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Les contextes de lʼaccessibilisation et la notion dʼautodétermination

- 48« Au-delà des requêtes cognitives, perceptives et/ou motrices spécifiques, le processus d'épanouissement de la personne ressent fortement de l'influence de processus interpersonnels responsables de l'adaptation sociale. Le contexte de vie, généralement dans le respect des compétences personnelles, dicte des requêtes, définit des limites et détermine les occasions d'expériences, tandis que le processus d'adaptation individuelle amène progressivement la personne à conserver, modifier ou inhiber ses comportements dans la recherche d'un équilibre "optimale" entre les requêtes-offres du milieu d'une part, et ses propres exigences et possibilités de l'autre. Ressources, requêtes et attentes du milieu peuvent inhiber, modifier, ou promouvoir fortement nos exigences et nos capacités.» -

Tomkievicz et Zucman (1983) proposent le concept de « interface sociale aux réalisations pour handicapés » quʼils identifient comme étant quelque chose dont le conditionnement ne se manifesterait pas de manière diffuse et uniforme dans lʼenvironnement mais plutôt de façon spécifique par rapport à chaque domaine et à lʼintérieur de chaque contexte particulier. Cette vision nous rapproche encore une fois aux concepts de « niches écologiques » et de handicaps, respectivement de ressources, de situations. Lʼimportance et lʼeffet des contextes sur les comportements et les compétences a fait lʼobjet dʼétudes qui ont montré notamment comment les contextes peuvent déterminer, chez une même personne et durant un même « instant » de vie, des performances, mais aussi des niveaux de compétence, qui, pour des situations analogues, se rapportaient à des opérations mentales de stades opératoires différents (Fischer et al. 1993). Lors dʼun projet sur la formation continue pour les personnes adultes (Mainardi, 1985a et 1988c), nous avons fait nôtre le cadre théorique proposé par Tomkievicz et Zucman (1983) pour représenter lʼinterface à considérer lors de réalisations qui portent leur attention aux droits des personnes ayant une déficience intellectuelle (figure 19). Dans le modèle original, lʼinterface sociale avait été introduite pour présenter lʼun des principaux facteurs déterminants des réalisations pour les personnes en corrélation directe avec lʼexploitation des vecteurs de développement et dʼémancipation identifiés par les auteurs et les contextes dʼexercice des facultés ainsi développées.

Sur ce même modèle, en raison de nos propos actuels, nous avons substitué le concept dʼinterface aux réalisations faites par la personne avec des incapacités de développement à celui d'interface sociale aux réalisations pour la personne. À lʼintérieur de lʼinterface ainsi définie, en plus de la composante sociale, nous avons ajouté la composante individuelle issue de lʼexpérience dʼinteraction.

48 Mainardi (1985).

La perception que lʼindividu a de ses propres possibilités dʼinfluencer sa propre destinée est tout autant tributaire de facteurs individuels dʼattribution de compétences et dʼhabiletés à soi-même, que de facteurs sociaux et environnementaux dʼinférences de compétence et dʼhabiletés présentes ou attendues chez un individu à un moment de sa vie et, par là, des offres dʼopportunités et des requêtes de performances «orientées» dont lʼéducation est lʼun des instruments privilégiés.

Il y a certainement dʼautres facteurs en jeu dans la possibilité et la volonté de développer et d'exercer des facultés. Notre but nʼest pas de les rassembler tous, mais plutôt de nous intéresser à ceux pour qui une action de monitorage et dʼinfluence directe, en fonction des intentions déclarées, peut être sérieusement prise en considération.

Figure 19 - Lʼinterface aux réalisations faites par la personne avec des incapacités de développement (Tomkievicz et Zucman 1983 (version adaptée), in : Mainardi 1988 ).

Lʼéducation se propose, à lʼintérieur des interactions individu-monde, comme une interface nécessaire et provisoire au concours de contingences et dʼarbitrages environnementaux et de variables individuelles dont lʼinteraction et lʼinfluence réciproque ne sʼestomperaient guère en correspondance avec lʼestompage de la relation éducative en tant que telle. Il s'agit d'une interface parmi dʼautres. Elle offre toutefois l'occasion dʼexercer son pouvoir dʼinfluence.

