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3.2 LE CAS ETUDIÉ

3.2.2 Le cas d’Oshwe

Le cas du territoire d’Oshwe dans la province de Maï-Ndombe nous a intéressés car les communautés locales ont vécu l’expérience du partage des bénéfices fournis par le CCS. Elles ont négocié puis en mis en œuvre avec la compagnie forestière dénommée Société de Développement Forestier (SODEFOR) des accords de CCS. De plus, la compagnie nous a permis et facilité l’accès sur ses sites suite à son engagement dans la certification forestière qui lui impose la transparence dans la mise en œuvre de l’ADF (Semeki et al., 2014). Comme indiqué sur la figure1, le territoire d’Oshwe est localisé dans la province de Maï-Ndombe en RDC (RGC, 2016).

Figure 3-3 Localisation du territoire Oshwe dans la province de Maï-Ndombe (RGC, 2016)

Le territoire est une entité administrative qui regroupe des secteurs, 3 à 5 en général, qui à leur tour sont formés par des groupements, 3 à 6 en général, ensuite le groupement comprend des villages. Le territoire d’Oshwe (zone hachurée sur la figure 3-3) occupe

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une superficie de 43 000 km², est situé entre 2 ° 45’ et 3° 25’ de latitude Sud et 18° 40’ et 19° 20’ de longitude Est, il est subdivisé en 4 secteurs et 9 groupements. La population est de l’ordre de 233 867 habitants avec une densité de 5 habitants/km² et le taux de croissance démographique est de 2,5%. 80% de la population au sein de cette province vit en milieu rural et concernant le genre, la population est repartie en 53 % de femmes et 47 % d’hommes (Ministère du Plan/RDC, 2005).

Le cadre socio-économique d’Oshwe est particulièrement caractérisé par la pauvreté autant que les zones rurales de la RDC en général (PNUD, 2015). Elles vivent des activités de subsistance notamment l’agriculture itinérante sur brûlis, la chasse, la pêche, la production et la vente du charbon de bois ainsi que le petit commerce (Hirsh et al., 2013; Semeki et al., 2014). Comme le décrit la figure 3-4, les villages à Oshwe sont des zones rurales marquées par la vétusté, le mauvais état et l’insuffisance des infrastructures communautaires.

Figure 3-4 Village au sein du territoire d’Oshwe

L’exploitation forestière industrielle est l’un des poumons économiques de la province de Maï-Ndombe et particulièrement au territoire d’Oshwe. D’ailleurs, la compagnie SODEFOR y exploite le bois d’œuvre depuis 1994. Cette compagnie regroupe 16 concessions réparties sur l’ensemble de la RDC, ce qui équivaut à une superficie exploitable de 2 129 350 ha dont 30 % qui représente 651 178 ha à Oshwe (FRMi, 2014). Sa production forestière équivaut à 25 % de la production totale annuelle de grumes du secteur formel en 2005. En 2007, la production a atteint un record avec 72 586 m³. Les principales essences exploitées sous forme de grume sont Millettia laurentii (Wenge),

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Entandrophragma candolei (Kosipo), Milicia excelsa (Iroko), Brachystegia laurentii

(Bomanga), Prioria balsamifera (Tola) et Entandrophragma cylindricum (Sapelli).

Millettia laurentii (Wenge) représente la grande majorité des essences sciées (82 % du

volume), Prioria balsamifera étant la seconde plus importante. Pour le déroulage, ce sont les essences suivantes qui sont exploitées: Canarium schweinfurthii (Aiélé), Antiaris

toxicaria (Ako), Prioria oxyphylla (Tchitola) et Brachystegia laurentii (Bomanga).

Depuis 2004, la SODEFOR s’est engagée vers la gestion durable des forêts et la certification forestière (FRM, 2008; SODEFOR, 2010). Elle est appuyée techniquement par le bureau d’études Forest Resource Management (FRM) ainsi que certaines ONG internationales notamment le WWF et certaines ONG nationales (Hirsh et al., 2013).

