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Eclatement visqueux : r´esultats exp´erimentaux ´

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A l’aide d’une cam´era rapide (jusqu’`a 1000 images par seconde), nous avons suivi l’´evolution de trous perc´es dans ces films. Nous observons que la dynamique de l’´eclatement est fortement affect´ee par la pr´esence d’une atmosph`ere visqueuse autour du film. Alors que l’explosion d’une bulle de savon dans l’air, ou de la coquille d’eau d’une m´eduse (chapitre 2), se fait `a une vitesse de l’ordre de 5 m.s−1

, un film d’eau dans un environnement cent mille fois plus visqueux ´eclate mille fois moins vite, `a typiquement quelques millim`etres par seconde.

4.3.1 Vitesse d’ouverture constante

La figure 4.4 montre l’´evolution du rayon d’un trou dans un film d’eau savonneuse en fonction du temps. Ce film est immerg´e dans un bain d’huile silicone de viscosit´e η = 340 mPa.s. On constate que l’ouverture du trou se fait `a vitesse constante. Ce r´esultat contraste avec la loi observ´ee pour l’ouverture d’un film de liquide visqueux, selon laquelle le rayon croˆıt exponentiellement avec le temps [27, 26]. La vitesse d’´eclatement, de l’ordre de 9 mm.s−1

, est comme on l’a d´ej`a soulign´e tr`es inf´erieure aux vitesses habituelles d’´eclatement des films de savon usuels.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 0 0,5 1 1,5 2 t (s) R (m m )

Fig.4.4: Rayon d’un trou dans un film d’eau savonneuse en fonction du temps. L’atmosph`ere est constitu´ee d’huile silicone de viscosit´e η = 340 mPa.s. On observe que la vitesse d’ouverture du trou est constante, de l’ordre de 9 mm.s−1dans ce cas.

4.3.2 Variation de la vitesse d’´eclatement

Viscosit´e

Comment joue le milieu ext´erieur sur la vitesse d’´eclatement d’un film fluide ? La figure 4.5 donne la vitesse d’ouverture de films d’eau ou d’air en fonction de la viscosit´e de l’huile dans laquelle ils baignent. On constate que la vitesse diminue sensiblement avec la viscosit´e du fluide

4.3. ´ECLATEMENT VISQUEUX : R´ESULTATS EXP´ERIMENTAUX 73 0.001 0.01 0.1 1 0.01 0.1 1 10 η (Pa.s) V (m.s -1) 0.001 0.01 0.1 1 0.01 0.1 1 10 η (Pa.s) V (m.s -1)

Fig.4.5: Vitesse de r´etraction de films fluides en fonction de la viscosit´e de l’environnement. `A gauche : films d’eau savonneuse dans de l’huile silicone. `A droite : films d’air dans de l’huile silicone.

ambiant. Le mˆeme effet est observ´e pour des lames d’air dans l’huile ou le glyc´erol. En coordonn´ees logarithmiques, on note que la pente observ´ee est l´eg`erement inf´erieure `a 1 en valeur absolue.

En ´eclatant, le film induit des ´ecoulements du liquide constituant l’atmosph`ere, et donc des pertes visqueuses. Lorsque nous augmentons la viscosit´e de l’atmosph`ere, la dissipation dans celle- ci augmente, ce qui diminue la vitesse d’´eclatement des films. En faisant varier la viscosit´e de l’environnement de 20 `a 1000 mPa.s, on constate que la vitesse d’´eclatement diminue d’un facteur de l’ordre de 20, passant de 10 cm.s−1

`

a 5 mm.s−1

. Pour des viscosit´es de l’atmosph`ere comparables, les films d’air ´eclatent environ 10 fois plus rapidement, les vitesses ´etant alors comprises entre 3,5 et 60 cm.s−1

.

