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§2 Le DMP, un encadrement juridique évoluant avec difficultés

A. Les premiers pas du DMP : des orientations incertaines

1) Origines et principes fondamentaux du DMP

284. L’idée d’un dossier reprenant l’ensemble des éléments relatifs à un patient et partagé dans un objectif de meilleure coordination entre plusieurs professionnels de santé différents n’est pas nouvelle. Avec l’introduction et le développement des TIC dans la pratique médicale, facilitant le partage et la diffusion de l’information médicale, cette idée s’est faite de plus en plus présente.

285. Le rapport de Marius FIESCHI374, rendu en 2003, faisait d’ailleurs état de cette tentative, depuis de nombreuses années, de mettre en place un dossier partagé. Il soulignait l’échec du projet de Dossier Minimum Commun (DMC). Il rappelait également l’intérêt de mettre en place un dossier visant à rassembler toutes les informations médicales concernant un patient, modèle correspondant alors mieux à la réalité de l’état de santé du patient car non centré sur une seule pathologie. Il avançait alors le nom de "Dossier Patient Partagé" (DPP).

374 FIESCHI, Marius. « Les données du patient partagées : la culture du partage et de la qualité des informations

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Se basant sur ce rapport, le ministre de la santé de l’époque, M. Philippe DOUSTE- BLAZY, a alors décidé d’en faire un projet national phare. C’est la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie375

qui a créé, en son article 3, le dossier médical personnel376. Les dispositions relatives au DMP ne sont alors pas nombreuses, mais elles sont très denses377 et insérées aux articles L. 162-36-1 à L. 162-36-4 du Code de la sécurité sociale. Comme le soulignait à juste titre Didier TRUCHET378, cette considération n’est pas anecdotique puisqu’elle détermine le champ d’application de la loi : tous les bénéficiaires de l’assurance maladie pourront ouvrir un DMP, et non pas tous les patients. De plus, le fait que le DMP soit créé par une loi relative à l’assurance maladie, et ses dispositions présentes dans le Code de la sécurité sociale marque bien l’objectif premier confié au DMP : la réalisation d’économies en termes de dépenses de santé. Cet objectif n’a jamais été clairement affiché par le législateur.

L’article L 161-36-1 du Code de la sécurité sociale prévoyait la création du DMP « afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d’un bon

niveau de santé ». Toutefois, en prévoyant ce dispositif au sein d’une loi consacrée à

l’assurance maladie, et en insérant son encadrement au sein du Code de la sécurité sociale, le législateur faisait, de fait, du DMP un outil au service de l’assurance maladie. D’ailleurs, dans le rapport relatif au DMP de 2007, la plus grande maîtrise des dépenses d’assurance maladie, via la diminution des actes redondants, inutiles ou iatrogènes fait partie des quatre objectifs initiaux constatés du DMP379.L’article 3 de la loi du 4 août 2004 a ainsi posé, les bases juridiques du DMP, laissant à un décret pris en Conseil d’Etat le soin d’apporter l’ensemble des précisions pratiques qui seront nécessaires à la bonne mise en œuvre de l’outil. Cependant, ce décret n’a jamais vu le jour.

286. A l’origine, les principes qui régissaient le DMP sont les suivants : en tant que dossier "personnel"380, le DMP était placé sous le contrôle381 du patient, celui-ci accordant ou non son

375

Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, JORF n°0190 du 17 août 2004, p. 14598.

376 Alors que l’article 3 de la loi du 4 août 2004 est venue créer le Dossier Médical Personnel, la rédaction

actuelle de l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique, issue de la loi de modernisation de notre système de santé, dispose que : « dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables ainsi que des articles L.

1110-4, L. 1110-4-1 et L. 1111-2, chaque professionnel de santé, quels que soient son mode et son lieu d'exercice, reporte dans le dossier médical partagé […] ».

377 TRUCHET, Didier. « Que dit la loi ? », RGDM, N°20, 2006, p. 67. 378 Ibid.

379

Rapport sur le Dossier médical personnalisé, Inspection générale des finances, Inspection générale des

Affaires sociales, Conseil générale des Technologies de l’Information, novembre 2007, p. 1.

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consentement à l’ouverture du dossier et désignant les professionnels pouvant y accéder. Les professionnels et les établissements de santé avaient, quant à eux, pour obligation d’alimenter ce dossier. En effet, l’adhésion et le maintien aux conventions nationales signées entre professionnels de santé et l’assurance maladie était soumis à la consultation et à la mise à jour du DMP par les professionnels. En contrepartie, il était également prévu que le niveau de prise en charge des actes et prestations soit subordonnée à l’autorisation donnée par le patient au professionnel de consulter son DMP.

287. Lors de la publication de la loi, cette dernière mesure avait été vivement critiquée et, le Conseil Constitutionnel avait été saisi au motif, notamment, que cette disposition portait atteinte au droit à la protection sociale garanti au titre du préambule de la Constitution de 1946. Le Conseil Constitutionnel a toutefois considéré que, « eu égard aux finalités des

dispositions contestées, qui sont, d'une part, d'améliorer la qualité des soins, d'autre part, de réduire le déséquilibre financier de l'assurance maladie, et compte tenu de l'ensemble des garanties qui viennent d'être rappelées, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles en cause, une conciliation qui n'apparaît pas manifestement déséquilibrée ; que, dès lors, les griefs invoqués doivent être rejetés »382. Ainsi, pour les sages du Conseil, le droit à la santé nécessite un système de protection sociale qui se doit d’être en équilibre financier, et par conséquent, des concessions doivent également être opérées de la part des bénéficiaires de ce système383. Pour reprendre les mots, de François VIALLA, le patient « s’est vu reconnaitre des droits, il commence à en découvrir les contreparties »384

288. La loi de 2004, soucieuse de préserver le secret professionnel malgré la mise en place d’un outil destiné à être partagé avec un grand nombre de professionnels, prévoyait des garanties en ce sens, puisque le DMP devait être mis en place dans le respect du secret médical (article L. 161-36-1), et hébergé auprès d’un hébergeur agrée, la consultation se faisant dans le respect des règles déontologiques applicables au professionnel ainsi que dans le respect des articles L. 1110-4 et L. 1111-2 du Code de la santé publique. Enfin, il était également prévu l’interdiction de consulter le DMP dans certaines situations, telle que lors de

381 V. Supra. n°112 à 119. 382

Décision du Conseil Constitutionnel n° 2004-504 du 12 août 2004, JORF n°190 du 17 août 2004, p. 14657.

383 VIALLA, François. « Secret et DMP », RDS, 2005, pp. 42-44. 384 Id., p. 42.

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la conclusion d’un contrat d’assurance par exemple, ou de tout autre contrat qui nécessiterait l’évaluation de la santé d’une personne.

Cette première version du DMP a toutefois rapidement fait l’objet de critiques et certaines évolutions ont été instaurées au fil des années.

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