de la mère avec lʼobjet, il demande lʼobjet, mais sʼil ne parvient pas à reproduire cet effet, il redonne lʼobjet à la mère, plus ou moins intentionnellement, pour quʼelle produise lʼeffet.

Po u rc e n ta g e d e t e m p s

Age Chronologique (mois et semaines)

Figure 23 - Passage au rôle d'agent dans l'échange (Bruner 1981, p.101)

De cette manière, la mère adresse lʼattention de lʼenfant sur un objet, par le biais dʼun effet particulier et agréable, que lʼenfant parvient à discriminer, mais quʼil ne parvient pas encore à intégrer aux schèmes dʼaction dont il dispose. Cependant, en lʼintégrant à la structure dʼéchange, il peut le reproduire grâce à lʼintervention maternelle. La mère, prenant conscience de lʼeffet qui intéresse son enfant, lorsquʼil est confronté à certains objets, garde cet effet constant et le reproduit lorsque lʼobjet est introduit dans lʼinteraction mère-enfant. Le matériel de jeu que la mère propose à lʼenfant est presque toujours constitué dʼobjets appropriés à son niveau dʼâge, cʼest-à-dire, dans la plupart des cas, assimilables aux schèmes dʼaction dont dispose lʼenfant à un moment donné de son développement sensori- moteur. En conséquence, lorsque la mère attire lʼattention de lʼenfant sur une utilisation de lʼobjet que lʼenfant ne parvient pas encore à intégrer à ses schèmes, il est fort probable que les comportements nécessaires pour reproduire les effets corrélés avec ce mode dʼutilisation de lʼobjet soient très proches des

compétences actuelles de lʼenfant.

Dʼune certaine manière, ces comportements concernent ce que Vygotsky (1978) a appelé la "zone proximale de développement". Plus précisément, cette dénomination désigne la "distance" comprise entre le niveau des performances autonomes de lʼenfant et le niveau des performances "proximales", telles quʼelles peuvent être déterminées par les performances manifestées à un moment donné, au cours de lʼinteraction avec un congénère plus compétent. Le niveau réel de développement (les performances autonomes) caractérise le développement mental, de façon rétrospective, tandis que la zone proximale de développement (les performances durant lʼinteraction) caractérise prospectivement le développement mental. Cette zone proximale de développement nʼest pas un simple postulat théorique se référant à un hypothétique développement potentiel. Elle est quantifiable.

Prenons lʼexemple de deux enfants présentant le même niveau de réussite autonome à des tâches standardisées appropriées à leur âge mental. Considérons maintenant leurs performances au cours dʼune tâche "proximale" à leur niveau de développement, pendant une séquence interactive avec, par exemple, leur mère. Evaluons ensuite la quantité et le type des interventions maternelles nécessaires pour amener lʼenfant à la performance désirée. Il est fort probable que lʼon puisse mettre en évidence des différences entre ces deux enfants, quant aux possibilités individuelles de parvenir au but final. En dʼautres termes, par rapport à la tâche proposée, lʼun sera plus proche de la réalisation autonome que lʼautre.

La sensibilité de la mère à cette zone proximale de développement joue un rôle extrêmement important au niveau du processus de développement de lʼenfant. La mère ne se limite pas à créer des occasions dʼexercice des compétences acquises, elle propose également à lʼenfant des matériaux "nouveaux", ainsi que de nouvelles utilisations dʼobjets connus, qui sont particulièrement "calibrées" aux compétences actuelles de lʼenfant. De cette manière, et en fonction de sa sensibilité, lʼadulte propose à lʼenfant un matériel "nouveau", ainsi que des modes dʼutilisation des objets, particulièrement accessibles aux schèmes assimilateurs actuels de lʼenfant.

