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2. PARTIE EMPIRIQUE

1.5.1. Origines de la démarche

La méthodologie du Routine Outcome Monitoring (ROM) a été développée, nous l’avons vu pour répondre aux enjeux des mauvais résultats dus aux traitements, et aux abandons en cours de soins. Notamment pour aider les cliniciens à mieux identifier les patients à risque de se détériorer et à mieux adapter le traitement délivré (Lambert, 2015). Ceci implique de pouvoir suivre de séance en séance l’évolution du patient (les résultats c’est-à-dire le changement thérapeutique), mais également en fonction des systèmes de ROM, l’évolution de l’alliance thérapeutique, afin d’adapter la thérapie et de mieux engager les patients dans les soins.

De nombreux systèmes basés sur le feedback des patients ont été développés et sont utilisés à travers le monde, mais à notre connaissance, le ROM est moins fréquemment utilisé dans les pays francophones et il n’existe pas de système complet et suffisamment simple - demandant peu de temps d’utilisation pour pouvoir être directement implémenté en pratique clinique courante - et qui soit à la fois reconnu comme validé empiriquement (notamment par les autorités de santé aux USA) et qui ait été adapté et validé avec la population française.

De ce fait, le système PCOMS (the Partner for Change Outcome Management System, PCOMS ; Miller et al., 2005), représente une option intéressante puisque ce système est à la fois reconnu comme empiriquement validé et enregistré au répertoire américain des programmes et pratiques empiriquement validés (répertoire NREPP de la SAMSHA) 11, et que

son utilisation est documentée comme plus aisée et moins chronophage que des échelles, certes

plus complètes, mais aussi sujettes à être rapidement abandonnées par les cliniciens . Dans les recommandations de la revue Cochrane sur l’utilisation de la pratique ROM pour le traitement des troubles mentaux courants (Kendrick et al., 2016), les auteurs recommandent d’ailleurs de considérer la rapidité d’administration des échelles de feedback dans le choix d’utiliser un système ROM et évoquent en ce sens l’utilisation de l’Échelle d’Évaluation des Résultats de la Séance (Outcome Rating Scale, ORS ; Miller et al., 2005) qui est partie intégrante du système PCOMS.

Le système PCOMS comprend donc, nous l’avons vu, une échelle de mesure des résultats psychothérapeutiques, l’échelle ORS (annexe 2) et une échelle de mesure de l’alliance thérapeutique l’échelle SRS (Session Rating Scale ; Miller et al., 2005 ; annexe 3). Le processus clinique d’administration continue de ces deux échelles pour suivre les résultats en continu et améliorer le traitement est appelé Traitement Orienté par le Feedback (Feedback Informed Treatment ou FIT).

L’Échelle d’Évaluation des Résultats, ORS (Outcome Rating Scale ; Miller et al., 2003) est une échelle très brève et auto-administrée, destinée à mesurer les dimensions du bien-être personnel qui sont supposées manifester des changements positifs quand un traitement psychothérapeutique est efficace. Ce questionnaire a directement été inspiré des travaux de Michael Lambert sur le Routine Outcome Monitoring du changement thérapeutique et par la construction du questionnaire OQ-45 qui mesure la détresse psychologique sur trois dimensions (une dimension de détresse psychologique subjective, une dimension de relations interpersonnelles et une dimension de relations sociale).

Le questionnaire ORS comprend quatre échelles visuelles analogiques (EVA) qui mesurent 10 cm chacune dans la présentation au format papier du questionnaire. Chaque échelle mesure le niveau de bien-être sur chaque dimension, avec l’extrémité gauche de l’échelle associée au plus bas niveau (O) et l’extrémité droite de l’échelle associée au plus haut niveau (10). Les 4 dimensions mesurées sont respectivement la dimension de bien-être individuel (item

a), de bien être interpersonnel (item b), de bien-être social (item c), et de bien-être global (item d).

Les questionnaires qui sont chronophages ont moins de chance d’être réellement administrés en continu en pratique clinique courante (Brown, Dreis, & Nace, 1999 ; Miller et al., 2003; Seidel et al., 2016) et l’ échelle ORS a été dans ce sens développée comme une alternative aux questionnaires de mesure du changement thérapeutique qui sont plus long à administrer, tout en permettant d’être utilisé dans une perspective de soins basée sur la mesure (« measurement based care ») du fait de qualités psychométriques satisfaisantes documentées.

Le score de chaque item étant compris entre 0 et 10, le score total obtenu à l’échelle ORS est obtenu par addition des scores obtenus aux items a, b, c et d. Il est compris entre 0 et 40. De plus hauts scores à l’item ou au questionnaire indiquent un degré supérieur de bien-être.

Dans le processus de thérapie guidée par le feedback, le questionnaire ORS est administré à chaque début de séance pour servir de mesure des résultats (du changement thérapeutique).

L’Échelle d’Évaluation des Résultats de la Séance ou SRS (Session Rating Scale 3.0 ; Miller et al., 2003) est également une échelle ultra-brève et auto-administrée, qui est destinée à mesurer les trois dimensions de l’alliance thérapeutique correspondantes au modèle de Bordin (1979). Ce questionnaire est également constitué de quatre échelles visuelles analogiques mesurant 10 cm dans la présentation au format papier. Les items mesurent respectivement l’entente/la relation entre le patient et le thérapeute (item a), l’entente sur les buts de la thérapie (item b), l’entente sur les taches thérapeutiques (item c), et une quatrième question est destinée à mesurer la qualité globale de la séance (item d).

Pour chaque dimension, l’extrémité gauche de l’échelle correspond au niveau le plus bas (0) et l’extrémité droite au niveau le plus haut (10). Les scores obtenus à chaque item étant compris entre 0 et 10, le score total à l’échelle, obtenu par l’addition des quatre items, est

compris entre 0 et 40. Un score plus haut à l’item ou à l’échelle est associé à une meilleure alliance thérapeutique.

Les échelles d’évaluation du changement thérapeutique (ORS) et d’évaluation de l’alliance thérapeutique (SRS) ont été initialement traduites en français, mais n’ont pas fait l’objet d’un travail de validation transculturelle. Ce travail est pourtant nécessaire, car si ces échelles peuvent être directement utilisées pour favoriser le recueil du feedback du patient en condition clinique, l’étude des qualités psychométriques de la version française s’impose quand il s’agit apporter des données probantes susceptibles d’orienter les décisions affectant par exemple la politique d’encadrement des soins.

Dans le but de documenter la légitimité et l’applicabilité de ces échelles, pour les populations francophones, et après avoir recherché d’éventuels collaborateurs possédant des données normatives ou intéressés par un travail de validation, nous avons consulté l’auteur principal des mesures PCOMS, le Dr Scott D Miller et nous avons initié en mars 2013, un projet de validation unifiée des échelles avec différents cliniciens francophones.

Documenter l’utilité clinique et donc sociale de l’utilisation des échelles renvoyait à interroger les qualités psychométriques de ces échelles dans leur versions francophones (validité de structure, analyses de la validité et de la fidélité) ainsi qu’à déterminer les indices statistiques de seuils cliniques et de changement fiables relatifs à ces échelles. Il est également apparu nécessaire de documenter les premières données normatives issues de populations francophones obtenues auprès d’un échantillon de patients suivis en psychothérapie (population clinique), mais également recueillies avec un échantillon de sujets tout venant ne recevant ni traitement psychothérapeutique, ni traitement médicamenteux.