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Le cadre conceptuel : la définition et les formes de contagion

Une crise des fondamentaux et les effets de la contagion.

I- La thèse de la crise grecque en termes de la spéculation et des comportements auto-réalisateurs

3. La crise de la dette souveraine : les mécanismes de transmission

3.1 Le cadre conceptuel : la définition et les formes de contagion

Dans le sillage des tensions et des crises financières, il est difficile de trouver une définition unique de la contagion. En science médicale, la contagion signifie la propagation d'une maladie d'un individu à l'autre. En économie, ce terme a un sens plus large. Le terme contagion "désigne le fait qu'une crise ou une attaque spéculative sur un marché accroît

significativement la probabilité de tensions sur d'autres marchés, pouvant ainsi conduire à une succession de crises sur des marchés distincts" (Cailleteau et Vidon, 1999, p. 13). En

d'autres termes, la contagion indique la transmission des perturbations ou l'instabilité financière des institutions ou des pays vers les autres marchés financiers ou d'autres économies, un processus observé par les co-mouvements des taux de change, de cours d'actions, des spreads souverains ou des flux de capitaux (Giordano, Pericoli et Tommasino, 2013).

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Pericoli et Sbracia (2003) ont fourni un aperçu des définitions les plus couramment utilisées dans la littérature. Leur étude montre que la contagion existe si : (a) la probabilité d’une crise dans un pays augmente fortement en réponse à une crise dans un autre pays, (b) les co-mouvements des prix d’actifs ne sont pas conduits par les fondamentaux, (c) l’augmentation de la volatilité des prix des actifs se produit à travers les pays (cross-nations), (d) les co-mouvements des actifs financiers entre les pays augmentent de façon significative, et (e) le mécanisme de transmission entre les pays conditionnels à une crise dans l’un des pays, conduit également à une modification des co-mouvements des prix d’actifs de ces pays.

Nous pouvons donc identifier dans la littérature plusieurs définitions de la contagion

financière180. Nous faisons référence dans notre étude à la définition de Forbes et Rigobon

(2000), Grammatikos et Vermeulen (2012), Caporin et al. (2018) et Ters et Urban (2018) dans laquelle la contagion est définie comme la propagation des perturbations d'un pays à un autre. Il s'agit d'effets de contagion qui se manifestent exceptionnellement pendant la période de crise. Ils expliquent que la contagion est souvent liée aux périodes de tension où la propagation du stress est la plus probable. Forbes et Rigobon (2002) mettent en avant le concept de contagion comme la hausse des liens entre les différents marchés suite à un choc négatif dans un pays (ou un groupe de pays). Cela implique que nous modélisons les chaînes de transmission pendant la période de non-crise, et testons si les chocs sont transmis plus fortement pendant la période de crise de la dette souveraine. Cette approche est aussi compatible avec Caporin et al. (2018) et Forbes et Rigobon (2002) qui présentent une identification empirique de la contagion comme suit : lorsque la fonction de réponse impulsionnelle augmente significativement et statistiquement pendant la période de crise comparée à la période de non-crise, cela suggère que le mécanisme de transmission entre deux pays (ou marchés) se renforce et que la contagion a lieu. En revanche, lorsque la fonction impulsionnelle n'est pas statistiquement significative par rapport à la période de crise, l'hypothèse de contagion est rejetée et la relation est qualifiée de co-mouvement.

Pour d'autres, la contagion représente une transmission à court terme des chocs entre les marchés financiers (Kaminsky, Reinhart et Vegh, 2003). Néanmoins, certaines études mettent en perspective la transmission des chocs au-delà des liens fondamentaux, répercutés par les comportements psychologiques et les anticipations auto-réalisatrices (De Grauwe, 2010 ; De

Grauwe et Ji, 2013).

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Pour clarifier cette notion, nous identifions trois formes principales de contagion distinguées selon leurs causes probables.

La contagion basée sur les fondamentaux (fundamentals-based contagion) :

Cette forme de contagion se propage par la présence des liens financiers et commerciaux entre les pays (Kaminsky et Reinhart, 1999 ; Calvo et Reinhart, 1996). Ce type de contagion sera expliquée par les retombées "spillover effects" constatés "lorsqu'une crise sur un marché

affecte les conditions macroéconomiques fondamentales des économies voisines" (Cailleteau

et Vidon, 1999, p. 13). Dans ce cas, les chocs proviennent soit d'une même série d'événements communs aux deux pays soit des relations financières ou commerciales entre les deux économies.

La Wake-up call contagion :

Goldstein (1998), Masson (1999) et Goldstein, Kaminsky et Reinhart (2000) ont suggéré que la crise, limitée à un seul pays, peut être considérée comme un signal qui fournit des nouvelles informations et pousse les investisseurs à réévaluer la situation économique dans les économies où ils ont investi, ainsi que le risque de défaut d'autres pays. Ce processus a été mis en avant par Goldstein (1998) pour expliquer la contagion de la Thaïlande vers les autres pays d'Asie, lors de la crise asiatique dans les années 90 (Giordano, Pericoli et Tommasino, 2013). Ces pays ont été touchés par les mêmes faiblesses structurelles et institutionnelles que la Thaïlande (faiblesses du système bancaire, par exemple), mais ces signes ont été ignorés jusqu'au "réveil" thaïlandais (crise de 1997). Ce type de contagion montre l'existence des faiblesses fondamentales dans les pays affectés, insuffisantes à elles seules pour déclencher une crise.

La Shift-contagion :

Ce terme est emprunté à Forbes et Rigobon (2000). Ce phénomène se réalise lorsque les corrélations des fluctuations entre les pays augmentent pendant "les périodes de crise" par

rapport aux corrélations pendant "les périodes d'avant-crise"181. Ce type de contagion traduit

la corrélation accrue entre deux économies à la suite d'un choc ou d'une attaque spéculative, transmettant le même stress ou la même panique sur les marchés financiers. Dans ce cas, les

181 La contagion est associée à une hausse exceptionnelle et transitoire des interdépendances économiques

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chocs s'expliquent par la corrélation économique ou commerciale entre deux pays ou deux institutions, par exemple, une dévaluation de la compétitivité-prix entre deux partenaires ou concurrents commerciaux (Eichengreen, Rose et Wyplosz, 1996). Ce type de contagion peut être considéré comme analogue au "wake-up call contagion", hormis qu'il met en évidence que la transmission de la crise ne peut pas être liée à l'évolution des fondamentaux. A l'opposé, il est lié à une sensibilité accrue aux facteurs communs (par exemple, l'aversion au risque) ou au comportement des investisseurs et non pas à des facteurs spécifiques au pays.

Nous pouvons aussi distinguer une quatrième forme de contagion qui est la contagion pure (i.e. "pure contagion").

La pure-contagion :

Selon Masson (1999), la contagion pure est marquée par l'absence de liens macroéconomiques et financiers entre les pays. Cette catégorie s'explique par le fait que les transmissions restent en grande partie non liées aux changements dans les fondamentaux, qu'ils soient spécifiques au pays (comme dans le cas du "wake-up call contagion") ou mondiaux (dans le cas du "shift-contagion"). Il s'agit dans ce cas d'un changement dans les sentiments des acteurs sur le marché. De ce fait, les propagations peuvent être dues à une perte de confiance auto-réalisatrice (Calvo, 1998), associée aux comportements moutonniers

irrationnels (Chari et Kehoe, 2003) ou des appels de marge182 (margin calls). A l'image d'un

tel désarroi, la contagion s'explique par le passage d'une situation "d'avant-crise" à un équilibre multiple de crises et de paniques sur l'ensemble de marchés financiers.

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