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3.2 LE CAS ETUDIÉ

3.2.1 Cadre de la gouvernance forestière et du CCS en RDC

L’institutionnalisation du CCS comme un mécanisme public de partage des bénéfices tirés de l’exploitation forestière est un remède initié par l’État par rapport à la période avant la mise en œuvre du CCS durant laquelle l’exploitation forestière était réalisée en défaveur de communautés locales avoisinantes les concessions forestières (Oyono et Leo Nzuzi, 2006). Le secteur forestier en RDC a longtemps très faiblement contribué à la réduction de la pauvreté des communautés locales suite aux faiblesses de la gouvernance forestière (Trefon, 2008). Une des faiblesses est le dysfonctionnement du mécanisme de rétrocession des taxes payées par les entreprises forestières à l’État au niveau national qui est difficilement ramené au niveau local. Schmitt et Batekita (2015) qualifient la rétrocession de la redevance forestière annuelle de mécanisme vertical de partage de bénéfices issus de l’exploitation forestière vu l’orientation des bénéfices provenant de l’État central vers la localité décentralisée. Or, cette rétrocession budgétaire avait été instaurée, en principe, afin de contribuer au développement local et à la réduction de la pauvreté des communautés locales.

Une des conséquences du déficit fonctionnel de la rétrocession financière est la vétusté des écoles, des centres de santé et des routes au niveau local (Ministère du Plan de la RDC, 2011; Kongolo et Zamberia, 2016). De plus, les zones rurales avoisinantes les concessions forestières ont été pratiquement abandonnées de l’État (Oyono et Nzuzi, 2006). Cette situation a été exacerbée par la guerre qu’a connue la RDC et qui avait paralysé tous les secteurs de l’État vers la fin du siècle précédent (Debroux et al., 2007). En outre, les ententes privées entre les communautés locales et les concessionnaires forestiers étaient soit informelles soit peu respectées (Oyono et Lelo Nzuzi, 2006; Debroux et al., 2007; Vermeulen et Karsenty, 2014).

Le CCS est un accord contractuel entre la communauté locale et le concessionnaire forestier sous la supervision de l’État (Karsenty et al., 2008). Il fixe les modalités d’obtention du fonds de développement local et la liste des infrastructures sociales en faveur des communautés locales. Il fournit à la fois des bénéfices monétaires et non monétaires issus de l’industrie forestière. C’est un outil normatif qui est une exigence

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légale fondamentale dont dépend la validité du contrat de concession forestière en RDC (MECNET, 2010). En effet, sa validité dépend du respect des clauses sociales du CCS négociées entre le concessionnaire forestier et les communautés locales ou les peuples autochtones.

Au niveau financier, le CCS est alimenté par le FDL qui est calculé par la somme cumulée des valeurs marchandes de chaque unité de volume de bois (2 à 5$ US/m³) tiré des arbres ayant atteint le diamètre minimum d’exploitabilité et dont l’inventaire est validé par l’administration forestière (MECNET, 2010). La communauté locale choisit ses représentants qui siègent dans les comités locaux de gestion et de suivi du FDL. La mise en œuvre du CCS associe deux types de pouvoir : traditionnel et public. En effet, le groupement est l’entité territoriale dans laquelle le CCS est mis en œuvre. Il est sous la responsabilité politico-administrative d’un chef de groupement. Ce dernier est à son tour sous la supervision hiérarchique de l’administrateur du territoire qui est le garant du respect des exigences légales relatives au CCS. Le groupement est constitué d’une agglomération de villages, cinq en moyenne, qui sont des zones rurales dirigées respectivement par des chefs de village qui sont des autorités coutumières. La participation des habitants des villages à la mise en œuvre du CCS, s’effectue en transférant leur pouvoir décisionnel aux délégués villageois. Leur mandat est d’abord de déterminer la liste finale des infrastructures communautaires qui seraient financées grâce au FDL. Cette liste est développée à l’issue d’une consultation publique au sein des villages, suivie d’un consensus au niveau des délégués villageois en vue de la finaliser et de la disposer au comité de négociation. Les délégués villageois ont également le mandat de choisir les membres du comité de négociation et de produire la carte participative du groupement. Ils désignent aussi les membres du village qui feront partie respectivement du comité de gestion du FDL et du comité d’évaluation de la mise en œuvre du CCS (MECNET/Mission de facilitation des clauses sociales du cahier de charges en RDC, 2012).

