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3.3.2 Drainage de van der Waals

Lorsque l’´epaisseur du film d’air devient suffisamment faible, le drainage est contrˆol´ee par les interactions de van der Waals entre les parois d’eau se faisant face. La pression de van der Waals vaut A/6πe3 o`u A est la constante de Hamaker du syst`eme eau-air-eau. Cette pression varie sur

l’´echelle de taille λ des goutti`eres de drainage. Le gradient de pression moteur est donc de l’ordre de A/6πe3λ. La r´esistance visqueuse a la mˆeme forme que pour le drainage gravitaire. L’´equilibre

de ces deux forces conduit `a un temps caract´eristique de drainage de l’ordre de : τvdW ∼

η0λ2e

A (3.24)

Au contraire du temps de drainage sous gravit´e, τvdW diminue au fur et `a mesure de l’amincissement

du film. Les temps caract´eristiques des deux m´ecanismes sont ´egaux pour une ´epaisseur de l’ordre de : e∗ ∼  A ρgλ 13 (3.25) Pour A = 10−20 J, ρ = 1000 kg.m−3 et λ = 1 mm, on trouve e∗

∼ 100 nm. Pour cette ´epaisseur, le temps de drainage attendu est de 100 s, en accord avec les exp´eriences.

Remarquons que nous avons utilis´e l’expression des interactions de van der Waals valable `a courte distance (inf´erieure `a 100 nm environ). Au-del`a de 100 nm, les effets de propagation deviennent important, et la variation de l’interaction avec la distance est modifi´ee. Nous n’avons pas tenu compte de cet effet ici, car les distances en jeu sont de l’ordre de la taille `a laquelle la transition a lieu.

3.4

Eclatement´

Lorsque le film d’air constituant l’antibulle devient suffisamment mince, des trous peuvent ˆetre nucl´e´es. Sous l’action de la tension de surface, le film d’air, qui poss`ede un grand rapport surface sur volume, ´eclate. L’´epaisseur critique du film d’air est probablement de l’ordre de la port´ee des interactions de van der Waals, soit une centaine de nanom`etres.

Les deux fluides en pr´esence sont tr`es peu visqueux, et on observe que les vitesses typiques d’´eclatement des antibulles sont tr`es ´elev´ees. Une antibulle centim´etrique ´eclate en quelques dizaines de millisecondes. Les vitesses sont donc de l’ordre du m`etre par seconde. On attend donc que la r´esistance `a l’´eclatement soit d’origine inertielle. Ce type de processus est semblable `a l’ouverture d’un trou dans une nappe liquide comme un film de savon. Nous avons d´ej`a mentionn´e au chapitre 2 la loi de Taylor et Culick [96, 22] pour ce genre d’´eclatement. L’ouverture d’un trou dans un film liquide de masse volumique ρ et d’´epaisseur e se fait `a la vitesse suivante :

V =r 2γ

64 CHAPITRE 3. VIEILLISSEMENT DES ANTIBULLES

Cette vitesse d´epend un peu de l’´epaisseur du film. Pour e = 1 µm, ρ = 1000 kg.m−3

et γ = 5.10−2

mN.m−1

, on trouve V ∼ 10 m.s−1

. Cette valeur surestime les r´esultats exp´erimentaux, plutˆot de l’ordre de 1 m.s−1

[29].

Si la loi d’´echelle de Taylor et Culick reste valable, le coefficient num´erique sera sans doute modifi´e dans le cas des antibulles. La force motrice de l’´eclatement est inchang´ee, mais la r´esistance est diff´erente : la masse mise en mouvement lors de l’´eclatement n’est plus constitu´ee par le film, mais par le milieu ext´erieur. Mˆeme si la masse et la vitesse du liquide mis en mouvement ne sont pas clairement d´efinies, l’ordre de grandeur attendu pour V sera cependant le mˆeme que pour l’´eclatement d’un film de savon usuel.

Par ailleurs, il est aussi possible que nous soyons `a la limite du r´egime inertiel. Pour un film de 100 nm d’´epaisseur, le nombre de Reynolds est :

Re = V e

ν ∼

10 × 10−7

10−6 ∼ 1 (3.27)

Il est donc possible que la dissipation visqueuse ne soit pas n´egligeable. Mysels [74] a montr´e que la formule de Taylor et Culick surestime fortement la vitesse d’´eclatement des films de savon d’´epaisseur inf´erieure `a 100 nm, ce qu’il interpr`ete comme ´etant li´e `a la densit´e et `a la viscosit´e de l’atmosph`ere dans laquelle les films ´eclatent.

Lorsque la viscosit´e commence `a jouer un rˆole, on peut proposer un mod`ele de friction dans une couche limite. Lors de l’´eclatement du film, l’air est collect´e dans un bourrelet torique de diam`etre R et de largeur r. Cet objet cylindrique se d´eplace `a la vitesse V dans l’eau. Il se d´eveloppe autour de lui une couche limite dont l’´epaisseur δ est d´etermin´ee par un raisonnement ”`a la Blasius” :

δ ∼r νrV (3.28)

o`u ν est la viscosit´e cin´ematique de l’eau. La force de frottement par unit´e de longueur du tore est alors de la forme :

f ∼ ηVδr (3.29)

o`u η est la viscosit´e dynamique de l’eau. Cette friction est ´equilibr´e par la force de tension de surface, de l’ordre de 2γ par unit´e de longueur. La combinaison des ces expressions conduit `a la loi de vitesse suivante pour l’´eclatement du film :

V ∼ γη 23

ν13r− 1

3 (3.30)

Pour un bourrelet d’air de rayon r = 1 µm en mouvement dans l’eau, on trouve V ∼ 15 m.s−1

. La vitesse d´epend tr`es faiblement du temps (comme t17) `a travers le rayon du bourrelet.

