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La dégradation des ratings souverains par les agences de notations : le canal de l'information

Une crise des fondamentaux et les effets de la contagion.

I- La thèse de la crise grecque en termes de la spéculation et des comportements auto-réalisateurs

3. La crise de la dette souveraine : les mécanismes de transmission

3.3 La transmission de la crise

3.3.1 La dégradation des ratings souverains par les agences de notations : le canal de l'information

Dans un climat de perturbations et de détérioration des bilans souverains, de réelles inquiétudes ont été soulevées quant à la solvabilité de la Grèce en particulier, et du GIIPS en général. Cette détérioration des équilibres macroéconomiques a constitué un signe négatif de la qualité des titres souverains. De ce fait, les agences de notation ont opté pour des nouvelles révisions des notes des pays de la zone euro. Ce comportement a alimenté la panique sur les marchés de la dette souveraine. Une telle préoccupation majeure est liée au rôle des révisions déstabilisant le marché financier dans le pays qui connait le déclenchement de la crise ainsi que dans les pays détenant une quantité importante des obligations dégradées (FMI, 2010).

La crise de la dette souveraine est marquée par la diffusion de l'incertitude et l'accroissement de la panique. Les investisseurs et les institutions financières sont contraints par les Banques Centrales d'avoir une certaine note pour pouvoir emprunter. Dans ce climat d'incertitude, l'onde de propagation se poursuit accompagnée de dégradations de notations continues. A ce titre, un climat d'incertitude et de doutes s'est instauré et s'est manifesté par un manque de confiance dans l'ensemble de la zone monétaire et, par conséquent, dans la hausse des prix sur le marché souverain et sur le marché des CDS souverains. En effet, la littérature explique souvent que le risque de défaut est significativement lié à l'évolution des notes de crédit (Hull, Predescu et White, 2004 ; FMI, 2010 ; Arezki, Candelon et Sy, 2011). De même, les décisions d'investissement et, par la suite, les modalités de financement de ces pays sont conditionnées par leurs ratings, dès lors ces pays sont devenus de plus en plus sensibles aux révisions et aux dégradations des notes attribuées par les agences de notation.

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Dans ce cas, l'évolution des notations à la baisse peuvent engendrer une détérioration dramatique de la liquidité de ces produits.

C'est la première fois que la zone euro assiste à une dégradation de grande ampleur vis-à- vis des pays membres. Du mois d'octobre 2009 au mois de mars 2012, la succession des dégradations des notations de la Grèce et des autres GIIPS a engendré des doutes sur la capacité de ces pays à rembourser leurs dettes aux échéances, ce qui a causé une crise de confiance sur ces marchés. En effet, en octobre 2009, l'agence de notation Fitch a été la première à abaisser la note de la Grèce de A- à BBB+ avec une perspective négative continue. Ensuite, les notes de la Grèce ont chuté d'une manière significative, jusqu'au déclassement de l'agence de notation Standard & Poor's (S&P) de la dette grecque à "junk

status186" (Giordano, Pericoli et Tommasino, 2013). Le comportement des agences de notation a confirmé les craintes des décideurs politiques, entrainant des pertes significatives pour les investisseurs et affectant leurs comportements. Ces derniers se trouvent obligés de réduire leurs expositions aux dettes grecques. Le marché des titres est devenu en état d'incertitude généralisée (Missio et Watzka, 2011), ce qui a engendré un déclin de confiance sur les marchés financiers, principalement après la perte par les dettes grecques de leurs

qualités "investment grade187".

En conséquence, l'évaluation de la soutenabilité budgétaire en Grèce et plusieurs autres pays, a changé de façon rapide en raison des déficits en hausse continue ainsi que d'une révision à la baisse de la croissance future. Il en résulte des anticipations de hausse de la dette et des taux d'intérêts. Les investisseurs ont réalisé que le risque de faillite de la Grèce était réel et que rien ne pouvait empêcher la hausse des taux d'intérêts (De Grauwe, 2010). Cette hausse a engendré un problème de refinancement à la fois pour la Grèce et les banques détenant la dette grecque auprès de la BCE parce que l'éligibilité des obligations grecques a

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Le statut "indésirable" ou "spéculatif" est un des termes utilisés pour désigner la solvabilité d'un Etat ou des entreprises. A titre d'exemple, un pays dont la notation est inférieure à BBB- est classée dans la catégorie "spéculative" et dont les obligations sont considérées comme "à haut risque", ce qui signifie qu'il est susceptible de faire défaut sur ses prêts(Crossley et Teixeira, 2017).

