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§1 La place incertaine du DMP dans le champ des dossiers médicau

A. Tentative de délimitation du cadre juridique des DME

1) Le dossier médical : un dossier aux formes multiples.

263. Bien que le dossier médical soit un outil désormais solidement ancré dans les pratiques des professionnels de santé, celui-ci ne dispose pas de réelle définition juridique. En effet, il n’est finalement défini que par le biais de son contenu ou de ses modes d’accès et de communication337. Or, il existe, à l’heure actuelle un nombre important de dossiers différents qui contiennent des données médicales de patients et qui sont utilisés pour leur suivi. Pour reprendre les propos de Philippe BICLET, « derrière le terme générique de "dossier médical"

se cachent des réalités bien différentes »338.

264. Dossier de suivi médical, dossier hospitalier, dossier patient, dossier médical informatisé, dossier médical personnel, dossier pharmaceutique, dossier de réseau,... les dénominations sont aujourd’hui nombreuses et il est parfois difficile de clairement identifier de quel outil il s’agit. Or, pour mieux appréhender le DME et le DMP, il nous semble important de délimiter d’abord les contours de ces différents dossiers. Pour ce faire, nous faisons le choix de concentrer nos travaux sur les seuls dossiers ayant un encadrement juridique précis. En effet, comme nous le verrons, plusieurs dénominations regroupent en réalité la même chose.

265. D’un point de vue strictement juridique, quatre types de dossiers existent réellement. Le plus connu, ou tout du moins, le mieux identifié en pratique est le dossier médical dont le

337

GIOCANTI, Dominique. « Les différentes acceptions des termes "dossier médical" et, dans ce contexte, situation du dossier hospitalier », RGDM, n° 37, 2010, p. 164.

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contenu est défini à l’article R. 1112-2 du Code de la santé publique339

et obligatoirement présent dans les établissements de santé publics ou privés. Ce dossier est couramment appelé dossier hospitalier340. En réalité, il n’existe pas de texte qui le définisse juridiquement. Toutefois, par le jeu des différents articles, définissant à la fois son contenu a minima (article R. 1112-2 du Code de la santé publique), ou les moyens de sa communication au patient (article L. 1111-7 du Code de la santé publique), il nous est possible d’en dresser les contours. Il apparait ainsi que ce dossier a été conçu par le législateur pour être le plus large possible et contenir l’ensemble des informations médicales d’un patient qui ont pu être collectées à l’occasion de son séjour en établissement de santé. D’ailleurs, les autres dossiers de professionnels se doivent d’être regroupés en son sein (c’est le cas par exemple du dossier d’anesthésie ou encore du dossier de soins infirmiers). A noter que l’article R. 1112-2 prévoit que le contenu énoncé est un contenu a minima. Ainsi, les établissements restent libres d’ajouter d’autres éléments, typiques de leur organisation interne par exemple, pour compléter ce dossier. Cela explique la diversité actuelle qui existe en matière d’organisation des dossiers médicaux.

266. L’article 45 du Code de déontologie médicale, codifié à l’article R. 4127-45 du Code de la santé publique vient, pour sa part, imposer à chaque médecin la tenue d’une "fiche d’observation" pour chaque patient. Celle-ci est strictement personnelle au médecin et doit être rédigée, indépendamment du « dossier de suivi médical prévu par la loi ». Il s’agit, en réalité, d’un dossier de suivi qui avait été instauré par la Convention Nationale des médecins, suite à la loi du 18 janvier 1994341. Toutefois à l’heure actuelle, ceci n’est plus une obligation342. Aucun formalisme n’est prévu par la loi concernant ces notes et, il n’est pas rare, encore aujourd’hui, que celles-ci soient tenues par les médecins sur de simples fiches cartonnées, sans réelle organisation. Comme le souligne, à juste titre, le Professeur Marius FIESCHI dans son rapport343, ce type de dossier médical prend plutôt la forme d’un dossier

339

Article R. 1112-2 du Code de la santé publique : « un dossier médical est constitué pour chaque patient

hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé ».

340 V. en ce sens GIOCANTI, Dominique. « Les différentes acceptions des termes « dossier médical » et, dans ce

contexte, situation du dossier hospitalier », op. cit. ; VEILLEROT Guy. « Le dossier hospitalier », RGDM, n°37 2010, pp. 177-183.