Dans notre cadre de référence spécifique, cela concerne surtout le processus dʼinclusion sociale par lʼaccès à lʼautodétermination et/ou à des conditions de participation à la détermination des faits de sa propre vie de la part de personnes, enfants et adultes, avec des incapacités de développement et donc la « self determination is an educational outcome » (Wehmeyer, 1996).

Selon Wehmeyer (1998) un comportement est autodéterminé lorsque : • la personne agit de façon autonome;

• le comportement est autorégulé ;

• la personne agit de manière auto réalisée ;

• l'individu fait preuve d'empowerment psychologique.

Figure 20 - Processus dʼautodétermination (Wehmeyer, 1998, p. 5)

Par le terme autonomie, Sands et Wehmeyer (1996) indiquent lʼautonomie fonctionnelle, cʼest-à-dire la capacité de montrer une préférence, faire des choix et agir en conséquence.

Lʼauto-régulation consiste en un ensemble de capacités qui permet à une personne d'analyser une situation qui la concerne directement, de sʼengager dans une action et de la poursuivre, de considérer des rétroactions à ces actions et des régulations. Elle comporte lʼhabileté du sujet dʼexaminer son environnement et ses répertoires comportementaux pour tirer des conclusions et prendre des décisions sur le comment agir, sur lʼaction et sur la désirabilité des effets de lʼaction (Withman, 1990).

Lʼautoréalisation fait référence aux buts intrinsèques de la vie dʼune personne ou, en dʼautres termes, à la tendance individuelle dʼorienter ou dʼinfluencer sa propre vie selon une perspective globale orientée qui évolue au cours de la vie.

Lʼempowerment psychologique intéresse le sentiment dʼauto efficacité et la perception du contrôle. Il concerne le rapport existant entre ses propres

comportements et les évènements et/ou les phénomènes qui se produisent dans lʼenvironnement.

Lʼautodétermination comporte la connaissance progressive de ces propres points de forces et des faiblesses et dʼagir en considération de cela en vue dʼune autoréalisation possible et souhaitée (à court, moyen ou long terme, selon lʼâge, les capacités et les possibilité offertes).

La présence de ces quatre caractéristiques permet de juger de lʼautodétermination dʼun comportement: toutes les caractéristiques énoncées sont nécessaires; aucune n'est suffisante à elle seule (figure 20).

La disponibilité ou lʼabsence dʼoccasions dʼexpériences, lʼâge, les capacités et les contextes dʼinfluence environnementale, sont autant de facteurs qui peuvent influencer de manière significative le degré avec lequel chacune des caractéristiques énoncées est présente.

Lʼautodétermination est envisagée comme étant une construction qui fait appel : 1) aux capacités individuelles (influencées par le développement et les situations

dʼapprentissage) ;

2) opportunités fournies par lʼenvironnement et les expériences de vie ; 3) aux types de supports offerts.

Sur la base de lʼapport de Wehmeyer, nous proposons dʼactualiser le modèle repris à Tomkiewicz et Zucman (figure 19) pour mieux préciser les vecteurs du développement et de lʼémancipation de la personne (autonomie, autoréalisation, autorégulation et empowerment psychologique) mais également pour mettre en évidence et garder à lʼesprit lʼidée des interfaces et des contextes particuliers et spécifiques à considérer lors de lʼétude et de lʼanalyse des facteurs en jeu.

En ce qui concerne les vecteurs, nous allons substituer à la notion de « empowerment psychologique » proposée par Wehmeyer, celles de « inclusion » et de « considération » (figure 21) qui nous semblent être des indicateurs directs et moins tributaires de processus cognitifs sous-jacents à lʼempowerment psychologique. Ils dépassent nettement le cadre de lʼexpérience autonome dʼaction pour intéresser à plein titre celui de la reconnaissance de cet empowerment de la part du système écologique à lʼintérieur duquel lʼexpérimentation du pouvoir dʼaction trouve ses occasions.

Les études portant sur lʼautodétermination chez les personnes déficientes intellectuelles (Wehmeyer et Garner, 2003; Wehmeyer, Abery, et al. 2003 ; Nankervis et Stancliffe, 2006) démontrent que les facteurs cognitifs ne sont pas les plus importants: lʼautodétermination nʼest pas corrélée au QI de la personne,

par contre elle est significativement corrélée à lʼopportunité de faire des choix offertes par lʼenvironnement.

