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Fabrication de films en atmosph`ere visqueuse

films ´eclatent. Ici, l’atmosph`ere peut ˆetre consid´er´ee comme visqueuse, dans le sens o`u les nombres de Reynolds en jeu sont faibles. Joanny et de Gennes [47] se sont int´eress´es sur le plan th´eorique `a l’´eclatement de tels films. Ils insistent en particulier sur le rˆole des tensioactifs dans la dynamique d’ouverture des trous. Martin [68] a r´ealis´e une s´erie d’exp´eriences de d´emouillage de films visqueux sur des substrats visqueux. Il constate qu’un trou s’ouvre `a vitesse constante, et que cette vitesse varie comme l’inverse de la viscosit´e du substrat (ce qui est une preuve du caract`ere visqueux de la friction).

Dans ce chapitre, nous d´ecrivons des exp´eriences d’´eclatement de films liquides dans des at- mosph`eres visqueuses (air ou eau dans l’huile, air dans le glyc´erol). Nous proposons ensuite un mod`ele simple d´ecrivant les vitesses d’ouverture de trous dans ces films.

4.2

Fabrication de films en atmosph`ere visqueuse

Les films fluides ´etudi´es sont constitu´es d’eau ou d’air. Ces films baignent dans des atmosph`eres tr`es visqueuses, constitu´ees d’huiles silicone ou de m´elanges eau-glyc´erol, suite `a leur fabrication par diff´erents proc´ed´es d´ecrits ici.

4.2.1 Films d’eau dans l’huile

Pour fabriquer une lame d’eau dans de l’huile, nous disposons une solution d’eau savonneuse au fond d’un r´ecipient. Le savon utilis´e est un liquide vaisselle commercial (Paic Citron). Au-dessus, nous d´eposons une couche d’huile silicone moins dense, dont la viscosit´e est comprise entre 10 et 10000 mPa.s. Un cadre m´etallique tremp´e dans l’eau est tir´e vers la phase huileuse sup´erieure `a une vitesse de l’ordre de 0,1 m.s−1

. Le cadre devient ainsi le support d’un film d’eau savonneuse baignant dans une atmosph`ere d’huile silicone. L’eau est color´ee au bleu de m´ethyl`ene pour am´eliorer le contraste entre les deux liquides. Une fois le film cr´e´e, soit il se brise spontan´ement, soit nous d´eclenchons son ´eclatement en le per¸cant `a l’aide d’une pointe m´etallique.

4.2.2 Films d’air

Fabriquer une lame d’air n’est pas aussi simple. Il est toutefois possible de produire des lames d’air d’´epaisseur microm´etrique.

Rouleaux

Nous utilisons un rouleau de 5 cm de diam`etre `a moiti´e immerg´e dans un bain de liquide visqueux. Mis en rotation, ce cylindre entraˆıne autour de lui un film de liquide dont l’´epaisseur est typiquement millim´etrique (figure 4.2a). Ce liquide, entraˆın´e d’un cˆot´e du cylindre, vient frapper le bain de l’autre cˆot´e du rouleau. Ce faisant, il d´eforme l’interface, qui devient pointue [50]. L’´ecoulement du fluide

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sup´erieur (l’air dans notre cas) dans cette pointe tend `a faire craquer l’interface. Alors, un film d’air est entraˆın´e dans le liquide visqueux (figure 4.2b). L’´epaisseur de cette lame est en g´en´eral de l’ordre

ω

1 ω > ω 2 1

a b

Fig.4.2: Rouleau `a moiti´e immerg´e dans un bain liquide (a). Si le rouleau tourne suffisamment vite, l’interface se fracture et un film d’air est entraˆın´e (b).

de 10 µm. Lorsqu’on arrˆete brusquement la rotation du rouleau, la lame d’air se r´etracte, rendant possible l’observation de la dynamique du bord de lame.