341

Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, JORF n°15 du 19 janvier 1994, p. 960.

342 BICLET, Philippe. « Le dossier médical dans tous ses états », op. cit., p. 174. 343

FIESCHI, Marius. « Les données du patient partagées : la culture du partage et de la qualité des informations pour améliorer la qualité des soins », Rapport au ministre de la santé de la famille et des personnes handicapées,

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d’archives, et ne correspond pas à un dossier partagé qui serait un outil de coordination pour les professionnels de santé.

Toutefois, ces dernières années, le législateur, dans la suite des préconisations du rapport FIESCHI notamment, qui prônait la mise en place d’un dossier patient partagé, est venu créer deux dossiers informatisés et partagés.

267. Le premier, et celui qui, à l’heure actuelle, a rencontré le plus franc succès, est le dossier pharmaceutique (ou DP), introduit au Code de la sécurité sociale par la loi du 30 janvier 2007344. Il s’agit d’un dossier destiné exclusivement aux pharmaciens, et qui permet, par le biais de la carte vitale du patient, de consulter l’ensemble des médicaments délivrés au cours des quatre derniers mois. Initialement conçu comme un outil au service du DMP, afin d’alimenter le volet médicaments de celui-ci, le DP a vécu une première phase d’expérimentation entre 2007 et décembre 2008, phase développée à l’initiative du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens. Le décret n° 2008-1326 du 15 décembre 2008 relatif au dossier pharmaceutique345 a généralisé ce processus, l’ensemble des pharmacies d’officines étant appelées à se doter de l’outil. Puis, la loi HPST346 a introduit l’article L. 1111-23 au Code de la santé publique, qui prévoit l’ouverture, pour chaque bénéficiaire de l’assurance maladie, et avec son consentement, d’un dossier pharmaceutique, dont le but affiché est de favoriser la coordination, la qualité, la continuité des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments347. Cet article prévoit également que la mise en œuvre du DP est assurée par le Conseil National de l’Ordre des pharmaciens. En pratique, seul un pharmacien d’office ou

344 Loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à

l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le Code de la santé publique, JORF n°27 du 1 février 2007, p. 1937.

345

Décret n° 2008-1326 du 15 décembre 2008 relatif au dossier pharmaceutique JORF n°0293 du 17 décembre 2008, p. 19237.

346 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux

territoires, JORF n°0167 du 22 juillet 2009, p. 12184.

347

Article L. 1111-23 du Code de la santé publique : « afin de favoriser la coordination, la qualité, la continuité

des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments, produits et objets définis à l'article L. 4211-1, il est créé, pour chaque bénéficiaire de l'assurance maladie, avec son consentement, un dossier pharmaceutique. Sauf opposition du patient quant à l'accès du pharmacien à son dossier pharmaceutique et à l'alimentation de celui- ci, tout pharmacien d'officine est tenu d'alimenter le dossier pharmaceutique à l'occasion de la dispensation. Dans les mêmes conditions, les pharmaciens exerçant dans une pharmacie à usage intérieur peuvent consulter et alimenter ce dossier. Les informations de ce dossier utiles à la coordination des soins sont reportées dans le dossier médical personnel dans les conditions prévues à l'article L. 1111-15. La mise en œuvre du dossier pharmaceutique est assurée par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens mentionné à l'article L. 4231-2. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, fixe les conditions d'application du présent article ».

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exerçant au sein des pharmacies à usage interne (PUI) peut consulter et alimenter ce dossier. Toutefois, il est prévu, à terme, que le DP soit intégré au DMP, tout du moins en partie, et soit donc, de ce fait, consultable par les autres professionnels de santé.

268. Enfin, le dossier médical partagé (DMP), qui fait l’objet d’une étude poussée tout au long de notre chapitre, est le projet de dossier médical partagé le plus complet, tout du moins en théorie, reflet de la volonté du législateur d’instaurer un dossier partagé par tous les professionnels de santé intervenant dans la prise en charge d’un patient.

Il est utile de signaler que des dispositifs "alternatifs" au dossier médical existent également. Citons plus particulièrement en ce sens le carnet de santé, créé par les articles R 162-1 à R 162-1-6 du Code de sécurité sociale qui, quant à lui, visait plutôt à permettre une continuité et une coordination des soins plus qu’un archivage des informations médicales.

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