Figure 21 – Interfaces à lʼautodétermination de la personne avec des incapacités de développement

À lʼintérieur de la niche éducative, cela renvoie aux caractéristiques instigatrices du développement chez les personnes de référence.

Certains parents exerceraient une «surprotection» et donc un contrôle trop important sur leurs fils et filles, tandis que dʼautres assumeraient dʼautres attitudes: dans la «relation positive», les enfants prennent eux-mêmes leurs décisions (Zetlin, Turner et Winik, 1987, in : Sands et Wehmeyer, 1996).

Lorsque la niche écologique est à lʼintérieur dʼune institution spécialisée, deux facteurs principaux sembleraient influencer lʼautodétermination: le type dʼinstitution et le nombre dʼusagers.

En général, on a pu observer que les structures qui proposent un mode de vie plus indépendant - appartements de vie indépendante, ou semi indépendante - offrent des occasions de choix et de décision plus importantes, par rapport à ce qui se produit à lʼintérieur des institutions (Stancliffe et Wehmeyer, 1995; Wehmeyer et Bolding, 1999; Robertson et al., 2001 ; Stancliffe et Lakin, 2007). Dans les deux cas, il semblerait que lorsque les personnes peuvent bénéficier de la possibilité de choisir, ces occasions intéresseraient surtout les aspects de la vie quotidienne et excluraient dʼautres aspects. Plutôt rares seraient les choix qui

pourraient avoir un impact, à moyen ou long terme, sur le cadre institutionnel ou de vie donné.

Le nombre dʼusagers dʼune structure, et la disponibilité ou moins de ressources dʼaccompagnement, auraient une incidence sur lʼoffre dʼoccasions de choix et de décision. Le degré de liberté des actes individuels serait directement subordonné aux règles du fonctionnement institutionnel et au degré dʼautonomie interne pouvant être assuré ou toléré par la structure (Wehmeyer et Bolding,1999).

Partie III – La pédagogie de l’accessibilisation: cadres de

référence et illustrations

1. Cadre éthique de la relation éducative

2. Les finalités de la pédagogie de lʼaccessibilisation

Finalité 1 : éduquer à lʼautodétermination Finalité 2 : éduquer à lʼautonomie

Finalité 3 : assurer lʼinclusion et la considération

3. Objectifs de la pédagogie de lʼaccessibilisation

4. Cadre conceptuel et principes

La médiation éducative et lʼaccessibilisation

Lʼinteraction éducative et lʼaccès à la maîtrise de lʼoccasion dʼexpérience Les principes de lʼaccessibilisation

5. Lʼaccessibilisation et les dimensions opérationnelles

Les démarches de lʼaccessibilisation

6. Les instruments de lʼaccessibilisation

Lʼévaluation par la mise en situation

Lʼaction de médiation en faveur de lʼexpérience dʼaction Lʼanalyse de problèmes en collaboration

7. Illustrations de lʼapplication des instruments

Lʼévaluation par la mise en situation et la médiation de lʼaction Lʼévaluation dʼune situation dʼapprentissage à lʼautorégulation Lʼévaluation de la perception de la qualité du service à la personne La médiation en faveur de lʼexpérience dʼaction

Lʼaménagement des contingences de la situation dʼexploration Les partenaires : comment se prépare la disponibilité à lʼintégration « CH-91 » : une autre image de la personne en situation de handicap Lʼanalyse de problèmes en collaboration

« On naît et lʼon devient dessinateur »

Le projet éducatif individualisé (PEI) entre lʼéducateur et lʼéquipe éducative

8. Illustrations de démarches

Section I : lʼapproche du rôle dʼagent autonome et autorégulé Lʼexploration individuelle de son environnement

Lʼaccessibilisation dʼoccasions autonomes dʼexpérience Section II : lʼapproche de la considération et de lʼautoréalisation

La pertinence de la transposition de modèles dʼune réalité à une autre Une qualité certifiée et copartagée

Le « PEI » : un fait essentiellement interpersonnel Instruments de gestion et action professionnelle