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Un outil de couverture (hedging) et de négociation (trading)

I- L'analyse microéconomique standard des effets de l'utilisation des CDS sur la stabilité financière

2. L'expansion du marché des CDS : fonctionnements et utilisations multiples

2.1 Un outil de couverture (hedging) et de négociation (trading)

Notre objectif sera dans ce point de synthétiser les résultats de la littérature académique sur les avantages présentés par les CDS en termes de stabilité financière. Nous proposerons d'abord des éléments de distinction des CDS à des fins de couverture et des CDS à des fins de négociation.

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2.1.1 Une couverture du risque de crédit

Selon plusieurs enquêtes, la raison principale d'utilisation des CDS est la couverture contre le risque de crédit. En 2009, l'ISDA a réalisé un sondage auprès des 500 plus grandes entreprises du monde classées selon leurs chiffres d'affaires, et a constaté que 94% d'entre elles ont eu recours aux instruments dérivés pour gérer et couvrir leurs risques. Il est donc clair que ces produits présentent une utilité économique pour de nombreux investisseurs, privés et souverains.

Le hedging fait donc référence à une tentative de réduction du risque d'une perte de la

valeur d'une position en raison d'un changement mark-to-market50 des cours des obligations

(Duffie, 2008). Cela signifie qu'un investisseur achète de la protection par le biais d'un CDS pour couvrir son exposition au risque de crédit de l'entité de référence sous-jacente (Mengle, 2009). La couverture par les CDS protège les prêteurs des pertes potentielles. En effet,

d'après l'ISDA51, les CDS souverains s'utilisent pour couvrir une position existante des

obligations souveraines contre les pertes de la détérioration potentielle de la solvabilité de l'emprunteur. En effet, la valeur d'un contrat fluctue en fonction de la probabilité croissante

ou décroissante de l'occurrence d'un événement de crédit. Une probabilité accrue52 d'un tel

événement peut inciter un investisseur à sortir d'un contrat par la mise en place d'opérations

de compensation dites "offsetting transactions"53, en vendant son intérêt ou en concluant un

autre contrat avec une autre partie, ou en compensant les termes du contrat avec la contrepartie d'origine. Cela se fait pour tout acheteur ou vendeur de protection détenant des obligations d'Etats risquées, compensant leur position actuelle par l'achat ou la vente d'un

50 Il s'agit d'une évaluation au prix du marché. C'est une mesure de la juste valeur des comptes qui peuvent

changer au fil du temps, en fonction des actifs et des passifs. En d'autres termes, il fournit une évaluation réaliste de la situation financière actuelle d'une institution ou d'une entreprise. L'évaluation au prix du marché peut être considérée comme un outil comptable capable d'enregistrer la valeur d'un actif par rapport à son prix de marché actuel. https://economictimes.indiatimes.com/definition/mark-to-market.

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"International Swaps and Derivatives Association", New release, March 15, 2010.

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Une probabilité accrue d'un événement de crédit rend le contrat plus intéressant pour l'acheteur de protection et a une moindre valeur pour le vendeur. Le contraire se produit si la probabilité d'un événement de crédit se diminue.

53 Cette opération s'utilise par les participants ayant l'intention d'augmenter ou de réduire leurs expositions aux

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CDS. C'est le cas lorsqu'une banque achète un CDS souverain : elle doit le compenser par la vente d'un contrat de CDS ayant les mêmes caractéristiques contractuelles dans le but de compenser la transaction (Mengle, 2007 ; Deutsche Bundesbank, 2010). En supposant qu'un investisseur possède un actif (de risque élevé) susceptible de générer des coûts (de financement) élevés. L'achat d'un CDS représente ainsi une opportunité d'acquérir une protection compensant le risque de crédit tout en conservant l'actif (générant le profit) dans le bilan. La couverture est alors utilisée comme un outil de gestion et de diversification de risque pour atténuer le risque de crédit.

Pour certains auteurs (Greenspan, 2005 ; Berner, 2007), cette capacité à couvrir des positions importantes montre que les CDS sont indispensables pour améliorer la stabilité et la solidité du système financier. L'utilisation de ces produits présente des avantages qui sous- tendent la plus grande résilience des institutions financières ou des souverains. Ainsi, au cours du cycle de crédit de 2001-2002, plusieurs prêteurs comme Enron et Worldcom ont couvert leur risque par des CDS, limitant leur exposition et évitant une vague de faillites bancaires.

2.1.2 Un outil de négociation

A part la couverture, la détention des CDS serait motivée par des raisons commerciales, telle que la négociation. En effet, l'expansion du marché de CDS, reflétée par les changements dans les parts de marché et la diversité des intervenants au cours de la crise financière et de la dette souveraine, a montré la variété des usages de ces produits et leur importance comme instrument de négociation (Duquerroy, Gex et Gauthier, 2009). Cette fonction pourrait avoir deux objectifs différents. Une telle distinction nous permettra de dévoiler les différentes dimensions des CDS, tant évoquées dans la littérature, utilisés à la fois comme instruments d'arbitrage et de spéculation.