La figure 3-6 concerne la carte les sept (7 concessions) de la SODEFOR à Oshwe dont 5 sont actives. Ces différentes concessions sont contiguës et des groupements des communautés locales y sont riverains. Un groupement peut être riverain à deux concessions. C’est le cas du groupement Bokongo qui est riverain à la fois à la concession Nkaw et Lole. Aussi, deux groupements peuvent être riverains à une seule concession comme le tableau 3-2 l’indique. En effet, les groupements Bokongo et Imoma sont riverains à la concession Nkaw, les groupements Batito-Nord et Bolendo pour la concession Nongeturi et les groupements Mbindjankama et Bokongo pour la concession Lole.

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Figure 3-6. Carte des concessions de SODEFOR au territoire d’Oshwe Nteno Lole Nkaw Nongenturi Concessions non actives Isoko

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Six (6) groupements sont riverains à cinq concessions forestières illustrées sur la figure 3- 6 sous la gestion de la SODEFOR à Oshwe. Entre 1980 et 1990, l’aménagement desdites concessions était suivi par une cellule technique de la coopération canadienne en partenariat avec l’administration forestière de la RDC qui portait le nom de Zaïre à l’époque.

Tableau 3-2 Groupements riverains aux concessions de la SODEFOR

Concession Numéro de la concession correspondant à la Garantie d’approvisionnement

Groupement Superficie (Ha)

Nteno N° 28/03 Mbidjankama 154 939

Isoko N° 64/00 Batito -Sud 121 785

Nkaw N° 22/03 Bokongo et Imoma 89 930

Nongeturi N° 31/03 Batito -Nord et

Bolendo 130 627 Lole N° 30/03 Bokongo et Mbindjankama 153 897 AMAR et UDME (2011) Les groupements mentionnés dans le tableau 3-2 avaient soit signé des clauses sociales avec la compagnie, soit négocié les clauses sans s’accorder avec la compagnie ni les signer. Particulièrement, le groupement Bokongo n’avait pas signé les clauses sociales par contre les groupements Mbinjankama et Batito les avaient signées puis mises en œuvre (AMAR et UDME, 2011). Notre étude de cas s’est déroulée sur la période de 2012 à 2013, période pendant laquelle les clauses du CCS sont revisitées pour le groupement Batito Sud, pas encore conclues pour le groupement Bokongo et le comité de Gestion du groupement Mbinjankama était réélu. Donc la mise en œuvre du CCS était en cours et des évaluations ont commencé sur le respect des calendriers de réalisations des infrastructures inscrites dans le CCS. La signature des clauses du CCS est illustrée par les figures 3-7a et 3-7b.

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Figure 3-7a et 3-7b. Signature de clauses revisitées à Batito Sud

Bien avant la mise en œuvre du CCS, les groupements susmentionnés ont développé leur capacité organisationnelle en déléguant certains de leurs membres au sein des Comités Locaux de Développement et de Conservation (CLDC). Les CLDC sont des structures organisationnelles locales initiées par l’ONG WWF à Oshwe (PBF, 2013). Par l’entremise des CLDC, les délégués de la communauté locale proposent et mettent en œuvre, après avoir négocié avec le concessionnaire forestier, des projets communautaires (Schmitt et Batekita, 2015). Ces projets ont porté sur diverses activités : activités agricoles pratiquées comme alternative à l’agriculture itinérante sur brûlis; le reboisement communautaire; la construction ou la réfection des infrastructures d’intérêt communautaire et les activités de sensibilisation contre le braconnage (PBF, 2013). Les CLDC ont établi un cadre de dialogue entre les communautés locales et le concessionnaire forestier, cadre qui leur a servi ensuite pour la mise en œuvre du CCS. Les délégués au sein des CLDC ont la responsabilité de transmettre aux autres membres de la communauté locale les connaissances acquises ou les sensibiliser sur le maintien de la biodiversité.