La mise en œuvre du CCS a été promulguée comme un remède socio-économique à la faible contribution du secteur forestier formel au bien-être des communautés locales en RDC. Sa promulgation a constitué une innovation institutionnelle dans la gouvernance

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forestière car elle est une mesure d’application de l’article 89 alinéa b du code forestier congolais (Journal Officiel de la RDC, 2002; Oyono et Lelo Nzuzi, 2006). Cet article mentionne le respect des droits des communautés locales et des peuples autochtones lors de la mise en œuvre de l’ADF.

L’introduction du CCS dans le régime forestier de la RDC est liée au processus de conversion des titres forestiers. Ce processus a démarré en 2005 et a porté sur le passage de la lettre d’intention ou garantie d’approvisionnement au titre de concession forestière (Trefon, 2008). Aussi les concessions qui étaient octroyées de gré à gré avant le processus de conversion des titres forestiers, le sont dorénavant par adjudication. L’État Congolais a exigé à chaque concessionnaire de négocier puis signer des clauses du CCS et d’élaborer un plan d’aménagement. Sans le respect de cette exigence, la concession est reprise par l’État.

Le CCS est mentionné formellement dans la législation congolaise en 2008 dans l’arrêté 028 comme une annexe du contrat de concession forestière (MECNET, 2008). Après cette étape, le modèle d’accord constituant les clauses sociales du cahier des charges a été promulgué en 2010 (MECNET, 2010). Avant 2010, les accords entre les communautés locales et les concessionnaires forestiers étaient provisoires, non formels ni respectés dans la plupart des cas sur toute l’entendue de la RDC (Oyono et Lelo Nzuzi, 2006; Trefon, 2008).

Ce sont les communautés locales, habitant un groupement riverain à une concession forestière, qui jouissent du partage des bénéfices fournis par la mise en œuvre du CCS. Le groupement est l’entité territoriale constituée par des villages qui peuvent être occupés chacun par plus ou moins 2000 habitants (Romaniuk, 2006). Aussi, un groupement de villages est généralement concerné par un CCS et il est possible de trouver un CCS qui porte sur deux groupements voisins. Par contre, les peuples autochtones peuvent installer leur case en pleine forêt faisant partie de la concession forestière.

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10 840 328 ha en 2015 (Global Witness, 2015) et la superficie d’une concession varie d’environ 50 000 à plus de 100 000 ha. Une entreprise peut détenir une ou plusieurs concessions forestières dans un même territoire.

Le CCS concerne en premier lieu les communautés locales habitant le groupement et le concessionnaire forestier qui négocient les clauses du CCS sous la supervision du représentant de l’État. Ce dernier est l’administrateur du territoire ou son adjoint en cas d’empêchement. Le chef de groupement a un rôle administratif de signer le CCS mais sans intervenir dans sa gestion. La participation des communautés locales à la mise en œuvre du CCS passe par différentes étapes mentionnées dans le tableau 3-1.

Tableau 3-1 Étapes de la mise en œuvre du CCS

Étape de la mise en œuvre du CCS Intervenants But 1. Consultation publique au sein des

villages

État et délégué des ONG

Connaître les besoins de chaque village en matière

d’infrastructure 2. Choix des délégués villageois Chef de

groupement, Chef de village, notables, chefs de terre, chefs religieux et élites au sein du village

Choisir le porte- parole du village

3. Consensus sur la liste des infrastructures à négocier Comité des délégués villageois Définir la liste définitive des infrastructures sur base de leur faisabilité 4. Choix des membres du comité de

négociation Comité des délégués villageois Mettre en place le comité de négociation 5. Négociation des clauses basées sur la

liste définitive des infrastructures communautaires Comité de négociation, délégué du concessionnaire forestier, Administrateur du territoire ou son adjoint, délégué de l’administration forestière, délégué d’une ONG Obtenir un accord entre le concessionnaire et le comité de négociation

