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Le bourrelet situ´e au bord d’un film en r´etraction est approximativement cylindrique, comme nous l’avons vu dans le chapitre pr´ec´edent. De ce fait, il est sujet `a l’instabilit´e de Plateau-Rayleigh. Des modulations de l’´epaisseur du bourrelet permettent de r´eduire l’aire des interfaces dans le syst`eme. L’amorce de l’instabilit´e est donc probablement li´ee `a un m´ecanisme dont le moteur est la tension interfaciale.

5.3.1 Caract´eristiques de l’instabilit´e de Plateau-Rayleigh

Un cylindre fluide de rayon initial r est instable vis-`a-vis de toutes les perturbations axi- sym´etriques de longueur d’onde sup´erieure `a 2πr. Ce r´esultat est dˆu `a Plateau [81]. Rayleigh a

5.3. AMORCE PAR PLATEAU-RAYLEIGH 91

montr´e par la suite que la taille des gouttes issues de la d´estabilisation est d´etermin´ee par la cin´etique de l’instabilit´e. La distance entre gouttes est li´ee `a la longueur d’onde dont le taux de croissance est le plus ´elev´e. La d´ependance du taux de croissance avec la longueur d’onde d´epend des caract´eristiques dynamiques de l’instabilit´e, donc de l’environnement dans lequel est plong´e le filament liquide.

Pour un filament peu visqueux qui se trouve dans l’air (filet d’eau issu du robinet), l’inertie domine. Dans ce cas, Rayleigh montre que la longueur d’onde qui se d´eveloppe le plus rapidement vaut 1, 44 × 2πr. Dans le cas d’un film mince d´epos´e sur une fibre, le frottement visqueux contre le cœur solide du cylindre domine l’inertie. L’instabilit´e est la plus rapide pour la longueur d’onde ´egale `a 2π√2r ≃ 1, 41 × 2πr, o`u r est le rayon ext´erieur initial du manchon liquide [24].

Pour un cylindre liquide plac´e dans le vide, si l’inertie est n´egligable, Tomotika [101] a montr´e que le temps de croissance de l’instabilit´e d´ecroˆıt strictement quand la longueur d’onde augmente, si bien qu’il est minimal pour une longueur d’onde infinie. Un tel cylindre a donc tendance `a se casser en un petit nombre de points tr`es espac´es. Le mˆeme r´esultat est valable pour un cylindre vide dans un bain de viscosit´e finie [101]. Dans le cas o`u le rapport des viscosit´es est fini, la longueur d’onde la plus instable est proportionnelle au rayon initial du cylindre. Pour un rapport de viscosit´es η0/η compris entre 0,001 et 100, la longueur d’onde la plus instable est comprise entre 1, 71 × 2πr et

4, 11×2πr (ici, η0 est la viscosit´e du milieu constituant le film, η est la viscosit´e de l’environnement).

Ainsi, mˆeme pour une grande variation du contraste de viscosit´e, la longueur d’onde la plus instable reste de l’ordre de quelques fois la circonf´erence du cylindre.

Dans les situations qui nous int´eressent (film d’eau dans l’huile), le rapport η0/η est compris

entre 0,001 et 0,05. Nous attendons donc que la longueur d’onde de la d´estabilisation soit de l’ordre α2πr, avec α ≃ 2. Pour r = 100 µm, ceci donne une longueur d’onde millim´etrique, de l’ordre de grandeur de celles observ´ees dans les exp´eriences. Par ailleurs, comme montr´e par la figure 5.4, les films les plus fins se d´estabilisent avec une longueur d’onde plus courte, en accord avec le fait que la longueur d’onde s´electionn´ee par l’instabilit´e augmente avec la taille initiale du bourrelet.

On s’attend `a ce que la dynamique de l’instabilit´e soit contrˆol´ee par la viscosit´e du milieu ext´erieur. Le temps caract´eristique de croissance de l’instabilit´e sera ainsi de l’ordre de τ ∼ ηr/γ. Pour une huile 100 fois plus visqueuse que l’eau, on trouve τ ∼ 0, 1 × 10−4

/5.10−3

∼ 2.10−3

s. Ceci rejoint l’observation selon laquelle la d´estabilisation est quasi-imm´ediate `a l’´echelle `a laquelle nous filmons les ´eclatements : lorsqu’un trou est ouvert, il montre presque imm´ediatement un bord dentel´e.

5.3.2 Adaptation aux films en ´eclatement

Le syst`eme qui nous int´eresse est plus compliqu´e, car il n’est pas initialement statique. En effet, le bourrelet, lors de l’´eclatement, collecte de la mati`ere dans le film en ´eclatement, et tend donc

92 CHAPITRE 5. INSTABILIT´ES DU BOURRELET

`a grossir. Nous avons montr´e au chapitre pr´ec´edent que le rayon du bourrelet est bien d´ecrit par une loi en racine carr´ee du temps. La longueur d’onde la plus instable et le temps caract´eristique de croissance de l’instabilit´e augmentent donc au cours mˆeme de l’exp´erience. Nous proposons ici quelques id´ees pour comprendre l’´evolution de la longueur d’onde de l’instabilit´e, telle qu’on peut la voir sur la figure 5.3.

Quasi-statique

Si la d´estabilisation est plus rapide que l’´evolution du rayon r du bourrelet, on peut s’attendre, `

a tout instant, `a observer la longueur d’onde correspondant `a la taille du bourrelet. Dans ce cas, la distance moyenne entre les dents devrait ´evoluer proportionnellement au rayon du bourrelet, soit :

λ ∼√t (5.2)

Fig´e

Il pourrait aussi arriver que le nombre de dents soit fix´e d`es le d´ebut du processus d’´eclatement, et qu’il n’´evolue ensuite plus. Alors, le rayon du trou augmentant, la distance entre les dents, c’est- `a-dire λ, augmente aussi. On attend dans ce cas que λ soit proportionnel au temps.

Pouss´ee d’une nouvelle dent

Lors de l’ouverture du trou, la distance entre deux pointes cons´ecutives ne cesse de grandir. Entre elles, il apparaˆıt donc une portion cylindrique dont la longueur augmente rapidement (lin´eairement avec le temps). Lorsque cette nouvelle portion est suffisamment longue par rapport `a son diam`etre, elle peut elle-mˆeme subir une d´estabilisation. Une nouvelle pointe peut ainsi pousser. Ce m´ecanisme limite l’augmentation de la distance entre les pointes. Si il est suffisamment rapide, il tendra `a faire diminuer λ. Trop lent, il autorisera l’augmentation de la distance entre les dents.

Les dents cannibales `

A l’inverse, deux pointes voisines parfois se rejoignent pour donner naissance `a une dent unique. Il existe donc une interaction attractive entre pointes : les dents se mangent les unes les autres. On peut comprendre ceci de la mani`ere suivante : la r´egion situ´ee entre deux pointes est en d´epression (de Laplace), ce qui tend `a rapprocher les pointes jusqu’`a les faire fusionner (figure 5.5) et conduit `

a augmenter la distance entre les dents. Ceci s’apparente `a un effet visible au petit d´ejeuner : dans un bol, les c´er´eales qui flottent s’agr`egent pour former des paquets [103]. Les m´enisques liquides qui se forment autour des c´er´eales ont tendance `a s’attirer afin de r´eduire la surface liquide-air dans le syst`eme.