3.5. CONCLUSION 65

3.5

Conclusion

Nous avons dans ce chapitre d´ecrit un mod`ele simple permettant d’expliquer le temps de vie des antibulles. Au contraire des bulles de savon, ce temps est fini, car il n’existe pas de m´ecanisme de stabilisation du film d’air enrobant le globule liquide int´erieur de l’antibulle. Ce film est drain´e par gravit´e ce qui conduit `a son amincissement au pˆole sud de la coquille. Lorsqu’il est `a point, c’est-`a- dire qu’il a atteint une ´epaisseur de l’ordre de 100 nm, les forces de van der Waals entrent en jeu, d´estabilisent le film, et conduisent `a son ´eclatement. Le temps de vie des antibulles semble r´eduit par la pr´esence de goutti`eres, qui permettent un drainage plus efficace du film d’air. L’instabilit´e conduisant `a la formation de ces goutti`eres n’est cependant pas comprise pour le moment.

Une premi`ere description laisse penser que le processus d’´eclatement r´esulte ici, comme dans le cas des bulles de savon, d’une comp´etition entre forces capillaires qui tendent `a ouvrir le film et inertie du liquide qui limite la vitesse d’´eclatement. Cependant, ce mod`ele tend `a surestimer la vitesse d’ouverture de la coquille, laissant penser que la viscosit´e du liquide environnant pourrait jouer un rˆole non n´egligeable.

Chapitre 4

Films englu´es

Sommaire

4.1 Introduction . . . 67 4.2 Fabrication de films en atmosph`ere visqueuse . . . 69 4.2.1 Films d’eau dans l’huile . . . 69 4.2.2 Films d’air . . . 69 4.2.3 Epaisseur des films cr´e´es . . . .´ 70 4.3 Eclatement visqueux : r´´ esultats exp´erimentaux . . . 72 4.3.1 Vitesse d’ouverture constante . . . 72 4.3.2 Variation de la vitesse d’´eclatement . . . 72 4.4 Bourrelet de collection . . . 75 4.4.1 Largeur du bourrelet . . . 76 4.4.2 Epaisseur du bourrelet . . . .´ 78 4.5 Mod`ele du cylindre . . . 79 4.5.1 Un cylindre en translation . . . 79 4.5.2 Comparaison avec l’exp´erience . . . 81 4.5.3 Le cas de l’huile silicone 47 V 10000 . . . 81 4.6 Pourquoi y a-t-il un bourrelet ? . . . 83 4.7 Syst`eme voisin : d´emouillage d’un liquide sur un liquide . . . 84 4.8 Conclusion . . . 85

4.1

Introduction

Comme nous l’avons dit dans le chapitre pr´ec´edent, un film liquide suspendu est vou´e `a ´eclater du fait de sa grande surface sp´ecifique. Ceux qu’on observe seront donc m´etastables : un trou nucl´e´e dans la lame s’ouvre, sous l’action de la tension superficielle, qui tire sur le bord du trou.

68 CHAPITRE 4. FILMS ENGLU´ES

La dynamique de cette explosion a ´et´e ´etudi´ee en d´etail dans le cas des films de savon, par Taylor, Culick et Mysels dans les ann´ees 1960 [70, 22, 96]. La vitesse d’explosion d’un film de savon est tr`es ´elev´ee (de l’ordre de la dizaine de m`etres par seconde), ce qui a conduit `a supposer (et v´erifier) que la r´esistance `a l’´eclatement est d’origine inertielle.

Lorsqu’une bulle d’air remonte `a la surface d’un bain d’huile silicone tr`es visqueuse, il se forme un film liquide. Apr`es drainage du film par gravit´e, la bulle cr`eve. L’ouverture du film est alors beaucoup plus lente que celle de la bulle de savon, car elle est frein´ee par la dissipation visqueuse. Ce cas a ´et´e ´etudi´e r´ecemment par Debr´egeas [27] et Brenner [11].

Nous pouvons aussi envisager des cas o`u l’atmosph`ere externe joue un rˆole dans la dynamique de l’explosion. Dans le cas des films de savon, Mysels [74] a montr´e que la pr´esence d’une atmosph`ere gazeuse induisait des d´eviations de la vitesse d’´eclatement par rapport `a la loi de Taylor et Culick. Les frottements sur le bourrelet de d´emouillage du film sont d’autant plus importants que l’atmosph`ere est dense et visqueuse. Cet effet est tr`es sensible pour les films les plus minces.

Si le contraste de viscosit´e est invers´e, on s’attend `a des effets de l’atmosph`ere beaucoup plus forts et de nature diff´erente. L’´eclatement du film d’air d’une antibulle est un exemple d’une telle situation. La figure 4.1 montre une antibulle centim´etrique lors de son ´eclatement suite au drainage par gravit´e. Sous l’action des forces de van der Waals, on observe la nucl´eation spontan´ee de plusieurs trous,

Fig. 4.1: Diff´erents stades de l’´eclatement d’une antibulle de taille centim´etrique. On observe, sur les images in- term´ediaires, la nucl´eation spontan´ee de plusieurs trous. L’ensemble de la s´equence dure 10 ms environ.

conduisant `a la r´etraction du film d’air. L’´eclatement dure au total une dizaine de millisecondes. La vitesse est donc de l’ordre de 1 m.s−1

, inf´erieure `a celle pr´evue par la loi de Taylor et Culick pour une lame d’eau dans l’air.

On rencontre aussi ce cas dans les ´emulsions d’eau dans l’huile, form´ees de gouttes d’eau s´epar´ees par des films d’huile, et stabilis´ees par des tensioactifs. Au cours du vieillissement de l’´emulsion, ces