104 6. Signature des clauses du CCS Chef de

groupement, délégué du concessionnaire forestier

Contractualiser l’accord des clauses du CCS

7. Installation des CLG et CLG Comité des

délégués villageois, délégué du concessionnaire forestier, Administrateur du territoire ou son adjoint, délégué d’une ONG

Choix des membres du comité local de gestion (CLG) et du comité de suivi (CLS) du CCS

D’après le MECNET (2010), la participation des communautés locales à la mise en œuvre du CCS s’effectue en différentes étapes. En premier lieu, les membres de chaque village du groupement participent successivement à la consultation publique initiée par l’État avec la facilitation des ONG. Cette consultation permet de savoir quelles sont les attentes de chaque village concernant les infrastructures communautaires qu’il souhaiterait obtenir. Ensuite, chaque village choisit après une assemblée élective un délégué villageois qui est en général un des membres des CLDC. L’ensemble des délégués villageois forme un comité de représentation des différents villages d’un groupement car le CCS est négocié et mis en œuvre à l’échelle du groupement.

Les délégués villageois définissent par consensus la liste des infrastructures qui devra être négociée avec les délégués du concessionnaire forestier. Le délégué du concessionnaire est le responsable du volet social de l’ADF qui travaille sous la responsabilité du chargé de la certification. Après cette étape, les délégués villageois vont installer un comité de négociation. Durant la période de négociation des clauses, chaque partie dispose de son interface de dialogue qui est son porte-parole. Le comité de négociation après avoir joué son rôle est dissous pour laisser place aux comités de gestion et de suivi du FDL (MECNET, 2010).

Les délégués villageois vont par la suite installer le comité de gestion et suivi du FDL. La communauté locale et le concessionnaire forestier ont leurs représentants dans ces

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différents comités. L’administrateur ou son adjoint participent au comité de suivi et ils veillent au respect des exigences légales relatives à la mise en œuvre du CCS prescrites dans l’arrêté 023. Ils sont appuyés en termes d’expertise en ADF par un délégué de l’administration forestière. Les délégués des ONGs accompagnent les communautés locales afin de les former en matière de négociation, de calcul et de suivi du FDL.

Le FDL est à hauteur de 100 à 200 000 $ US pour une période de 4 ans relative à la mise en œuvre d’un plan de gestion provisoire d’une concession quelconque et il est utilisé pour la réalisation ou la réfection des infrastructures communautaires inscrites dans les clauses du CCS. Sur ce montant, 10 % est utilisé pour payer les jetons de présence aux participants des réunions des comités de gestion ou de suivi du FDL. Le Comité Local de Suivi (CLS) se réunit tous les trimestres pour évaluer le rapport trimestriel du Comité Local de Gestion (CLG).

Les deux comités se diffèrent par la composition de leurs membres. Le CLG comprend au moins 5 membres élus de la communauté locale, un délégué de la compagnie forestière, un observateur délégué d’une ONG. Ce dernier est recommandé par les membres du CLG et accepté par le concessionnaire. Il est coordonné par un président qui travaille sous la supervision du chef de la communauté, un trésorier, un rapporteur, des conseillers et un observateur. Le CLS comprend l’administrateur du territoire ou son adjoint qui fait office de président, au moins trois membres élus de la communauté locale en dehors de ceux faisant partie du CLG et d’un délégué du concessionnaire forestier. Les deux comités se réunissent une fois par trimestre et éventuellement en session extraordinaire. Les figures 3-1 et 3-2 illustrent les différentes parties prenantes ainsi que les acteurs impliqués dans la négociation puis la mise en œuvre des clauses du CCS.

106 Délégués villageois Comité de Négociation Administrateur du territoire Concession -naire Table de négociation Chef de groupement et chefs de village Notables Chefs de Terre Élites Chefs

religieux Figure 3-1 Acteurs et parties prenantes à la négociation des clauses du CCS

ONG ONG ONG

Délégués villageois CLG Administrateur du territoire CLS Mise en œuvre Chef de groupement et chefs de village Notables Chefs de Terre Élites Chefs

religieux Figure 3-2 Acteurs et parties prenantes à la mise en œuvre du CCS Délégué du

concessionnaire

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