Comme le note fort bien Bresson (1971), les actions, comme les objets, nʼapparaissent quʼà travers les informations quʼelles produisent, mais ces informations peuvent être considérées uniquement lorsquʼelles sont détectées. Pour que cela soit possible, il faut que les informations, en retour de lʼaction elle- même ou de lʼaction sur lʼobjet, puissent être intégrées aux schèmes dʼactions antérieurs. En ce sens, les propriétés de lʼobjet apparaissent comme étant construites à partir des informations issues de lʼinteraction du sujet et de lʼobjet. Cela se vérifie souvent à lʼintérieur de lʼinteraction sociale. La situation dʼinteraction conjointe, entre des partenaires possédant des niveaux de compétence différents, fournit à lʼenfant toute une série dʼoccasions dʼexpériences auxquelles il ne pourrait probablement pas être confronté uniquement en fonction dʼun processus individuel de prise de possession de

lʼenvironnement.

Ce qui nous intéresse dans le contexte de ce chapitre, ce nʼest pas de décrire comment évolue lʼimportant processus individuel de construction de lʼobjet chez lʼenfant (pour cela, nous renvoyons le lecteur à Piaget, 1963, 1967 ; Bresson, 1971 ; Mounoud, 1974). Notre intérêt se porte davantage sur le fait que, dans de nombreuses situations, le processus de construction de lʼobjet fait appel à une dynamique interindividuelle. Dʼune part, on peut affirmer que les propriétés de lʼobjet ne sont accessibles et nʼexistent pour le sujet que dans la mesure où il dispose des schèmes nécessaires pour les faire apparaître (Bresson, 1971). Dʼautre part, il est aussi important de considérer que lʼentourage social, par son intervention, guide et/ou ajuste les modes dʼapproches de lʼenfant à lʼobjet, en fonction des modes dʼutilisation sociale concrétisés dans lʼobjet.

Lʼenfant, dès le départ, est confronté, au cours de lʼinteraction sociale, à un ensemble dʼobjets culturellement déterminés. Individuellement, il "affronte" le monde des objets du point de leurs propriétés physiques. Lʼinteraction, avec un congénère socialement plus compétent, lui apprend à percevoir lʼobjet du point de vue des modes dʼutilisation élaborés par la société.

Nous avons déjà eu lʼoccasion dʼexaminer le processus de développement de la capacité de sʼattendre à !a manifestation dʼun "effet" et, parallèlement, nous avons observé que cette capacité dépend de la possibilité de discriminer la constance de la relation qui lie certaines informations antérieures à la manifestation de lʼeffet à lʼeffet lui-même. Or, les effets qui attirent lʼattention de lʼenfant sont souvent provoqués par lʼaction dʼautrui sur un certain matériel et, par conséquent, les effets auxquels peut sʼattendre lʼenfant sont ceux produits par une certaine utilisation de ce matériel. Pour quʼil puisse parvenir à reproduire, de manière autonome, cet effet, il est indispensable que lʼenfant puisse faire sien, sʼapproprier, ce mode spécifique dʼutilisation de ce matériel.

Au cours de lʼinteraction enfant-adulte, les objets impliqués dans la séquence dʼaction conjointe sont presque inévitablement caractérisés par des modes dʼutilisation cultureIlement déterminés. Lʼadulte, plus ou moins consciemment, en indiquant et en proposant un certain mode dʼutilisation de lʼobjet, focalise lʼattention de lʼenfant sur des actions, des dimensions de lʼobjet et/ou des effets culturellement pertinents.

Lʼindication, lʼincitation, la proposition dʼun mode dʼutilisation jouent le rôle dʼinformations complémentaires par rapport à celles que lʼenfant peut intégrer, en interagissant individuellement avec lʼobjet. La particularité de ces informations complémentaires est quʼelles apparaissent en général sous forme dʼune stratégie, dont les dispositifs destinés à orienter lʼattention interviennent comme des préalables à lʼorientation de lʼaction (Hepburn et Schaffer, 1983, p.118). Ces informations sont proposées également par lʼadulte, de façon à ne pas interférer avec lʼaction autonome de lʼenfant (exception faite pour les cas où les buts de lʼadulte sont explicites).

