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Lors de l’impact d’un jet sur une surface solide, le liquide sent bien sˆur l’influence du solide avant le contact. Dans certains cas, il subit une instabilit´e : du miel qui tombe sur une tartine se tortille et s’enroule comme une corde [5]. Cette instabilit´e n’existe que si le liquide arrive `a vitesse suffisamment faible. Un jet tombant plus rapidement garde une sym´etrie de r´evolution. Il s’´elargit

6.5. OUVERTURE DU JET IMMERG´E 111

(a) (b)

Fig.6.2: Jet d’huile silicone de viscosit´e 10 mPa.s entrant dans un bain de la mˆeme huile. Sur les images, les r´egions de fort cisaillement sont visibles. (a) Jet laminaire : on voit la fronti`ere entre le jet et le bain. (b) Vitesse sup´erieure `a la vitesse seuil d’entraˆınement d’air. Au milieu de l’image, on voit que la pr´esence de bulles engendre de la turbulence.

(a) (b)

Fig.6.3: (a) Un bain d’huile silicone 450 fois plus visqueuse que l’eau ins´emin´e avec des particules de polystyr`ene de 80 µm de diam`etre. Sur la partie sup´erieure, un jet de la mˆeme huile, de rayon 350 µm, frappe le bain `a 1,5 m.s−1 :

la surface est d´eform´ee, mais il n’y a pas entraˆınement d’air. (b) La superposition de plusieurs images cons´ecutives donne une id´ee de la physionomie des ´ecoulements dans le bain.

112 CHAPITRE 6. SEUIL D’ENTRAˆINEMENT

avant d’arriver sur la plaque. Il existe une r´egion de transition dans laquelle les ´ecoulements changent de direction, et deviennent horizontaux (parall`eles `a la surface du solide).

Lors de l’impact d’un jet liquide dans un bain du mˆeme liquide, le mˆeme ph´enom`ene se produit. Une r´esistance se fait ´egalement sentir, et l’allure du jet est modifi´ee (figure 6.4). Nous ne parlerons ici que du cas `a sym´etrie de r´evolution.

V

Fig.6.4: ´Evasement d’un jet lors de l’impact avec un bain de liquide visqueux.

6.5.1 Les ´ecoulements en jeu

En aval du point d’incorporation, les trajectoires des particules contenues dans le jet sont recti- lignes. Le liquide provenant du jet et celui d´ej`a pr´esent dans le bain restent bien s´epar´es tant que les ´ecoulements sont laminaires, ce qui est le plus souvent le cas dans nos exp´eriences.

On observe que le liquide provenant du jet se propage dans le bain liquide en restant dans un cˆone (figure 6.5). L’angle au sommet de ce cˆone est d’autant plus petit que la vitesse du jet est grande et que la viscosit´e du liquide est faible. Nous avons pu mesurer l’angle d’ouverture du cˆone par les diff´erentes m´ethodes expos´ees plus haut (paragraphe 6.4).

L’utilisation de traceurs solides r´ev`ele un anneau de recirculation du liquide autour du point d’impact (figure 6.3(b)). Nous pensons que ceci est li´e au fait que les dimensions du bain sont finies, ce qui force une telle recirculation : le liquide qui part vers le bas est remplac´e au-dessus par du liquide venant des bords du bain.

6.5.2 Influence des param`etres de l’impact

Nous avons observ´e que l’ouverture du cˆone est d’autant plus faible que la vitesse des jets et grande. Il semble naturel qu’un jet `a haute vitesse soit plus difficilement ralenti. L’inertie joue donc probablement un rˆole.

Les liquides de faible viscosit´e donnent lieu `a un ´elargissement beaucoup moins important. L`a encore, le frottement visqueux ´etant responsable du freinage du liquide, donc de l’´elargissement du

6.5. OUVERTURE DU JET IMMERG´E 113

(a) (b)

V

θ

(c)

Fig.6.5: Impact d’un jet d’huile de viscosit´e 500 mPa.s et de rayon de l’ordre de 400 µm ins´emin´e avec des particules de polystyr`ene de 80 µm de diam`etre. La fronti`ere entre le liquide inject´e et le bain est bien marqu´ee et conique (a). La superposition de plusieurs images cons´ecutives montre que les particules ont des trajectoires rectilignes (b). Le demi-angle au sommet du cˆone englobant les trajectoires issues du jet est not´e θ (c).

jet, on attend qu’un liquide peu visqueux continue plus facilement sa course dans le bain.

Nous avons utilis´e des jets de rayon compris entre 80 et 800 µm. L’´evasement relatif des petits jets est plus important que celui des gros jets.

Construction d’un Reynolds

En consid´erant que l’´elargissement du jet exprime la comp´etition entre inertie et freinage vis- queux, et au vu des r´esultats pr´ec´edents, nous sommes tent´es d’introduire le nombre de Reynolds construit sur la taille et la vitesse du jet :

Re = ρV R

η (6.12)

o`u V et R sont la vitesse d’impact et le rayon du jet, η est la viscosit´e du liquide et ρ sa densit´e. Nous pouvons r´esumer les observations pr´ec´edentes en tra¸cant sur un graphique le demi-angle d’ouverture θ du cˆone en fonction du nombre de Reynolds. Les donn´ees se regroupent assez bien sur une mˆeme courbe et il apparaˆıt que θ d´ecroˆıt comme 1/Re (figure 6.6). Dans la limite des grands nombres de Reynolds, nous attendons bien que l’ouverture du jet soit faible : un jet rapide continue plus loin sur sa lanc´ee. Dans la limite des faibles Reynolds, on attend une expansion quasi-isotrope dans un bain de liquide infini. Ici, il est semi-infini, on peut donc s’attendre `a voir θ tendre vers 90°. On consid`ere un volume de liquide `a sym´etrie de r´evolution, de rayon R et de hauteur H. La force li´ee `a l’impact `a vitesse V d’un jet de rayon R est de l’ordre de ρV2R2. La contrainte visqueuse

114 CHAPITRE 6. SEUIL D’ENTRAˆINEMENT 0.1 1 10 100 0.1 1 10 100 1000 Re θ (° )

Fig.6.6: Demi-angle d’ouverture θ du jet dans le bain en fonction du nombre de Reynolds. La droite en trait continu est de pente -1.

est d’ordre ηV /R (en effet, la pr´esence du bain autour du jet impose des gradients de vitesse essentiellement radiaux). Elle s’applique sur une surface lat´erale proportionnelle `a RH, conduisant `a une force ηV H. L’´equilibre entre inertie et viscosit´e s’´ecrit donc :

ηV H ∼ ρV2R2 (6.13) soit : H R ∼ ρV R η = Re (6.14)

L’ouverture θ du cˆone form´e par le jet est d’ordre R/H, ce qui conduit `a :

θ ∼ Re1 (6.15)

Pour un Reynolds d’ordre 1 (resp. 100), on attend ainsi θ ≃ 60° (resp. 0, 6°), en accord avec les r´esultats exp´erimentaux de la figure 6.6.