En tant qu'instruments de négociation, les CDS souverains motivent les stratégies financières permettant de prendre des opportunités d'arbitrage sur les marchés des obligations d'Etats. Une telle stratégie sous-tend la relation entre les CDS et les obligations. Cette relation a été largement documentée et le marché de CDS est relié au marché obligataire dans le processus de découverte de prix, le prix de l'obligation s'adaptant au prix de CDS (Blanco,

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Brennan et Marsh, 2005 ; Zhu, 2006). En effet, à court terme54, ces deux marchés peuvent

présenter des écarts de prix55, qui permettent de générer des rendements sans risque. Cette

différence entre la prime de CDS et l'écart de rendement obligataire, s'appelle "base". En théorie, cette "base" devrait être proche de zéro, et elle favorise l'utilisation des CDS comme instrument d'arbitrage (Olléon-Assouan, 2004). Il s'agit de la relation de parité entre les marchés des obligations et les CDS (Hull et White, 2000), qui se traduit par l'équation suivante:

Les participants au marché peuvent tirer profit de l'arbitrage si cette équation n'est pas

vérifiée, lorsque la base est négative ou positive56. Si la base est positive57, l'investisseur

devrait acheter l'obligation et le CDS à un taux sans risque. Toutefois, si cette stratégie est massivement adoptée, le prix des obligations augmente entrainant une baisse de son rendement ainsi qu'une augmentation du prix de la protection. En revanche, si la base est

négative58, l'investisseur devrait vendre l'obligation ainsi que le CDS et investir à un taux sans

risque, ce qui pourrait rétablir l'équilibre.

Les CDS sont également utilisés comme instruments de spéculation59 sur la "santé"

financière d'une entreprise ou d'un souverain (Norden et Radoeva, 2013). Cette propriété

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Il n'existe pas d'opportunités d'arbitrages à long terme, dès lors que le prix du crédit a tendance à être évalué de la même manière, sur le marché de dérivé et sur le marché obligataire.

55 Une autre raison est due au fait que les rendements obligataires sont influencés par de nombreux facteurs,

notamment le risque de taux d'intérêt et le risque de liquidité. De même, les spreads ne se traduisent pas facilement dans les probabilités de défaut, affectés par les incertitudes concernant le taux de recouvrement et le risque de contrepartie (Weistroffer, 2009). Mais, les CDS permettent de décomposer les risques incorporés dans les titres obligataires et de distinguer le risque de crédit du risque de taux d'intérêt (Angelini, 2012a). En conséquence, les CDS permettent de profiter des opportunités d'arbitrage sur le marché obligataire.

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Cette fonction est largement effectuée en utilisant les contrats de CDS ou en combinant les CDS avec d'autres instruments de crédit.

57

Spreads des CDS < rendement de l'entité de référence - rendement sans risque.

58 Spreads des CDS > rendement de l'entité de référence - rendement sans risque.

59 Kaldor (1987, p.115) définit la spéculation comme "l'achat ou la vente des biens dans le but de les revendre

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constitue un motif déterminant privilégiant le "trading" sur les marchés de CDS, où les spéculateurs sont capables de prendre des positions "courtes" ou "longues" sur le risque de crédit sans l'obligation d'échanger l'actif sous-jacent. Dans ce cas, les CDS permettent d'isoler et de transférer le risque de crédit sans compromettre la relation avec l'entité de référence. Mais, si un investisseur achète des CDS sans exposition préalable au risque de crédit associé à l'obligation sous-jacente, c'est qu'il anticipe un gain potentiel d'un risque de crédit plus élevé, ce que le marché appelle une position "courte sur le crédit" ou un "CDS nu". Dans ce cas, les CDS agissent comme un vecteur de spéculation, bénéficiant des différences des anticipations sur la solvabilité de l'entité de référence souveraine. Cela rend l'achat de CDS

dit "avoir une position longue sur les CDS"60 similaire à la vente à découvert (short-selling)61

de l'obligation sous-jacente, parce que la valeur du marché des CDS augmente lorsque la qualité de l'entité de référence se détériore (Delatte, Gex et López-Villavicencio, 2012). Comme les CDS sont évalués sur le marché (mark-to-market), les participants au marché n'attendent pas un événement de crédit, en particulier un défaut, pour réaliser un gain ou une perte. Il suffit que change la perception du risque de défaut souverain, traduite dans une diminution ou une augmentation des prix de CDS.

Ce type d'opération a fait l'objet d'un débat intense, qui a suscité l'attention des responsables publics au cours de la crise de la dette souveraine en Europe, sur les opérations spéculatives des banques et des hedge funds. Ces agents économiques sont accusés d'avoir amplifié la crise en utilisant les positions nues sur la dette souveraine, aggravant ainsi les

conditions de financement des pays en difficulté62. Nous développerons cette idée dans la

deuxième section de ce chapitre avec un cas d'étude qui porte sur l'analyse de la crise grecque.

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L'investisseur qui vend les CDS est considéré comme étant "long" sur les CDS et sur le crédit, parce qu'il est propriétaire de l'obligation. En revanche, l'investisseur qui achète la protection est dit "court" sur les CDS (Angelini, 2012a). Par exemple, un investisseur pourrait aller "long" sur une obligation sans même payer pour l'achat d'une obligation. Il lui suffit de faire une promesse de paiement en cas de défaut.

61 La vente à découvert se réfère à la vente d'un titre sans le posséder au moment de la vente. Par exemple, dans

le cas de la vente à découvert sur les marchés au comptant, le vendeur emprunte le titre d'un investisseur moyennant un paiement (Deutsche Bundesbank, 2010).

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