Dans la plupart des cas, lʼintervention de Iʼadulte peut être décrite comme une infiltration dʼindices complémentaires, dont la fonction est celle dʼamener lʼenfant

à prendre conscience des actions et des opérations sous-jacentes aux transformations et/ou aux événements percevables ou perçus dans lʼenvironnement proche.

En ce qui concerne lʼobjet, actions et opérations sont certes "données" dans lʼobjet, mais elles sont uniquement proposées à lʼenfant. Au cours de lʼinteraction sociale, lʼenfant ne traite pas que les effets conséquents à son action autonome sur lʼobjet. Dans la plupart des cas, il discrimine un effet bien avant de pouvoir le produire de manière autonome. On pourrait mème dire que lʼeffet discriminé, lorsquʼil ne correspond pas aux attentes développées antérieurement, déclenche une activité dʼexploration, au cours de laquelle lʼenfant essaye de sʼapproprier des schèmes dʼaction sous-jacents à son apparition. Il est évident que ce phénomène dʼappropriation nʼest possible que si cet effet peut être détecté et si les schèmes dʼactions antérieurs peuvent sʼajuster aux exigences comportementales déterminant lʼeffet détecté.

Lʼintervention de lʼadulte dans ce processus intéresse en particulier la discrimination de certains indices et lʼorientation de la réponse dʼaction de lʼenfant, par rapport aux informations qui, de son point de vue dʼadulte, pourraient intéresser lʼenfant. De fait, il adresse lʼenfant vers ce que lui, adulte, voit concrétisé dans lʼobjet en question. Lʼattente de lʼadulte vis-à-vis dʼun objet a de fortes probabilités de déterminer les possibles attentes de lʼenfant vis-à-vis de ce même objet.

Grâce à lʼexpérience dʼactions combinées, lʼenfant parvient à développer des attentes sur lʼobjet, qui ont la caractéristique dʼêtre partagées au sein dʼune société déterminée.

Lʼappropriation des modes dʼutilisation dʼun objet, ainsi que la généralisation dʼattributions dʼattentes à dʼautres objets, nécessitent Ia prise de conscience des relations qui relient certains indices perceptifs, susceptibles de devenir des indices prédictifs de lʼeffet "donné" dans lʼobjet à lʼeffet lui-même, et les schèmes dʼaction ayant déterminé la manifestation de lʼeffet perçu.

Lʼinteraction adulte-enfant, par la présence de routines dʼattention et dʼaction copartagées, joue un rôle considérable à ce niveau. Enfant et adulte, coorientant leur attention sur un même objet, isolent une configuration de stimuli de lʼensemble des stimulations percevables dans lʼenvironnement, à un moment donné. Grâce à la construction de ce "focus" commun dʼattention et à la proximité des deux partenaires, le copartage de lʼaction devient possible.

En sʼinfiltrant dans lʼaction de lʼenfant, ou en lʼinitiant, lʼadulte médiatise lʼétablissement de relations entre certains actes moteurs et certaines transformations perçues dans lʼenvironnement. Lʼintervention de lʼadulte vise à ce que lʼenfant puisse commencer à discriminer les propriétés de ses actes moteurs et à ce quʼil puisse exercer les propriétés ainsi discriminées sur les objets de son entourage. Lorsque lʼeffet dʼune action sur un objet ne confirme pas lʼattente de lʼenfant, de nouvelles informations doivent pouvoir être détectées et intégrées aux schèmes dʼaction antérieurs. Ces derniers se modifieront ou se transformeront en fonction de ces nouvelles données. Il sʼagit des informations corrélées à la

discrimination des indices susceptibles de différencier les objets qui sont censés vérifier lʼattente antérieure de ceux qui ne confirment pas cette attente. Cependant, cette opération nʼest pas toujours facile.

Pour que lʼon puisse attribuer à un indice une valeur prédictive par rapport à un