187 C'est un des termes classés par les agences de notation destinées aux investisseurs qui envisagent d'acheter

des obligations d'un Etat ou d'une entreprise. Cette catégorie d'investissement (investment grade) comprend les notations de AAA jusqu'au CCC et signifie que l'entité est capable de respecter ses engagements financiers (“Understanding Ratings - S&P Global Ratings” n.d.).

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été remise en question188. Comme les spreads des taux d'intérêts grecs ont augmenté au début

des années 2010, des signes de contagion à d'autres pays de la zone euro et de l'UE sont apparus. Après la Grèce, la crise a touché le Portugal et les autres pays GIIPS. Le rôle de la Grèce mis en évidence, l'état de ses finances publiques a joué un rôle négatif et a influencé les anticipations des agents économiques au niveau européen et international. Cette influence s'est manifestée surtout par la dégradation des notations pour le Portugal.

Toutefois, plusieurs contributions théoriques et empiriques ont mis en exergue le rôle de ce canal d'information matérialisé par les agences de notations dans la transmission de la crise de la dette souveraine. Arezki et al. (2011) expliquent que les dégradations des notations souveraines affectent non seulement les marchés financiers du pays soumis à l'annonce de notation, mais aussi ceux des autres pays de la zone euro. Ceci montre le rôle primordial des notes de crédit sur la hausse de l'instabilité financière. Dans l'ordre d'idée, Hull et al. (2004) constatent que les reviews pour les dégradations contiennent des informations importantes pour expliquer les spreads de CDS. Cela signifie que l'utilisation des perspectives des agences de notations affecte la hausse ou la baisse des primes de risque souverain (spreads de CDS).

En effet, le comportement des agences de notation189 et leurs réactions sévères ont révélé

que le risque souverain avait été sous-évalué pour la période de pré-crise. Cette sous- évaluation peut être due au problème d'asymétrie d'information. Comme nous l'avons déjà indiqué, cette asymétrie d'information est considérée comme une source d'émergence des comportements irrationnels. De ce fait, les agences de notation sont accusées d'avoir un

avantage informationnel sur les marchés souverains190. Et comme nous l'avons précisé, les

décisions d'investissement ainsi que les emprunts sont basés sur les notes de crédits attribuées

188 Les notations sont souvent utilisées par les organismes de réglementation pour établir les "exigences en fonds

propres" affectant les portefeuilles des banques, parce que seuls les actifs bien notés sont acceptables comme une garantie pour obtenir un crédit auprès de la BC. En outre, les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension et les assureurs sont obligés de détenir des obligations avec une certaine note minimale (De Santis, 2012, p.3). En général, la BCE limite l'éligibilité des garanties à A-. En revanche, au cours de la crise de la dette souveraine, la politique monétaire a changé car les titres notés BBB sont devenus éligibles comme titre de garantie.

189 Les trois agences de notation auxquelles nous faisons référence sont Standard & Poor's, Moody's et Fitch. 190 Selon Monfort et Mulder (2000), les agences de notation ont un pouvoir informationnel, dans l'explication de

l'évolution des spreads de CDS souverains, étant donné qu'elles reflètent la perception sur la solvabilité d'un pays.

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par les agences de notation. Toutefois, ces agences sont en réalité rémunérées par leur émetteur et non pas par les investisseurs, ce qui les positionne à la fois comme juge et partie, créant des doutes quant à l'objectivité de leurs ratings.

En cas de défaut de l'économie grecque, deux risques surgissent. D'abord, c'est la crainte qu'un non respect des obligations grecques affecte l'accès de ces pays aux marchés de capitaux internationaux. Et deuxièmement, c'est le risque de faillite de plusieurs banques européennes détenant des quantités importantes d'obligations d'Etats GIIPS dans leurs portefeuilles.

La succession des dégradations des notations souveraines ainsi que la mise en cause du rôle déstabilisateur des agences de notation nous motivent à étudier l'impact des dégradations des notations, plus précisément, des révisions des notes grecques, comme le vecteur principal de la propagation de la crise ayant un effet sur l'évaluation du risque de défaut souverain.

3.3.2 La matérialisation de la crise : la montée des primes du risque

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