M´ethode du pauvre

Nous utilisons un fil m´etallique horizontal, et nous le plongeons rapidement dans un bain de liquide visqueux. L`a encore, les contraintes visqueuses induites dans le bain visqueux par le mou- vement du fil permettent de crever l’interface. De l’air est entraˆın´e dans le bain sous forme d’un film d’´epaisseur microm´etrique accroch´e au cadre (figure 4.3). Ces lames d’air se r´etractent par

Fig.4.3: Un fil de rayon 250 µm est plong´e dans un bain d’huile silicone de viscosit´e 500 mPa.s. La surface du bain est fractur´ee, et un film d’air est entraˆın´e. Il est possible de suivre la r´etraction du film sur les bords, ou dans les trous qui y apparaissent.

leurs bords. Il arrive aussi que des trous apparaissent spontan´ement dans le film. Nous observons la r´etraction de ces diverses fronti`eres.

4.2.3 Epaisseur des films cr´´ e´es

La caract´eristique essentielle des films utilis´es dans les exp´eriences est bien sˆur leur ´epaisseur. Exp´erimentalement, nous pouvons la d´eterminer en mesurant le volume des reliquats apr`es ´ecla- tement. Nous pouvons aussi estimer l’´epaisseur des films de savons, en consid´erant que leur formation

4.2. FABRICATION DE FILMS EN ATMOSPH`ERE VISQUEUSE 71

r´esulte d’une comp´etition entre forces visqueuses et capillaires. Les contraintes visqueuses tendent `a entraˆıner le liquide constituant le film `a l’int´erieur d’un bain dont l’interface se d´eplace `a une vitesse donn´ee. Cette interface, quant `a elle, r´esiste `a la d´eformation par les effets de tension de surface. Il s’agit l`a d’une situation tr`es analogue `a celle d´ecrite par Landau et Levich [54] dans le probl`eme d’un film entraˆın´e par une plaque tir´ee hors d’un bain liquide. Dans cette configuration, Landau et Levich s´eparent le film en trois r´egions. L’une, loin du bain liquide, est le film d´epos´e sur la plaque, d’´epaisseur constante e. Loin de la plaque, la forme de l’interface liquide r´esulte d’un ´equilibre entre gravit´e et tension de surface. La taille caract´eristique de cette r´egion est donc la longueur capillaire. La zone interm´ediaire, appel´ee m´enisque dynamique, est le si`ege d’un ´equilibre viscosit´e-capillarit´e. Frankel [75] propose une th´eorie analogue et permettant de d´ecrire l’´epaisseur d’un film de savon tir´e hors d’un bain liquide. La loi d’´echelle obtenue est la mˆeme que celle de Landau, dont seul le coefficient num´erique diff`ere. Ces situations conduisent donc `a la formation de films liquides dont les ´epaisseurs sont comparables.

Pour les films d’eau dans l’huile, les vitesses de tirage des cadres sont de l’ordre de quelques centim`etres par seconde, et la tension interfaciale, mesur´ee par la m´ethode de la goutte pendante, est de l’ordre de 5 mN.m−1

. La viscosit´e de l’eau vaut 1 mPa.s environ. La diff´erence de masse volumique δρ entre l’eau et les huiles silicone est de l’ordre de 50 kg.m−3

. Nous en d´eduisons la longueur capillaire et le nombre capillaire en jeu :

κ−1

= qδρgγ ∼ 3 mm (4.1)

Ca = ηVγ ∼ 10−2 (4.2)

L’´epaisseur d’un tel film, donn´ee par la loi de Landau-Levich, est donc de l’ordre de :

e ∼ κ−1

Ca23 ∼ 100 µm (4.3)

On attend que les films d’air soient nettement plus minces, `a cause de la faible viscosit´e de l’air d’environ 2.10−5

Pa.s. La tension superficielle liquide-air est de l’ordre de 50 mN.m−1

et la diff´erence des masses volumiques vaut 1000 kg.m−3

. Les vitesses en jeu sont de l’ordre d’un m`etre par seconde. Dans ce cas la longueur capillaire et le nombre capillaire valent :

κ−1

∼ 2 mm (4.4)

Ca ∼ 5.10−4

(4.5)

L’´epaisseur des films d´eduite de la loi 4.3 est alors proche de 10 µm, en accord avec les observations que nous avons pu faire en mesurant la taille des bulles apr`es ´eclatement du film.

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