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Archives publiques, archives hospitalières et secret médical : des règles parfois en opposition

§1 Les règles spécifiques aux archives publiques

B. Archives publiques, archives hospitalières et secret médical : des règles parfois en opposition

174. Suite à la loi du 15 juillet 2008235 réformant les règles relatives aux archives, des interrogations quant à la communicabilité des archives hospitalières et donc des dossiers médicaux ont vu le jour. Ce questionnement fait suite à une disposition issue de cette loi et

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Quinzième rapport d’activité de la CNIL, 1995, cité par SAMARCQ, Nicolas. BRIOIS, Sébastien. « Données de santé à caractère personnel : les enjeux de la diffusion des TIC », Expertises, 2010, p. 385.

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codifiée au Code du patrimoine à l’article L. 213-2. Ce texte dispose que « les archives

publiques sont communicables de plein droit à l’expiration d’un délai de (…) vingt-cinq ans à compter du décès de l’intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical ». Le texte ajoute que « si la date du décès n’est pas connue, le délai est de cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause ». Face à cette

disposition, le directeur du centre hospitalier de Lorquin a saisi la CADA, afin d’obtenir un conseil concernant l’application de ces dispositions aux dossiers médicaux.

175. Dans un conseil rendu le 16 avril 2009236, la CADA tient le raisonnement suivant : en application de l’article L. 211-4 du Code du patrimoine, les documents des établissements publics de santé sont des archives publiques, archives qui, au titre de l’article L. 213-2 du même code, sont communicables de plein droit vingt-cinq ans à compter du décès de l’intéressé pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical ou cent vingt ans, à compter de la date de naissance de la personne en cause. Elle poursuit son raisonnement en précisant que les dossiers médicaux ayant le caractère d’archives publiques, sont donc librement communicables dans les conditions prévues à l’article L. 212-2 du Code du patrimoine. La CADA ajoute enfin que le dernier alinéa de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique237, qui encadre les modalités de communications des informations d’une personne décédée à ses ayants droit, n’est alors plus applicable. Selon la CADA, les dossiers médicaux, passé un certain délai, pourraient donc être librement communicables à n’importe quelle personne qui en formulerait la demande. Face à cet avis, la DHOS a, via une circulaire du 21 août 2009238, rappelé l’état du droit en matière de communication des informations de santé relatives à une personne décédée ayant été hospitalisée dans un établissement public de santé ou un établissement privé, chargé d’une mission de service public. La DHOS préconise aux établissements de santé l’organisation de l’élimination des dossiers médicaux et ce, « avec une particulière attention ». En effet, par le truchement des articles du Code du patrimoine précités et des dispositions du Code de la santé publique relatives à la durée de

236 CADA, conseil n° 20091205, séance du 16 avril 2009. 237

Cet alinéa dispose : « le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une

personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».

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Circulaire n° DHOS/E1/2009/271 du 21 août 2009 relative à la communicabilité des informations de santé concernant une personne décédée ayant été hospitalisée dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé chargé d’une mission de service public, non publiée au JORF.

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conservation des dossiers médicaux, la DHOS estime que l’élimination systématique des dossiers médicaux évitera leur communication au public.

176. Comme une partie de la doctrine, nous pensons que cette nouvelle disposition introduite par la loi de 2008 relative aux archives, ne s’applique pas aux dossiers médicaux. De fait, bien qu’il soit exact que les dossiers médicaux soient des archives publiques au sens de l’article L. 213-4 du Code du patrimoine, ce sont également, et avant tout, des documents administratifs au sens de la loi du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal239, aujourd’hui codifié au Code des relations entre le public et les administrations. Ainsi, la lecture attentive des articles L. 311-5 à L. 311-8 de ce code nous permet de tenir une position différente de celle de la CADA et la DHOS. Ces articles distinguent trois catégories de documents administratifs : les documents non communicables, les documents communicables uniquement à l’intéressé et enfin les documents non communicables qui peuvent néanmoins l’être à titre d’exception et notamment, dans les conditions et délais prévus aux articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code du patrimoine. Ainsi, une interprétation stricte de ces dispositions240 nous permet d’affirmer que seuls les documents dont la liste est dressée à l’article L 311-5 du Code des relations entre le public et les administrations seraient exceptionnellement communicables dans les délais et conditions prévus à l’article L. 213-2 du Code du patrimoine. Or, les dossiers médicaux sont considérés, aux termes de l’article L. 311- 6 du Code des relations entre le public et les administrations, comme uniquement communicables aux personnes intéressées. Ceci est d’ailleurs en adéquation avec les dispositions de l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique, relatives à l’accès à son dossier médical par l’usager, article d’ailleurs expressément cité par les dispositions de la loi. Dans cette hypothèse, les documents « dont la communication porte atteinte au secret

médical » seraient tous ceux détenus par l’établissement de santé mais non présents au dossier

médical. A titre d’exemple, il est possible de citer les documents de facturation ou encore les carnets de rendez-vous.

239 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et

le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, JORF du 18 juillet 1978, p. 2851.

240 BEAUJEAN, Isabelle. « L’inquiétant devenir des dossiers patients conservés par les établissements publics de

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177. Cette circulaire, étonnante en plusieurs points, n’a toutefois suscité que peu de commentaires au sein de la doctrine. Ceux qui existent sont assez tranchés. Certains estiment que cette circulaire relève « d’un emballement rocambolesque », critiquent le raisonnement de la DHOS et estiment qu’il y a « urgence à ne pas appliquer cette recommandation »241. D’autres affirment tout simplement que « la position de la CADA et de la DHOS semble

critiquable », précisant qu’en tout état de cause, l’avis de la CADA et la circulaire

interprétative de la DHOS ne revêtent aucunement un caractère obligatoire.242

Au-delà des règles applicables aux archives publiques, l’utilisation des TIC en matière de conservation des données de santé a amené le législateur à créer un cadre spécifique relatif à l’hébergement de ces données sensibles.

§2. La conservation à l’ère des TIC : le cadre de l’hébergement des

données de santé

178. La conservation des données de santé sur support informatique doit respecter un cadre réglementaire précis, instauré par le législateur dans un souci de protéger à la fois la confidentialité et la sécurité de ces données. Ainsi, l’hébergement des données de santé, et notamment l’hébergement externalisé auprès de tiers, répond à un cadre strict (A), instauré depuis plusieurs années et récemment rénové.

Toutefois, la problématique majeure aujourd’hui reste l’opposition de la technique et de son évolution, aux règles juridiques (B).

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