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La théorie du choix rationnel a pour principale base la notion de « choix rationnel ». De façon générale, un choix rationnel est simplement défini comme étant raisonnable, logique et cohérent. Le terme « raison » peut, quant à lui, être défini comme la capacité de tirer des conclusions logiques à la suite de l’analyse de prémisses justifiées267.

La théorie du choix rationnel a particulièrement fait son apparition avec les premiers travaux d’Adam Smith relatifs aux lois du marché268. Dans sa forme primaire, cette théorie se fonde sur l’étude des comportements humains afin de comprendre et d’envisager les choix d’individus rationnels, le plus souvent le consommateur ou le vendeur, dans un contexte de marché269. Par exemple, plusieurs réponses peuvent être

267 Green, supra note 28 à la p. 46 :

More generally, a “rational” choice must by definition be a choice based (somehow) on reason. Reason has been defined as “the faculty or process of drawing logical inferences.” Logical inferences relate premises to conclusions. In this context one might ask two kinds of questions. First, does a stated conclusion follow from a given set of premises? Second, one might ask judgmental questions about premises – that is, are premises justified or well-defended?

268 Adam Smith, Lectures, supra note 32; Kristen Renwick Monroe, « Paradigm Shift: From Rational

Choice to Perspective « (2001) 22 International Political Science Review 151; voir la p. 152 pour un aperçu de l’origine de la théorie du choix rationnel; Green, ibid.

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apportées à la question « comment un vendeur détermine combien de tomates il doit produire et à quel prix »270. Des facteurs comme les habitudes, la tradition ou ce qui a été fait dans le passé peuvent en effet influencer le comportement de ce vendeur271. Un vendeur pourrait aussi simplement fixer son prix de façon arbitraire. La théorie du choix rationnel a donc traditionnellement été utilisée dans le but de prédire, avec une certaine constance, quel sera le choix rationnel du consommateur ou du vendeur grâce à l’identification de leur utilité (ci-après parfois désignée comme « intérêt personnel » ou « objectif recherché »). Un choix rationnel sera celui qui maximise l’utilité identifiée. Bien que la théorie du choix rationnel ait d’abord été utilisée en matière économique, elle a graduellement été transposée à d’autres disciplines, dont la sociologie, les sciences politiques et la psychologie272. Elle est aussi particulièrement utilisée pour expliquer, non seulement les choix politiques de nos gouvernements, mais aussi la décision des individus d’appuyer ou non ces derniers (en référence ici à la notion ou à la théorie du choix public)273. Comme nous l’indiquions plus tôt, la reconnaissance de la théorie du choix rationnel est hautement controversée274. En matière légale, cette situation est, selon nous,

270 Green, ibid. aux pp. 4 et s. 271 Green, ibid.

272 Monroe, supra note 268. 273 Monroe, supra note 268.

274 Tom Ginsburg, « Ways of Criticizing Public Choice: Empiricism and the Use of Theory in Legal

Scholarship » [2002] U. Ill. L. Rev. 1139. Posner reconnaît toutefois la validité de cette théorie en droit. Voir aussi Alexander Thompson, « Applying Rational Choice Theory to International Law: The Promise and Pitfalls » (2002) 31 J. Legal Stud. s285. Par ailleurs, notons que Sened a recours à cette théorie pour expliquer l’état des droits de propriété privés, traditionnellement justifiés par des théories normatives; voir Sened, supra note 27.

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en partie due à la perception traditionnelle légale et normative de la théorie du droit275. En droit, la théorie est en effet souvent perçue comme un outil qui permet de déterminer ce que « doit » être une loi, outil justificatif, et non ce qu’« est » réellement une loi, outil explicatif276. Les propos suivants de James Boyne White, publiés dans Economics and

Law: Two Cultures in Tension, correspondent à la perception traditionnelle des juristes

face à la théorie du choix rationnel :

To reduce all value to self-interest, as it does the rest of the time, is intellectually and ethically intolerable. How could one educate one’s children or oneself to live in a world that was neutral on all the great questions of life, except that it reduced them to acquisition, competition, and calculation277?

Il importe de souligner que la théorie du choix rationnel a toujours occupé une place marginale en droit. Par ailleurs, au soutien de notre argument, nous remarquons une présence de plus en plus importante de cette théorie dans certains domaines du droit, notamment en matière internationale278. Certains qualifieront néanmoins cette théorie

275 À ce sujet, voir Thompson, ibid. Nous soulignons que pour les fins de cette thèse, nous associons la

notion de « normativité » à celle de moralité. Toutefois, ce qui est moral ou non est discutable et variable d’une collectivité à une autre.

276 Sened, supra note 27; Thompson, ibid. La différence entre les théories positive et normative est

expliquée par Tom Ginsburg, supra note 274 à la p. 1162 :

Broadly speaking, positive theories exist to organize facts to achieve two purposes. They can explain the world as we find it, thus contributing to our understanding. They can also predict future occurrence of the phenomenon under consideration. Normative theory, on the other hand, serves to organize recommendations to legal and political decision makers about how institutions should be designed. It focuses on how the world ought to be rather than how it is.

277 White, supra note 76 à la p. 175.

278 Thompson, supra note 274 à la p. s286; Voir aussi Olivier Corten, Le discours du droit international pour un positivisme critique, Paris, Pedone, 2009; Olivier Corten, « La persistance de l’argument légaliste : éléments pour une typologie contemporaine des registres de légitimité dans une société libérale » (2002) 50 Droit et société 185 aux pp. 185-203; Ginsburg, supra note 274. Pour un revue de l’émergence de la

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d’archaïque, devant plutôt, dorénavant, faire place à la théorie plus en vogue de la réflexivité279. Cette dernière théorie découle particulièrement de l’argument à l’effet que les lois ne reflètent pas l’intérêt de la collectivité parce que les relations au sein de cette dernière se développent rapidement à la suite de l’imposition d’une norme. Les lois doivent, par la suite, être adaptées grâce à un effort de dialogue qui réflète les nouvelles relations établies. En toute déférence pour l’opinion contraire, nous ne pouvons considérer la théorie du choix rationnel comme dépassée puisqu’elle fait précisément partie intégrante de l’orientation d’un dialogue, tel qu’il est promu par la théorie de la réflexivité280. En fait, nous considérons que la théorie de la réflexivité a toujours existé, ne serait-ce que dans la vision du « droit » de Fuller281.