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Chapitre 5 : Discussion

5.2. Originalité et apport du projet de recherche

Au terme de cette étude, trois principaux éléments d’originalité et d’apport du projet de recherche sont soulevés, soit (a) notre choix méthodologique quant à l’analyse des données, (b) les résultats distincts obtenus selon la forme de mauvais traitements psychologiques étudiée et (c) l’émergence de certains constats positifs concernant les types d’expérience de maltraitance subie dans l’enfance.

5.2.1. Choix théorique et méthodologique pour l’analyse des données

Dans l’histoire récente du travail social québécois, on fait peu référence au cadre d’analyse utilisé dans cette thèse, soit la théorie axée sur le traumatisme. Cette théorie diffère de celles généralement utilisées à l’heure actuelle, notamment l’approche bioécologique. Elle invite d’abord à se centrer sur l’expérience vécue par la personne pour ensuite contextualiser ses difficultés selon les aspects de sa vie qui en sont affectés. Pour ce faire, notre devis quantitatif et notre échantillon composé d’un nombre élevé de répondantes nous ont menés vers une analyse de partitionnement des données. Notre recension des écrits nous a permis de constater que ce type d’analyse est peu utilisé par les auteurs s’intéressant aux expériences de maltraitance subie dans l’enfance chez les mères adolescentes. Dans le cadre de cette étude, le devis exploratoire et l’utilisation de l’analyse de partitionnement des données ne permet peut- être pas d’expliquer le contexte dans lequel l’expérience de maltraitance s’est déployée, mais elle permet de décrire l’expérience subie par la jeune mère et de la caractériser de manière à rendre justice à sa nature complexe. Ainsi, nos résultats indiquent que cette méthode est pertinente pour distinguer des réalités particulières permettant d’identifier des tendances et des types distincts pour ensuite explorer leur association aux conditions qui contribuent au risque d’APPM chez les jeunes mères. De plus, cette méthode facilite l’interprétation des résultats, en transformant l’échantillon de près de 300 mères en un sous-échantillon composé de trois groupes.

5.2.2. Distinctions selon les formes de mauvais traitements psychologiques

Tel que mentionné préalablement, contrairement à plusieurs autres études portant sur la maltraitance, nos résultats permettent de faire la distinction entre la négligence et l’abus émotionnel, souvent regroupés sous l’appellation « mauvais traitements psychologique » (ou « maltraitance psychologique »). Or, il importe de souligner que la forme de maltraitance avec la plus forte occurrence chez les mères adolescentes ayant participé à notre étude est la négligence émotionnelle. À notre connaissance, aucune autre étude portant sur les mères adolescentes n’a rapporté une prévalence aussi élevée. Nos résultats pourraient cependant être généralisés à d’autres contextes, considérant l’hétérogénéité de notre échantillon. Ceci met donc l’accent sur la pertinence et l’importance de s’attarder à cette forme de maltraitance de manière spécifique puisqu’elle est répandue et associée à sa manière à différentes conditions reconnues dans la littérature comme étant associées à l’APPM.

De plus, théoriquement, la négligence et l’abus émotionnel font référence à des concepts qui différents. Or, au-delà de l’aspect théorique, nos résultats évoquent clairement cette réalité. En effet, pour les trois types d’expérience de maltraitance, lorsque l’abus émotionnel est présent, la négligence émotionnelle l’est moins. Ceci renforce encore plus l’importance de distinguer ces deux formes de maltraitance et de les considérer en fonction de leurs conséquences potentielles respectives. Elles ne font pas référence au même concept et les regrouper, comme ceci a été fait dans le cadre de plusieurs études (notamment, Egeland, 2009 et Valentino, 2012), contribue à masquer une réalité propre à l’expérience de maltraitance d’une personne.

5.2.3. Émergence de constats positifs

Possiblement dû au fait que notre stratégie d’échantillonnage n’était pas ciblée vers des problématiques particulières, autre que la parentalité à l’adolescence, comme c’est le cas pour

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d’autres études (par exemple, Holub et al., 2007 et Lesser et al., 2007, qui avaient des répondantes présentant des risques au plan de leur santé physique, ou Milan et al., 2007 qui avaient des répondantes issues de minorités ethniques), notre étude présente une réalité des mères adolescentes moins sombre que ce qui est généralement mis de l’avant dans la littérature. Notamment, bien que les problèmes de santé mentale soient fréquents et que les mères adolescentes se distinguent de la population générale, les proportions identifiées dans notre étude sont inférieures à celles suggérées dans d’autres études. Ceci permet d’arriver à des constats moins alarmistes et permettant d’axer les interventions sur les forces des mères qui sont considérées d’emblée comme représentant un défi particulier. En effet, contrairement à ce que la littérature suggère, les mères appartenant au troisième type ayant subi une cooccurrence d’un plus grand nombre de formes de maltraitance que leurs pairs appartenant aux deux autres groupes ne sont pas toujours celles qui présentent le plus de difficultés, notamment sur les plans de la santé mentale et de la parentalité. Au contraire, les mères appartenant au troisième groupe sont celles chez qui une amélioration au plan de la détresse psychologique peut être remarquée à mesure que leur enfant vieillit malgré le fait que c’est ce groupe de mères qui est associé à un cumul plus important de conditions de vulnérabilité sociale. De plus, ce sont celles qui surmontent le défi du décrochage scolaire pour retourner aux études suite à la naissance de leur enfant. Elles surestiment, également, moins le développement de l’enfant, en période prénatale, que les mères du deuxième groupe. Nos résultats suggèrent donc, contrairement à ce qui est généralement mis de l’avant dans la littérature empirique et théorique, que les difficultés associées à l’expérience de maltraitance, selon les dimensions étudiées, ne s’aggravent pas nécessairement toujours en fonction de la cooccurrence de plusieurs formes.