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3.3 MÉTHODES

3.3.1 Approche méthodologique générale

Méthodologiquement, notre recherche au territoire d’Oshwe constitue une étude de cas exploratoire et s’inscrit dans une approche de recherche qualitative (Dépelteau, 2000; Gauthier, 2010; Roy, 2010; Campenhoudt et Quivy, 2011). Pour Stoecker (1997), l’étude de cas est une démarche méthodologique qui consiste à étudier une personne, une communauté, une organisation ou une société individuelle. La force de l’étude de cas est de permettre une analyse approfondie en réunissant un grand nombre d’informations et d’observations sur le cas ainsi que son contexte (Tremblay, 1968). En effet, l’étude de cas permet une analyse in fine de ce que pensent les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du CCS et particulièrement les communautés locales. Consulter les communautés locales est une démarche d’autant plus pertinente qu’elles sont directement concernées comme partie prenante et bénéficiaire de cette mise en œuvre.

Par contre, cette approche pose des défis de généralisation (Steinberg, 2015). Pour répondre à cette limite de l’approche de l’étude de cas nous avons aussi réalisé une enquête auprès de certains représentants, acteurs et intervenants au niveau national afin d’obtenir des informations complémentaires sur la mise en œuvre du CCS à l’échelle de la RDC.

Sur 57 concessions forestières actives sur l’ensemble du territoire national en RDC, 85 clauses du CCS ont été signées puis mises en œuvre (MECNDD, 2015). Les difficultés d’accès aux concessions forestières et les mauvaises relations entre certains concessionnaires et les communautés locales ne facilitent pas le type d’enquête que nous visions (Greenpeace, 2008; Kwokwo et al., 2012). Le cas du territoire d’Oshwe, par contre, nous offrait une opportunité intéressante de réaliser une étude en profondeur sur les défis de mise en œuvre du CCS et cela dans un environnement transparent. En effet, l’engagement de la SODEFOR envers la certification environnementale lui exige la transparence dans chaque volet de l’ADF notamment le volet social externe (Vandehaute et Heuse, 2006; Semeki et al., 2014). Le volet social externe concerne la zone territoriale en dehors de la concession forestière dans laquelle la compagnie forestière réalise des actions en faveur du bien-être de la communauté locale. Dans de telles circonstances, les

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méthodes qualitatives permettent d’acquérir une richesse d’informations (Beckley et al., 1999) qui facilite une meilleure compréhension des défis posés par la mise en œuvre du CCS à l’échelle du groupement.

Notre étude de cas a été réalisée de 2012 à 2013 au moment où le concessionnaire forestier déployait ses efforts pour se conformer à l‘exigence légale de la négociation, de la signature puis de la mise en œuvre du CCS. Durant cette période, nous avons observé 3 situations concernant la mise en œuvre du CCS : la première situation a concerné la mise en œuvre du CCS au groupement Mbinjankama. La deuxième situation porte sur la révision des clauses du CCS au niveau des groupements Batito Nord et Batito Sud. La troisième situation a porté sur l’échec des négociations entre la compagnie et le groupement Bokongo.

Notre démarche méthodologique a compris trois grandes étapes: l’enquête sur le terrain, l’analyse des perceptions des acteurs au niveau national et l’analyse comparative des perceptions des acteurs et parties prenantes intervenant au niveau local avec ceux intervenant au niveau national. Cette approche constitue une triangulation méthodologique comme le décrivent Moran-Ellis et al. (2006) car quatre techniques d’enquête (entretien semi-dirigé, assemblée de consultation, observation participante, observation non participante) sont utilisées pour aboutir à une seule fin celle d’analyser la perception des acteurs et des parties prenantes sur la mise en œuvre du CCS au territoire d’Oshwe et en dehors du territoire d’Oshwe.