Tension interfaciale

Les syst`emes exp´erimentaux utilis´es pr´esentent des diff´erences de tension interfaciale, entre le film et l’atmosph`ere. Le moteur de la r´etraction des films varie donc d’un syst`eme `a l’autre. La tension superficielle des huiles silicone est bien tabul´ee. Elle est presque constante, de l’ordre de 21 mN.m−1

pour les huiles que nous avons utilis´ees. La tension superficielle des solutions de glyc´erol a ´et´e mesur´ee au tensiom`etre `a anneau. Elle est ´egalement peu d´ependante de la dilution des solutions, de l’ordre de 60 mN.m−1

. Les tensions interfaciale eau savonneuse-huile ont ´et´e mesur´ees par la m´ethode de la goutte pendante. Elles sont beaucoup plus faibles, de l’ordre de 5 mN.m−1

, mais `a nouveau peu d´ependantes de l’huile silicone utilis´ee. La force motrice de l’´eclatement varie donc d’un facteur de l’ordre de 10 pour les syst`emes que nous avons ´etudi´es. En tra¸cant pour diff´erents syst`emes la vitesse d’´eclatement des films en fonction de la viscosit´e de l’atmosph`ere (figure 4.6), nous voyons que les vitesses d’´eclatement sont plus ´elev´ees dans les cas o`u la tension interfaciale est grande.

74 CHAPITRE 4. FILMS ENGLU´ES 0.001 0.01 0.1 1 0.01 0.1 1 10 V (m. s -1) η (Pa.s)

Fig.4.6: Vitesses d’´eclatement de films d’eau ou d’air dans des atmosph`ere visqueuses. Les vitesses d’´eclatement sont plus ´elev´ees pour les syst`emes de forte tension interfaciale.  : eau savonneuse-huile (γ ≃ 5 mN.m−1). 2 : air-huile

(γ ≃ 20 mN.m−1). N : air-glyc´erol (γ ≃ 65 mN.m−1).

D´ependance avec l’´epaisseur des films

La variation de tension interfaciale ne permet cependant pas d’expliquer `a elle seule les diff´erences dans les vitesses d’´eclatement. Les films les plus ´epais engendrent des d´eplacement plus importants dans l’atmosph`ere, et donc une friction plus forte. Les films les plus ´epais se r´etractent donc plus lentement. Cet effet n’est pas facile `a mesurer directement, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, pour un syst`eme donn´e, l’´epaisseur des films fabriqu´es est difficilement variable. Les lames de savon immerg´ees dans l’huile silicone sont stables au moins pour quelque temps. Il paraˆıt donc possible de les laisser drainer par gravit´e avant ´eclatement. Pour un film d’´epaisseur e, de viscosit´e η0 et un

contraste de densit´e δρ, la vitesse de drainage est typiquement [75] : v = δρg

12η0

e2 (4.6)

Pour un δρ = 100 kg.m−3

et un film d’eau (η0= 10−3Pa.s), cette vitesse est de l’ordre de 1 mm.s−1.

Le temps de drainage sur la taille centim´etrique des films est donc de l’ordre de la dizaine de secondes. De plus, ce temps d´epend fortement de l’´epaisseur du film (comme e2). Pour atteindre une ´epaisseur 10 fois plus fine, il faudra 100 fois plus de temps, une dur´ee sup´erieure au temps de vie des films (l’´eclatement spontan´e se fait g´en´eralement apr`es quelques dizaines de secondes au mieux). Le drainage ne permet donc pas facilement de varier l’´epaisseur des films.

Certains films ont toutefois tendance `a devenir inhomog`enes. Pour une raison que nous ne connaissons pas, des zones plus minces apparaissent. Il arrive alors qu’un trou nucl´e´e dans une zone mince se r´etracte jusqu’`a balayer une r´egion plus ´epaisse. Ceci nous permet alors d’´evaluer l’influence de l’´epaisseur des films sur leur vitesse d’´eclatement. La figure 4.7 pr´esente le r´esultat d’une telle exp´erience. En mesurant la taille typique du bourrelet lors de l’explosion, nous pouvons ´evaluer l’´epaisseur des diff´erentes r´egions du film qui sont balay´ees. Nous voyons ici qu’en passant